Newsletter #13

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Édito de Susan Boos, présidente du Conseil suisse de la presse

Directives révisées sur les sondages et la publicité: les règles de l’art

Travailler sur l’éthique des médias, c’est débattre. Le code de déontologie n’est pas une loi gravée dans le marbre. Il peut donc s’avérer nécessaire d’adapter les directives. Comment se déroule ce processus? La directive 3.7 consacrée aux sondages est un bon exemple. Elle a été remaniée suite à une plainte et sa nouvelle mouture, reformulée et précisée, entrera en vigueur le 1er janvier 2025. 

Tout a commencé par un sondage publié dans le «Wohler Anzeiger» concernant une votation à venir sur une loi fiscale. Le journal a réalisé un sondage et publié un article intitulé «Deutliches Ja zum Steuergesetz» (Un oui massif pour la loi fiscale). Le graphique figurant dans l’article annonçait 81% de personnes en faveur de la loi et 19% contre. Le nombre de lecteurs qui ont participé au sondage n’apparaissait nulle part. Une lectrice a porté plainte, qualifiant le titre de racoleur et de fallacieux, dans la mesure où il n’indiquait pas de manière transparente quelle était la taille de l’échantillon et si le sondage était représentatif. 

La 1re Chambre s’est saisie du cas. Il apparaissait comme évident que l’article était contraire à la directive 3.7, dont la teneur était la suivante: «Lors de la publication des résultats d’un sondage, les médias doivent donner au public toutes les indications utiles à la compréhension de ces résultats. Les indications minimales sont: le nombre de personnes interrogées, la représentativité, la marge d’erreur, le terrain et la période de réalisation de l’enquête, le commanditaire. Le texte doit en outre restituer les questions concrètes de manière correcte quant à leur contenu». Rien de tout cela n’était respecté. «Alors que la directive demande six indications minimales clairement définies, le ‹Wohler Anzeiger›n’en a donné aucune. Il n’a informé ses lecteurs ni du nombre de personnes interrogées, ni de l’absence de représentativité, ni de la marge d’erreur, ni du terrain et de la période de réalisation de l’enquête, ni du commanditaire», comme le mentionne la prise de position 2/2023. Le Conseil suisse de la presse ne s’était jamais montré aussi sévère dans sa pratique, tant il est difficile de respecter tous ces critères. La rédaction du «Wohler Anzeiger» avait d’ailleurs relevé cette incohérence dans sa prise de position, ce en quoi elle avait raison. Le Conseil suisse de la presse a tout de même conclu à une violation, dans la mesure où la rédaction n’a fourni absolument aucune indication. Pour autant, la pratique et le texte d’une directive ne devraient jamais diverger. La 1re Chambre a par conséquent entrepris de mettre au point une nouvelle formulation, portée devant le plénum, débattue, adaptée, puis adoptée.

La nouvelle directive est plus courte et plus précise: «Lorsqu’une rédaction publie les résultats d’un sondage, elle donne au public toutes les informations nécessaires à la compréhension de ces résultats. Elle mentionne a minima le nombre de personnes interrogées et indique si le sondage est représentatif; si tel est le cas de son point de vue, elle indique également la marge d’erreur. Elle communique en outre au public quelles sont les questions principales». Telles sont les exigences, ni plus, ni moins.

La version révisée de la directive 10.1 entrera également en vigueur le 1er janvier 2025. Cette directive régit la «séparation entre partie rédactionnelle et publicité» et s’adresse en premier lieu aux éditeurs qui acquièrent de la publicité. Le Conseil suisse de la presse était jusqu’ici moins strict que la Commission suisse pour la loyauté et Médias Suisses. À l’avenir, les trois organisations vont recommander, voire exiger, la même approche. Le Conseil suisse de la presse requerra désormais que les contenus non rédactionnels publiés avec, en toile de fond, des contenus rédactionnels (par ex. des publicités caméléons) soient expressément signalés comme tels et apparaissent sous une forme totalement distincte. Jusqu’ici, il demandait soit l’un soit l’autre. 

Cette directive est essentielle, car la crédibilité du journalisme est mise à mal lorsque les consommateurs de médias ne peuvent pas reconnaître clairement s’il s’agit de contenus commerciaux ou journalistiques. Dans des travaux récents, des chercheurs ont mis en évidence le fait qu’il ne suffisait pas que les contenus publicitaires soient étiquetés comme «contenu payé» ou comme «supplément», sans qu’ils se distinguent des contenus rédactionnels par la mise en forme. C’est la raison qui a poussé le Conseil suisse de la presse à durcir ses règles.

Susan Boos, présidente du Conseil suisse de la presse

Conseil suisse de la presse

Directive 10.1 – Séparation entre partie rédactionnelle et publicité

(NOUVELLE, en vigueur à compter du 1.1.2025)

Une nette séparation entre la partie rédactionnelle, respectivement le programme, et la publicité ainsi que tout contenu payé ou fourni par des tiers est impérative pour la crédibilité des médias. Les annonces, émissions publicitaires et contenus payés ou fournis par des tiers doivent se distinguer de façon claire et visible des contributions rédactionnelles. Elles doivent pouvoir être clairement reconnues optiquement/acoustiquement de façon univoque ET être désignées explicitement comme de la publicité. (…)

Directive 3.7 – Sondages (NOUVELLE, en vigueur à compter du 1.1.2025)

Lorsqu’une rédaction publie les résultats d’un sondage, elle donne au public toutes les informations nécessaires à la compréhension de ces résultats. Elle mentionne a minima le nombre de personnes interrogées et indique si le sondage est représentatif; si tel est le cas de son point de vue, elle indique également la marge d’erreur. Elle communique en outre au public quelles sont les questions principales.

Nouveaux membres du Conseil suisse de la presse

Au cours de l’année 2024, le Conseil suisse de la presse a accueilli quatre nouveaux membres, tous journalistes. Andri Rostetter a pris la relève de Christina Neuhaus (tous deux NZZ). Pascal Tischhauser a mis fin à son activité de journaliste et Lena Berger a pris sa place (tous deux Ringier). Francesca Luvini (RSI) s’est retirée, car la limite de la durée de fonction était atteinte. Stefano Guerra, journaliste à «La Regione» lui a succédé. Simone Rau a également donné sa démission après avoir quitté Tamedia pour SRF. Catherine Boss (Tamedia) a pris sa place. 

Le Conseil suisse de la presse remercie chaleureusement les membres sortants pour leur engagement bénévole en faveur de la qualité des médias en Suisse et souhaite de tout cœur la bienvenue à ses nouveaux membres.