I. En fait
A. Le 15 mars 2024, «20 minutes» publie en première page une amorce avec le titre suivant: «Sa sous-location s’est transformée en galère». C’est dans cette amorce qu’on trouve la phrase suivante: «La Vaudoise, elle-même en difficulté, a tenté de récupérer son logement, mais une association d’aide aux personnes précarisées l’a menacée.» En page 5 l’article, signé Xavier Fernandez, porte le titre suivant: «Finalement sa bonne action s’est retournée contre elle». Il est question d’une femme, Stéphanie, qui avait cherché à sous-louer son appartement – fourni par l’Association vaudoise pour la sauvegarde du logement des personnes précarisée – après qu’elle ait emménagé avec son compagnon. Elle signe finalement un contrat de sous-location avec une famille tunisienne, qui se plaignait d’avoir été systématiquement refusée par les gérances. Il s’agissait d’un couple et d’un enfant en bas âge, atteint d’autisme. Très rapidement le mari part, et la femme qui n’a pas de revenu paye les loyers avec du retard et puis plus du tout. Stéphanie lui demande de partir. Selon elle c’est à ce moment-là que l’Association vaudoise pour la sauvegarde du logement des personnes précarisées (AVSL) «s’en mêle», l’accuse de méchanceté et menace de la traîner en justice. Après des longs mois de négociations avec l’AVSL, la gérance de l’immeuble fait partir la sous-locataire tunisienne. Stéphanie se retrouve avec un appartement sale, des meubles abimés et 5 mois de loyer à rembourser. Selon le journaliste, l’AVSL n’a pas répondu à ses questions quand il l’a sollicitée.
B. Le 21 mars 2024 la présidente de l’AVSL, Ada Marra, saisit le Conseil suisse de la presse. Elle est d’avis que l’article en Une viole le chiffre 1 (vérité) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration»). L’AVSL n’aurait jamais menacé la personne en question. Les échanges par oral et par écrit auraient consisté à des rappels à la loi, qui ne peuvent pas être assimilés à des menaces. Le journaliste aurait donc déformé la vérité.
C. Le 17 décembre 2024 le rédacteur en chef de «20 minutes» Philippe Favre prend position et demande que la plainte soit rejetée. Il fait valoir que le journaliste a traduit fidèlement les propos de la locataire, qui avait exprimé à plusieurs reprises son sentiment d’être menacée par l’AVSL. Le journaliste aurait essayé de contacter l’association à plusieurs reprises dès le mois d’octobre, par téléphone et par courriel. Dans un premier temps l’AVSL était prête à prendre position, mais finalement elle n’a jamais répondu aux questions du journal. En outre, fait valoir le rédacteur en chef, l’amorce en première page n’est qu’un aperçu de l’article en page 5, beaucoup plus précis. Il s’agit donc selon lui d’un raccourci admissible.
D. Le 11 août 2025, le Conseil de la presse informe les parties que la plainte sera traitée par la présidence du Conseil.
E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Susan Boos (présidente), Annik Dubied (vice-présidente), Jan Grüebler (vice-président) et Ursina Wey (directrice), a traité la plainte le 25 août 2025 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. La plainte de l’AVSL porte uniquement sur l’amorce en première page. Cependant, étant donné qu’il est clairement indiqué qu’il s’agit d’un renvoi à un article plus détaillé en page 5, le Conseil de la presse ne peut évaluer les faits sans tenir compte de l’ensemble du contenu.
2. Le chiffre 1 (vérité) de la «Déclaration» stipule qu’un devoir essentiel des journalistes est de rechercher la vérité. Dans le cas présent, la plaignante conteste que la femme ait été menacée, contrairement à ce que dit le journal. De son côté, l’article en page 5 précise que l’association aurait menacé la femme d’être traînée en justice. Le Conseil de la presse n’est pas en mesure de dire si tel a été le cas. C’est un cas classique où une version s’oppose à une autre. Une prise de position de la plaignante aurait permis a minima de mettre en lumière ces différences. Mais l’association y a renoncé, bien que le journaliste lui ait donné à plusieurs reprises, pendant six semaines, la possibilité de le faire. Le journaliste a donc accompli son devoir de rechercher la vérité. Le chiffre 1 de la «Déclaration» n’est pas violé.
III. Conclusions
1. La plainte est rejetée.
2. En publiant le texte «Sa sous-location s’est transformée en galère» «20 minutes» n’a pas violé le chiffre 1 (recherche de la vérité) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».