Nr. 10/2014
Recherche de la vérité / Audition en cas de reproches graves / Identification

(Cottagnoud c. «Le Nouvelliste») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 6 juin 2014

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I. En fait

A.  Le 3 septembre 2013, sous la plume de Jean-Yves Gabbud, «Le Nouvelliste» publie un article sur un tiers de colonne, intitulé «Affaire Heller: Alain Cottagnoud sanctionné». Il s’agit d’une très vieille histoire, rappelle le quotidien, la faillite de Heller Construction SA ayant été prononcée en 1999. Par la suite, saisi d’une plainte de la masse en faillite, un juge de district de Sion a condamné l’ancien administrateur Alain Cottagnoud au versement de plus de 500’000 Frs. Ce dernier a recouru au Tribunal cantonal sans succès, puis au Tribunal fédéral, qui vient de rejeter son recours, comme l’écrit «Le Nouvelliste».

B. Le 19 février 2014, Alain Cottagnoud saisit le Conseil de la presse. Il affirme d’emblée que depuis plusieurs années le journal l’attaque par des «sous-entendus et des commentaires désobligeants voire diffamatoires». S’élevant ensuite contre le fait que «Le Nouvelliste» ait publié l’article sans attendre de connaître les considérants du jugement du Tribunal fédéral, il estime que le journal a violé plusieurs chiffres de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste». Le chiffre 1 d’abord (recherche de la vérité), notamment en laissant croire qu’il était seul administrateur de la société en faillite, ce qui n’était pas le cas. Puis le chiffre 3 (dénaturation de l’information, traitement des sources, équité) et le chiffre 4 (loyauté de la recherche) auraient également été violés, ainsi que le chiffre 7 (identification) et 11 (directives).

Par ailleurs, «Le Nouvelliste» aurait contrevenu au chiffre 5, en refusant de rectifier l’information en dépit des demandes réitérées du plaignant.

C. Le 24 mars, par la voie de Jean-Yves Gabbud, rédacteur en chef ad intérim, «Le Nouvelliste» prend position. Il conteste que les faits aient été dénaturés. L’article concernait pour l’essentiel le jugement du Tribunal fédéral, dont la teneur a été correctement restituée. Dans la mesure où la vérité était respectée, il n’y avait pas lieu de rectifier. L’article, poursuit Jean-Yves Gabbud, «n’a pas la prétention de faire un compte-rendu exhaustif de l’affaire Heller. Il donne, en quelques lignes, une information judiciaire objective». Le rédacteur en chef précise qu’il n’a pas affirmé que cette procédure concernait l’activité d’avocat de Me Cottagnoud. «Je l’ai désigné comme étant un avocat sédunois… parce que c’est son identité.» Par ailleurs, «le fait que Me Cottagnoud ne soit pas le seul membre du conseil d’administration ne change rien à l’affaire. Le TF a confirmé la condamnation qui le frappe lui et lui seul». Concernant la mention du nom, «Le Nouvelliste» rappelle que Me Cottagnoud «est une personnalité publique sédunoise largement connue». Il a été notamment conseiller municipal, président du parti radical sédunois, candidat député sous l’étiquette UDC. Enfin, «il a également défrayé la chronique judiciaire en tant que justiciable». Jean-Yves Gabbud juge enfin qu’il n’avait pas à lui donner la parole, puisqu’ «un article peut donner la décision judiciaire sans donner l’avis d’une personne condamnée».

D. Selon l’art. 12 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.

E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 6 juin 2014 par voie de correspondance.


II. Considérants

1. La plainte allègue la violation de nombreux chiffres de la «Déclaration», parfois sans indiquer de motifs clairs. Ainsi, le Conseil de la presse ne considère-t-il pas les allégations de violations des chiffres 4 (loyauté de la recherche) et 11 (directives) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

2. Concernant la recherche de la vérité (chiffre 1), le Conseil de la presse tient tout d’abord à rappeler qu’une rédaction est libre de donner à une information la forme et la longueur qu’elle souhaite. Il en va de la liberté d’informer. Dans le cas d’espèce, un article bref donnant le jugement du Tribunal fédéral dès lors qu’il était connu n’est pas critiquable. On peut regretter que le journal n’ait pas précisé que le plaignant n’était pas administrateur unique, encore que lui seul était partie prenante du recours au Tribunal fédéral. Mais tout comme la légère omission concernant sa qualité d’avocat dans cette affaire, il s’agit là d’erreurs qui n’ont pas le poids d’une violation de la charte déontologique des journalistes.

3. Pour ce qui est du chiffre 3 de la «Déclaration», le journal était en droit de ne pas rappeler tous les antécédents de l’affaire. Si la source unique du journaliste était sans doute la partie adverse du plaignant, cela ne pose pas problème en l’occurrence, puisqu’il s’agit du compte rendu d’un acte officiel, à savoir une décision du Tribunal fédéral. Pour la même raison, le journaliste n’était pas tenu de recueillir l’avis du plaignant.

4. Concernant l’identification du plaignant (chiffre 7), le Conseil de la presse admet l’argumentaire du «Nouvelliste». Il s’agit manifestement d’une personnalité connue de la vie publique sédunoise, et l’information est en lien avec les raisons de sa notoriété.  

5. Comme il n’y a pas eu violation du chiffre 1 de la «Déclaration», «Le Nouvelliste» n’a pas pu contrevenir au chiffre 5 de la «Déclaration» (devoir de rectification).

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. «Le Nouvelliste» n’a pas violé les chiffres 1 (recherche de la vérité), 3 (traitement des sources; audition lors de reproches graves), 5 (rectification) et 7 (identification) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».