Nr. 56/2018
Recherche de la vérité

(X. c. «20 Minutes»)

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I. En fait

A. Le 14 mai 2018, «20 Minutes» publie un article intitulé «Le lobby des armes reprend espoir». Cet article est consécutif à la plainte de la République tchèque contre la directive européenne sur les armes à feu. L’article débute ainsi: «Bruxelles va durcir d’ici fin 2019 sa règlementation sur les armes à feu et la Suisse doit la reprendre en tant que membre de l’espace Schengen. Berne a toutefois obtenu quelques concessions, mais pas assez aux yeux des défenseurs du port d’armes.» En Suisse aussi en effet, la règlementation européenne est contestée et pourrait conduire à un référendum et un vote populaire.

B. Le 11 juin 2018, X. saisit le Conseil suisse de la presse. Selon le plaignant, de qualifier de «défenseurs du port d’armes» les adversaires de la règlementation européenne est trompeuse et viole manifestement le code déontologique des journalistes. Et de préciser: «Les Suisse opposés à la législation bruxelloise ne sont pas titulaires d’un permis de port d’armes et ne souhaitent pas le devenir non plus en changeant la législation sur ce point. Les ‹défenseurs du port d’armes› sont en réalité des ‹défenseurs du droit d’acquérir une arme›, pour la collection ou la pratique du tir sportif.» (…) «Cette façon vicieuse de procéder de la part du journaliste induit naturellement une partie des lecteurs (…) à percevoir les lois bruxelloises non comme liberticides, mais (…) comme assurant leur sécurité.» En substance, c’est donc le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après la «Déclaration») qui serait violé.

C. Le 25 juillet 2018, le rédacteur en chef de «20 Minutes», Philippe Favre, prend position et déplore tout d’abord que le plaignant n’ait pas indiqué quels chiffres de la «Déclaration» seraient violés comme l’exige le règlement du Conseil de la presse. Puis, déduisant de la substance de la plainte que le chiffre 1 de la «Déclaration» est concerné, il répond sur le fond et demande le rejet de la plainte. Pour le rédacteur en chef en effet, le journaliste s’est contenté de rapporter des faits. Quant à la qualification de «défenseurs du port d’armes» elle n’est pas inexacte «puisqu’il est correct de dire que les défenseurs du port d’armes ne sont pas satisfaits du texte légal discuté». Philippe Favre ajoute que c’est habituellement l’association «Protell» qui défend le point de vue des détenteurs d’armes à feu et qu’elle semble clairement soutenir le droit de porter une arme. En outre, conclut le rédacteur en chef de «20 Minutes», «il est douteux qu’un lecteur moyen fasse la différence entre les deux qualifications, soit ‹défenseurs de port d’arme› et ‹défenseurs du droit d’acquérir une arme›».

D. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure. Le 8 août 2018 le Conseil de la presse informe donc les parties que la plainte sera traitée par la présidence du Conseil.

E. Le 9 août 2018, le plaignant adresse au Conseil de la presse une prise de position en réponse à celle de Philippe Favre. En application du chiffre 12, alinéa 2 de son règlement, le Conseil de la presse ne prend pas en considération cette réplique du plaignant.

F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le x décembre 2018 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Il est vrai que la plainte est insatisfaisante sur le plan formel puisqu’elle aurait dû préciser le chiffre de la «Déclaration» prétendument violé. Toutefois, dans sa pratique constante, le Conseil de la presse accepte une telle plainte lorsque sa rédaction fait ressortir de manière évidente quelle est la norme déontologique visée. A défaut d’ailleurs, plutôt que de ne pas entrer en matière, le Conseil de la presse demande au plaignant d’apporter la précision demandée. Ce qui en l’occurrence n’était pas nécessaire.

2. Sur le fond, le Conseil de la presse admet avec le plaignant que le terme «défenseurs du port d’armes» manque de précision. Mais dans le contexte de l’article, cette imprécision ne revêt pas une grande importance. Et comme le fait justement remarquer le rédacteur en chef de «20 Minutes», l’article est parfaitement compréhensible par l’ensemble du public. Le chiffre 1 de la «Déclaration» n’est donc pas violé.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. En publiant l’article intitulé «Le lobby des armes reprend espoir», «20 Minutes» n’a pas violé le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».