Nr. 47/2017
Recherche de la vérité / Distinction entre information et appréciations / Pluralité des points de vue / Montages / Audition en cas de reproche grave / Devoir de rectification / Présomption d’innocence

(de Riedmatten c. «Le Nouvelliste», «Le Courrier», RTS, «Le Temps», Canal 9, «Le Matin Dimanche»)

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I. En fait

A. Le 23 février 2017, en pleine campagne électorale, la présidente du Parti socialiste valaisan publie le commentaire suivant sur Facebook: «Appeler à tracer un ou une candidat-e de notre liste est sournois. C’est inacceptable et met en danger le siège de la gauche au gouvernement.» Plus tard, elle ajoute: «Un gouvernement se compose forcément par l’ensemble du peuple». Le lendemain, Adrien de Riedmatten, candidat UDC au Grand Conseil, poste les commentaires suivants: «Les dissidents et autres ennemis du peuple (…) seront exilés au goulag de La Brévine». Puis: «Et pour Rossini, ce sera direct une balle dans la nuque avec facture de ladite balle à la famille (TVA comprise).» Stéphane Rossini est l’un des deux candidats socialistes au gouvernement.

B. Le 25 février, «Le Nouvelliste» publie un article de Gilles Berreau avec le surtitre «Une balle dans la nuque» sur FB et en titre, «Rossini veut déposer plainte». Le quotidien valaisan rappelle les faits évoqués sous lettre A, et écrit que de Riedmatten a ajouté le commentaire suivant sur Facebook: «La référence aux pratiques du socialisme chinois clairement évoqué par le fanatisme du rappel à l’ordre du post du Parti socialiste valaisan pour un simple appel au biffage, suscitait cette inquiétude de ma part de voir M. Rossini froidement exécuté par les siens pour avoir osé publier un certain communiqué qu’il a jadis émis. Le contexte de la publication ci-dessus est clairement celui de la satire et du second degré en référence aux pratiques de certaines sections du Parti socialiste de nos jours encore.» Le journal cite ensuite Stéphane Rossini qui dit vouloir déposer plainte pénale. «On ne peut pas tout banaliser», ajoute le candidat au Conseil d’Etat. «Les mots ont une signification et ceux utilisés dans ce cas sont très violents.» Quant à Barbara Lanthemann, présidente du parti socialiste, elle se dit «indignée», précisant: «Il est normal qu’une présidente de parti demande à ses membres de rester unis.» «Le Nouvelliste» cite enfin le vice-président de l’UDC du Valais romand, Jérôme Desmeules: «Quand une plaisanterie de ce genre est faite, il ne faut pas la prendre au premier degré. C’est vrai pour cette publication (…) ou lorsque d’autres veulent couper la queue de notre conseiller d’Etat.»

C. Le 26 février, «Le Matin Dimanche» publie, sous la plume de Fabbiano Citroni, un article intitulé «Un UDC propose de tirer une balle dans la nuque de Stéphane Rossini». Et en sous-titre: «Adrien de Riedmatten, qui vise le Grand Conseil, dit que c’était de l’humour». L’article rappelle brièvement les faits, précisant que de Riedmatten, «contacté, n’a pas souhaité nous répondre» Et de citer les explications du candidat UDC sur Facebook, expliquant qu’il avait craint de voir Rossini «roidement exécuté par les siens» pour avoir publié il y a quelques mois un communiqué sévère à l’encontre de sa colistière Esther Weber Kalbermatten. L’article mentionne encore que de Riedmatten parle d’«humour et de second degré», alors que Rossini lui parle de «menaces de mort». «Je porterai plainte pour que la justice montre qu’il y a des limites à ne pas franchir», poursuit le candidat socialiste. Le journaliste dit encore avoir contacté Jérôme Desmeules, vice-président de l’UDC, qui n’a pas non plus répondu. Le journal rappelle alors les propos de ce dernier tels que rapportés par «Le Nouvelliste» (voir chiffre B).

D. Le 27 février, «Le Courrier» publie, sous la plume de Joël Cerutti, un article sur les élections valaisannes sous le titre «Un record et des dérapages». A côté d’autres incidents de campagne, le paragraphe suivant évoque brièvement l’affaire dont il est question ici: «Ce vendredi 24 février, sur Facebook, un candidat UDC au Grand Conseil, Adrien de Riedmatten, assure que «pour Rossini ce sera direct une balle dans la nuque avec facture de ladite balle à la famille (TVA comprise)». Plainte pénale devrait être déposée par Stéphane Rossini. Essayant de récupérer les débordements de son poulain, Jérôme Desmeules, président de l’UDC du Valais romand, se réfugie derrière «la plaisanterie».

E. Le même jour, 27 février, le site «RTS info» publie à son tour une brève nouvelle. Sous le titre «En Valais, Stéphane Rossini menacé par un élu UDC sur Facebook», l’article rappelle la phrase incriminée, ajoutant que de Riedmatten assure qu’il s’agit «d’humour et de second degré». Suite à une intervention de ce dernier, «RTS info» modifie son article le lendemain. Le titre devient «En Valais, Stéphane Rossini porte plainte contre un élu UDC», et le texte donne une explication un peu plus circonstanciée de la part du candidat UDC. Puis, suite à une nouvelle intervention de M. de Riedmatten, «RTS info» modifie une deuxième fois sa brève nouvelle, qui maintenant porte en titre: «En Valais, Stéphane Rossini envisage de porter plainte contre un élu UDC». La nouvelle cite M. Rossini, qui confirme que le dépôt d’une plainte est encore à l’étude.

F. Le 28 février, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil suisse de la presse à propos de l’article du «Nouvelliste» du 25 février (voir lettre B). Selon le plaignant, le journaliste l’avait contacté la veille de la publication et avait accepté une prise de position écrite à reproduire entièrement. Une réponse qui ne se retrouvera pas in extenso dans l’article. La directrice du «Nouvelliste» Sandra Jean, refuse pour sa part de publier un droit de réponse, puisque «le lecteur comprend parfaitement que vous avez voulu faire un trait d’humour». Pour le plaignant, en «amalgamant ses déclarations à celles de la présidente du parti socialiste» et en «semant la confusion dans l’esprit du lecteur», le journal a violé le chiffre 1 (recherche de la vérité) de la «Déclaration des devoirs et des droits de la/du journaliste» (ci-après «Déclaration»). «En procédant à un montage volontairement incomplet de l’illustration litigieuse», le journal aurait également enfreint le chiffre 3.6 des directives relatives à la «Déclaration» (montages). En tronquant la réponse écrite du plaignant, le journal n’aurait pas respecté les directives 1.1 (recherche de la vérité) et 3.8 (équité). N’ayant pas confronté le plaignant à l’intention de Stéphane Rossini de déposer plainte, le journaliste aurait contevenu en outre à la directive 3.8 (audition en cas de reproches graves). Quant au titre de l’article, il violerait la présomption d’innocence (directive 7.4) ainsi que l’obligation de distinguer entre l’information et les appréciations (directive 2.3). Enfin, pour le plaignant, le journal a aussi violé le chiffre 5 de la «Déclaration» (devoir de rectifier les erreurs factuelles).

G. Le 1er mars, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse à propos de l’article paru dans «Le Courrier» du 27 février (voir lettre D). Pour le plaignant, «Le Courrier» a violé le chiffre 1 de la «Déclaration» (recherche de la vérité) en ne présentant qu’une version «fragmentaire» de ses propos sur Facebook. Un intertitre de l’article (Plainte pénale) violerait les devoirs d’objectivité (chiffre 1), du traitement des sources (chiffre 3) et de la présomption d’innocence (chiffre 7), aucune plainte n’étant encore déposée à la connaissance du plaignant. «Le Courrier» aurait en outre manqué à son obligation d’entendre celui qui fait l’objet de reproches graves (chiffre 3). Enfin, le quotidien aurait violé le chiffre 5 de la «Déclaration» (devoir de rectification).

H. Le 1er mars encore, c’est «Le Temps» qui publie sur son site un article intitulé «Comment l’UDC a empoisonné la campagne en Valais». Consacré à la manière dont ce parti cherche à «polariser» le débat et aux commentaires que cette manière de faire suscite, l’article contient le passage suivant: «Candidat UDC au parlement, Adrien de Riedmatten incarne le mauvais esprit qui prospère sur les réseaux. Il compare les consignes du parti socialiste aux pratiques des communistes chinois: ‹Pour Rossini, ce sera direct une balle dans la nuque.› L’UDC plaide l’humour. Le socialiste, lui, entend déposer une plainte.»

I. Le 2 mars, sur Facebook, «Le Nouvelliste» réagit à une proposition de vote fictive pour le Conseil d’Etat, postée deux jours auparavant par Adrien de Riedmatten. Cette liste «Les Intelligents» porte les noms du rédacteur en chef du «Nouvelliste» et de trois opposants notoires au candidat UDC Freysinger. Extrait du commentaire du «Nouvelliste»: «L’UDC Adrien de Riedmatten dont on a passablement parlé suite à une publication sur les réseaux sociaux a fait le choix du second degré (mais le bon cette fois) concernant le vote pour le Conseil d’Etat. (…) Un tel bulletin serait bien entendu nul, mais visiblement c’était pour déconner.»

J. Le 3 mars, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse concernant le bref article publié par «RTS info» (voir lettre E). Certes, l’article a été modifié à deux reprises à la demande du plaignant, mais de manière unilatérale et sans prendre en compte l’entier de la demande du plaignant. Les directives relatives à la «Déclaration» invoqués par Adrien de Riedmatten sont 1.1 (recherche de la vérité); 2,3 (distinction entre l’information et les appréciations); 3.8 (audition lors de reproches graves); 5.1 (devoir de rectification); 7.4 (présomption d’innocence).

K. Le 10 mars, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse concernant l’article publié sur le site du «Temps» (voir lettre H). Là encore, les mêmes violations de la «Déclaration» sont alléguées.

L. Ce même 10 mars, un débat oppose sur la chaîne Canal 9 à Sierre les candidats au Conseil d’Etat. Dans le cours du débat, Stéphane Rossini rappelle l’affaire et réitère sa position quant aux propos de De Riedmatten sur Facebook, précisant qu’il réfléchissait encore à déposer effectivement plainte ou non. Interpellé par le modérateur, Oskar Freysinger fait valoir que pour de Riedmatten il ne s’agissait que d’un trait d’humour.

M. Le 13 mars, dans son journal, Canal 9 interroge le préposé cantonal à la protection des données, Sébastien Fanti, sur les conséquences juridiques des «dérapages» sur les réseaux sociaux. Pour introduire l’interview, le journal rappelle brièvement l’affaire de la «balle dans la nuque», entre autres affaires émaillant la campagne électorale valaisanne.

N. Le 21 mars, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse à propos du débat du 10 mars sur Canal 9 (voir lettre L). Il se plaint que la chaîne ne lui ait pas donné la possibilité de répondre aux «attaques» de Stéphane Rossini, et il allègue les mêmes violations que dans les plaintes précédentes.

O. Le 30 mars, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse à propos du «montage» du «Nouvelliste» sur Facebook du 2 mars (voir lettre I). Il se plaint une nouvelle fois que «Le Nouvelliste» ne lui ait jamais donné la parole et qu’en particulier, dans son montage sur Facebook, le journal lui prête des propos qu’il n’a jamais tenu – notamment le terme déconner. Le journal aurait ainsi notamment contrevenu à l’obligation des respecter la pluralité des points de vue (directive 2.2 des directives relatives à la «Déclaration»).

P. Le 4 avril, Adrien de Riedmatten dépose auprès du Conseil de la presse une troisième plainte contre «Le Nouvelliste». Non élu au Grand Conseil, le plaignant met en cause notamment le blog électoral du «Nouvelliste», et une fois encore le fait que le journal lui ait systématiquement refusé de publier ses prises de positions.

Q. Le 10 avril, Canal 9 prend position par rapport à la plainte du 21 mars (voir lettres L et N). Son rédacteur en chef, Frédéric Filipin, explique que l’affaire a été mentionnée par un participant au débat sans avoir été sollicité, et que par ailleurs la Chaîne n’avait jamais évoqué cette affaire, contrairement à d’autres médias romands. A son avis, aucun «droit de réponse» ne s’appliquait en l’occurrence. Il rappelle enfin qu’il avait proposé à de Riedmatten de s’exprimer s’il avait de nouveaux éléments à communiquer.

R. Le 12 avril, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse à propos de l’article du «Matin Dimanche» du 26 février (voir lettre C). Outre les reproches habituels, le plaignant affirme qu’il n’a pas refusé de répondre à l’auteur de l’article, Fabbiano Citroni, contrairement à ce qu’écrit ce dernier. Des annexes à la plainte, il ressort que le journaliste aurait cherché à contacter de Riedmatten par l’intermédiaire de Facebook, ce que le plaignant conteste. Il ne conteste toutefois pas que Jérôme Desmeules, président de l’UDC du Valais romand, a été contacté par le journaliste et a refusé de lui communiquer le numéro de téléphone d’Adrien de Riedmatten. Par ailleurs, le plaignant fait état de sa demande – refusée par la rédactrice en chef Ariane Dayer – d’un droit de réponse.

S. Ce même 12 avril, «Le Courrier» prend position sur la plainte le concernant (voir lettres D et G). Gustavo Kuhn, corédacteur en chef, fait d’abord valoir que le paragraphe incriminé ne figurait que dans un «sous-article» d’une page entière consacrée aux élections valaisannes. Il explique aussi pourquoi il n’a pas accédé à la demande du plaignant de publier un droit de réponse, puisque l’article ne fait que «reproduire fidèlement» une phrase postée sur Facebook. Certes, «Le Courrier» admet n’avoir pas interrogé de Riedmatten, mais il estime qu’un politicien qui s’exprime sur Facebook pendant une campagne électorale doit assumer ce qu’il a dit. Enfin, le président de l’UDC du Valais romand a eu l’occasion de préciser dans l’article qu’il s’agissait d’une plaisanterie.

T. Le 19 avril, c’est au tour du «Temps» de prendre position sur la plainte le concernant (voir lettres H et K). Son rédacteur en chef, Stéphane Benoît-Godet, fait valoir que sur les 5500 signes de l’article, 400 seulement étaient consacrés à la polémique concernant le plaignant, et que ces quelques lignes étaient rigoureusement exactes.

U. Le 20 avril, c’est le service juridique de la RTS qui prend position à propos de la plainte concernant «RTS Info» (voir lettres E et J). Les règles concernant la recherche de la vérité «ont été pleinement respectées». Le lecteur a parfaitement pu faire la distinction entre les faits rapportés et le terme de «dérapage» utilisé par «RTS info». Non seulement aucun reproche grave au sens des directives du Conseil de la presse n’a été formulé, mais le point de vue du plaignant a été rapporté. Les erreurs ou imprécisions ont été rectifiées. Quant à une prétendue violation de la présomption d’innocence, la RTS relève que l’article précise bien qu’aux yeux du plaignant il s’agissait d’une plaisanterie.

V. Le 2 mai, le «Nouvelliste» prend position par rapport à la plainte du 28 février (lettres B et F). Sandra Jean, directrice des rédactions, informe en préambule le Conseil de la presse avoir été sollicitée à plusieurs reprises par le plaignant pour un droit de réponse. Droit qu’elle lui a refusé, comme l’aurait fait à deux reprises la justice valaisanne. Puis Mme Jean s’élève contre les accusations du plaignant, selon lequel le journaliste Gilles Berreau aurait «répondu à diverses sollicitations en vue d’atteindre à la réputation d’un candidat au Grand Conseil». Ensuite elle précise que lors d’un entretien téléphonique avec le journaliste qui a précédé la rédaction de l’article, «M. de Riedmatten a refusé à de réitérées reprises de commenter sa phrase, renvoyant à une déclaration sur Facebook. Gilles Berreau a repris la quasi-totalité de cette intervention.» De plus, «pour s’assurer que le sujet soit traité de manière équitable, le président de l’UDC valaisanne a également été sollicité».

W. Le 6 juin, Adrien de Riedmatten saisit une nouvelle fois le Conseil de la presse, cette fois à propos de l’émission du 13 mars de Canal 9 (voir lettre M). Le plaignant s’élève contre le fait que l’affaire le concernant ait une nouvelle fois été évoquée par la télévision régionale sans qu’il ait eu l’occasion de «rectifier».

X. Le 17 juillet, le «Téléjournal» de la RTS consacre un sujet à la question de savoir où poser les limites dans l’usage des réseaux sociaux en politique. Parmi d’autres exemples, l’affaire Rossini – de Riedmatten est brièvement mentionnée.

Y. Le 17 octobre, Adrien de Riedmatten saisit le Conseil de la presse à propos du «Téléjournal» du 17 juillet (voir lettre X). Outre les reproches habituels, et évoquant de nouveaux refus de droit de réponse, le plaignant accuse la RTS de s’acharner sur lui alors même que sa première plainte auprès du Conseil de la presse est encore pendante. Il ajoute qu’il aurait perdu un emploi suite à «l’affaire Rossini» et à l’acharnement de la RTS.

Z. L’article 13, alinéa 1 du règlement du Conseil de la presse, stipule que la présidence «traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière, et celles qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui semblent revêtir une importance mineure».

Z’. La présidence du Conseil de la presse a traité les dix plaintes de M. de Riedmatten, le 20 décembre 2017, par voie de correspondance. La présidence est composée de Francesca Snider, Max Trossmann et Dominique von Burg. Ce dernier, membre de l’association éditrice du «Courrier», s’est récusé en ce qui concerne la plainte du 1er mars 2017 contre ce quotidien.

II. Considérants

1. Dans un premier temps, le Conseil de la presse traitera, par ordre chronologique, les cinq plaintes sur lesquelles il est entré en matière. Puis celles où il a refusé l’entrée en matière.

2. Dans sa plainte du 28 février contre le «Nouvelliste» (voir lettres B, F et V des faits), Adrien de Riedmatten accuse le journaliste de n’avoir pas tenu les engagements pris lors de la conversation téléphonique précédant l’article. De son côté au contraire, le quotidien affirme que le plaignant a refusé de commenter sa phrase. Le Conseil de la presse n’est pas en mesure de trancher ce différend. En revanche, il considère que l’article a au total loyalement reproduit le point de vue du plaignant. Par ailleurs, le Conseil de la presse ne voit pas en quoi l’article aurait «semé la confusion dans l’esprit du lecteur». Quant au «montage volontairement incomplet» de l’illustration de l’article, le Conseil ne voit pas non plus en quoi on pourrait en faire le reproche au journal. Premièrement, il s’agit clairement d’un extrait de Facebook, deuxièmement et surtout, l’article contient toutes les informations utiles au lecteur. En n’informant pas le plaignant de l’intention de Stéphane Rossini de déposer plainte, «Le Nouvelliste» a-t-il violé l’obligation de confronter le plaignant à un reproche grave? Le Conseil de la presse répond par la négative, car il ne voit pas en quoi l’intention de déposer plainte – ni même le dépôt d’une plainte en soi – constituerait un reproche grave, puisque le point de vue du plaignant est contenu dans l’article. Quant au titre, il est certes ramassé, ce qui est normal pour un titre, mais il est factuel et ne viole donc ni la présomption d’innocence, ni l’obligation de distinguer entre l’information et les appréciations. L’obligation de rectifier, enfin, tombe d’évidence puisqu’aucune erreur de fait n’a été relevée.

3. Concernant la plainte du 1er mars contre le «Courrier» (voir lettres D, G, S des faits) il est vrai que le quotidien a reproduit la phrase concernant Rossini sans autre commentaire de la part du plaignant. Mais le Conseil de la presse partage l’avis selon lequel la déclaration d’un politicien sur un réseau social peut être citée sans que le politicien en question soit nécessairement interrogé. De plus, la prise de position de M. Desmeules relativise suffisamment cette déclaration, au vu aussi de la brièveté du passage consacré à l’affaire, qui n’est qu’un exemple cité parmi d’autres dans la page traitant du ton de la campagne électorale valaisanne. Quant à l’intertitre «Plainte pénale», il est parfaitement admissible du moment que le texte parle du dépôt de cette plainte au conditionnel.

4. Plainte du 3 mars contre la RTS (voir lettres E, J, U des faits). Certes, par deux fois, «RTS info» a publié de brèves nouvelles contenant des inexactitudes. Mais tant le raccourci du titre de la première info («… Rossini menacé …») et l’erreur factuelle de la deuxième (Rossini n’a pas encore déposé plainte) sont dans les limites de l’admissible. Cela d’autant plus que la RTS a modifié sans attendre sa dépêche après les interventions du plaignant. D’évidence, la RTS a donc respecté le devoir de rectification. Le fait que ce soit de manière «unilatérale», comme le déplore le plaignant, ne viole pas la «Déclaration», bien au contraire. La directive 5.1 stipule bien que «le devoir de rectification est mis en œuvre spontanément par le/la journaliste». Quant aux autres violations alléguées par le plaignant, la défense du service juridique de la RTS apparaît comme tout à fait pertinente au Conseil de la presse.

5. Plainte du 10 mars contre «Le Temps» (voir lettres H, K, T des faits). Quant au chiffre 1 de la «Déclaration», le reproche de n’avoir reproduit que de manière «fragmentaire» le point de vue du plaignant n’est pas pertinent. Au vu de la brièveté du passage, la remarque «L’UDC plaide l’humour» était suffisante. La phrase «Adrien de Riedmatten incarne le mauvais esprit qui prospère sur les réseaux» est certes une appréciation. Mais elle est parfaitement reconnaissable comme telle, et le chiffre 2 de la «Déclaration» n’est pas violé non plus. Le paragraphe incriminé ne contient enfin aucun reproche grave au sens de la pratique du Conseil de la presse, et le devoir de rectification ne s’applique pas en l’absence d’erreurs factuelles.

6. Plainte contre Canal 9 du 21 mars (voir lettres L, N, Q des faits). On est en présence d’un débat politique préélectoral, au cours duquel Stéphane Rossini évoque l’affaire. La réaction du journaliste présentateur est adéquate en l’occurrence, notamment du fait qu’il donne l’occasion au représentant de l’UDC à ce débat, le conseiller d’Etat Oskar Freysinger, de s’exprimer à ce sujet. Aucune erreur de fait n’ayant été relevée, le Conseil de la presse ne voit pas pour quelle raison Canal 9 aurait été obligée de donner postérieurement la parole au plaignant.

7. Adrien de Riedmatten a saisi le Conseil de la presse à dix reprises. Dans la moitié des cas, le Conseil de la presse n’entre pas en matière, ces plaintes étant à son avis infondées.

7 a. Deuxième plainte contre «Le Nouvelliste» du 30 mars (voir lettres I et O des faits). En s’exprimant sur Facebook, le plaignant s’expose inévitablement à des réactions pas toujours en sa faveur. Et celle du «Nouvelliste» sont en l’occurrence plutôt inoffensives du point de vue du Conseil de la presse.

7 b. Troisième plainte contre «Le Nouvelliste» du 4 avril (voir lettre P des faits). Le Conseil de la presse ne saurait entrer en matière sur des accusations globales et mal fondées à l’encontre d’un quotidien accusé d’avoir provoqué la non élection du plaignant.

7 c. Pour ce qui de la plainte du 12 avril contre «Le Matin Dimanche» (voir les lettres C et R des faits), le Conseil de la presse l’estime infondée pour les raisons suivantes: Le titre, certes accusateur, est contrebalancé par le chapeau qui parle du «trait d’humour» revendiqué par le plaignant. Par ailleurs, au vu même des éléments contenus dans la plainte, on ne saurait faire le reproche au journaliste de ne pas avoir cherché à atteindre le plaignant. Sans compter que son point de vue a été reproduit sur la base de l’article du «Nouvelliste».

7 d. Deuxième plainte contre Canal 9 du 6 juin (voir lettres M et W des faits). Le Conseil de la presse ne voit pas en quoi l’introduction à l’interview du préposé cantonal à la protection des données devait être «rectifiée». Un bref rappel de l’affaire, parmi d’autres, était incontournable.

7 e. Concernant enfin la dernière plainte de M. de Riedmatten du 17 octobre (voir lettres X et Y des faits), le raisonnement du Conseil de la presse est analogue. Dans un sujet s’interrogeant sur la problématique de l’usage des réseaux sociaux en politique, un rappel de celle qui nous occupe s’imposait d’évidence. Et ce rappel fut aussi bref que factuel, donc pas problématique. L’accusation d’«acharnement» à l’encontre de la RTS n’a aucune pertinence.

III. Conclusions

1. Les plaintes contre «Le Nouvelliste», «Le Courrier», «RTS info», «Le Temps» et Canal 9 sont rejetées.

2. Aucun des chiffres 1 (vérité), 2 (distinction entre information et appréciations, pluralité des points de vue), 3 (montages, équité, audition en cas de reproches graves), 5 (devoir de rectification) et 7 (présomption d’innocence) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» n’ont été violés.

3. Le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière sur les 2e et 3e plainte contre «Le Nouvelliste», ni sur celle contre «Le Matin Dimanche», ni enfin sur les secondes plaintes à l’encontre de Canal 9 et la RTS.