Nr. 74/2020
Recherche de la vérité

(Alder/Pagani/Salerno/Kanaan c. «Le Matin Dimanche»)

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Zusammenfassung

Der Schweizer Presserat weist die Beschwerden von vier Mitgliedern des Verwaltungsrates der Stadt Genf gegen «Le Matin Dimanche» ab.

Der Titel des Artikels («Un fiscaliste de luxe a été payé par le contribuable genevois pour analyser les notes de frais» – Ein Luxus-Steuerexperte wurde vom Genfer Steuerzahler bezahlt, um die Spesenabrechnungen zu analysieren) ist sicherlich eindringlich, aber er ist nicht falsch, zudem enthält der Lead die notwendigen Einzelheiten.

Was die geltend gemachte Verletzung der Anhörungspflicht bei schweren Vorwürfen betrifft, so folgt der Presserat den Beschwerdeführern ebenfalls nicht. Soweit es im Artikel um den Verwaltungsrat in globo ging, war es durchaus angebracht, die Medienstelle des Verwaltungsrates anstelle der einzelnen Mitglieder zu Wort kommen zu lassen.

Schliesslich stellt es keine unfaire Recherchemethode dar, zunächst einen Fachbeamten zu kontaktieren und ihn um Diskretion zu bitten, da der Journalist den Zweck seiner Recherche offenbart und – wie versprochen – dem Sprecher des Verwaltungsrates das Wort erteilt hat.

Résumé

Le Conseil suisse de la presse rejette les plaintes de quatre membres du Conseil administratif de la ville de Genève contre «Le Matin Dimanche».

Le titre de l’article («Un fiscaliste de luxe a été payé par le contribuable genevois pour analyser les notes de frais») est certes emphatique, mais il n’est pas erroné, et le «chapeau» donne les précisions nécessaires.

Quant à la violation alléguée du devoir d’entendre en cas de reproche grave, le Conseil de la presse ne suit pas non plus les plaignants. Dans la mesure où c’est le Conseil administratif in globo qui est visé, donner la parole au service de communication du Conseil administratif était tout à fait pertinent.

Enfin, de contacter d’abord un fonctionnaire spécialiste en le priant de rester discret ne constitue pas une méthode d’enquête déloyale, puisque le journaliste a dévoilé le but de sa recherche et qu’il a, comme promis, donné la parole au porte-parole du Conseil administratif.

Riassunto

Il Consiglio della stampa ha respinto il reclamo presentato da quattro membri del Municipio (Conseil administratif) della Città di Ginevra contro «Le Matin Dimanche». Il titolo dell’articolo: «Un fiscalista di lusso pagato dai contribuenti per analizzare delle note-spese» è certo un tantino esagerato ma non è sbagliato, come spiega bene il «cappello» dell’articolo subito sotto.

Il Consiglio ha negato anche l’asserita violazione del diritto di essere ascoltati in caso di gravi addebiti. Poiché oggetto della critica era il Consiglio amministrativo nel suo insieme, l’aver dato la parola al Servizio stampa del Consiglio medesimo era una scelta del tutto pertinente.

Neppure il contatto preso dal giornalista con un funzionario specialista, con preghiera di non riferirne a nessuno, è ritenuto un metodo di inchiesta sleale, poiché il giornalista gli aveva spiegato lo scopo dell’indagine e in seguito avrebbe rispettato l’impegno di dare la parola al portavoce del Municipio.

I. En fait

A. Le 8 décembre 2019, «Le Matin Dimanche» publie un article intitulé «Un fiscaliste de luxe a été payé par le contribuable genevois pour analyser les notes de frais», signé par le journaliste Julien Culet. Celui-ci explique que le Conseil administratif de la ville de Genève a eu recours au service de l’avocat fiscaliste de renom Xavier Oberson pour procéder à une analyse de la situation fiscale en lien avec les frais professionnels des membres de l’Exécutif et de la Direction de la ville de Genève. Ce mandat lui a été confié après la révélation, en octobre 2018, de notes de frais exagérées de la part de membre du Conseil administratif. L’article cite le chargé de l’information du Conseil administratif quant au mandat confié à Xavier Oberson. Il rappelle que, dans le cadre de l’affaire des notes de frais, le PDC Guillaume Barazzone et l’élu d’Ensemble à Gauche Rémy Pagani sont prévenus de gestion déloyale des intérêts publics. Leurs collègues Esther Alder (Les Verts) et Sami Kanaan (PS) sont quant à eux appelés à donner des renseignements. L’auteur se demande quel a été le résultat des travaux du fiscaliste et combien cela a coûté aux contribuables genevois, précisant que l’avocat n’a pas retourné ses sollicitations. Il conclut son texte en citant les élus municipaux Daniel Sormanni (MCG) et Simon Brandt (PLR) qui estiment que le recours à cet avocat est inadmissible dans ce contexte.

B. Le 23 décembre 2019, Esther Alder dépose une plainte contre «Le Matin Dimanche» au Conseil suisse de la presse. Rémy Pagani (6 janvier 2020), Sandrine Salerno (21 janvier 2020) et Sami Kanaan (24 février 2020) agissent de même par la suite. Tous quatre sont membres du Conseil administratif de la ville de Genève. Leurs plaintes sont de même nature. Selon eux, l’article publié le 8 décembre 2019 viole la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après la «Déclaration») sur quatre de ses points. A les entendre, le chiffre 1 (rechercher la vérité) est violé car l’article use d’expressions erronées, voire trompeuses. Son titre, en particulier, leur pose problème: les quatre élus estiment que Xavier Oberson n’a pas été engagé pour analyser les notes de frais. Les plaignants sont d’avis que le chiffre 3 de la «Déclaration» est également violé sous l’aspect de sa directive 3.8 (Audition lors de reproches graves) car le journaliste n’a pas contacté les membres du Conseil administratif. Selon eux, le chiffre 4 de la «Déclaration» (ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations) est également violé, car le journaliste, pour recueillir des informations, s’est d’abord adressé au directeur du Service du contrôle financier de la ville de Genève en le priant de garder confidentielle sa démarche. Ils reprochent enfin au «Matin Dimanche» d’avoir violé le chiffre 5 de la «Déclaration» (rectifier toute information manifestement inexacte).

C. Le 12 mars 2020, Ariane Dayer, rédactrice en chef du «Matin Dimanche», prend position. Elle rejette en bloc toute accusation concernant une quelconque violation de la «Déclaration». Selon elle, le chiffre 1 n’a pas été violé. Le titre de l’article, en particulier, est «conforme à la vérité dans la mesure où le mandat du professeur Oberson concernait bel et bien l’appréciation fiscale faite des remboursements des notes de frais des conseillers administratifs de la ville de Genève», écrit-elle. Et de citer diverses pièces à l’appui. Aux yeux de la rédactrice en chef, le journaliste, dans son article, s’est contenté de décrire les faits. Selon elle, le chiffre 3 n’est pas violé non plus. Comme le journaliste ne met personne nommément en cause, il est parfaitement légitime de ne pas interpeller individuellement les membres du Conseil administratif sur le mandat du professeur Oberson, mais de s’adresser à son service de communication, fait-elle remarquer. Ariane Dayer estime en outre que le chiffre 4 de la «Déclaration» n’est pas violé non plus. Le fait de demander la confidentialité au Service du contrôle financier ne saurait constituer une méthode déloyale, bien au contraire. Par ailleurs, elle indique que le journaliste n’a dissimulé ni sa profession ni le but de sa requête. Enfin, selon la rédactrice en chef, le chiffre 5 de la «Déclaration» n’est pas violé. Comme aucune information n’est matériellement inexacte, il n’y avait pas lieu de procéder à une quelconque rectification de l’article, souligne-t-elle.

D. La présidence du Conseil suisse de la presse confie le traitement de la plainte à sa 2e Chambre, composée de Dominique von Burg (président), Sonia Arnal, Michel Bührer, Annik Dubied, Denis Masmejan, François Mauron et Mélanie Pitteloud.

E. La 2e Chambre traite la plainte dans sa séance du 17 septembre 2020, ainsi que par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Le point central de la plainte, pour le Conseil suisse de la presse, touche au chiffre 1 de la «Déclaration». L’article contient-il des affirmations erronées, voire fallacieuses? C’est du moins l’avis des plaignants. Toutefois le Conseil suisse de la presse ne le partage pas. Il estime que l’article est avant tout factuel, explicitant le mandat confié à l’avocat fiscaliste Xavier Oberson par le Conseil administratif de la ville de Genève. Son titre, évoquant un «fiscaliste de luxe», est certes hyperbolique, mais le chapeau précise aussitôt après qu’il s’agit en l’occurrence d’un avocat de renom. Le Conseil suisse de la presse ne voit pas où le texte contiendrait des passages faux ou trompeurs. Le journaliste livre au contraire les éléments d’information dont il a connaissance. Il n’est jamais mentionné dans l’article que les membres de l’Exécutif genevois agissent à titre privé. Il s’agit bien d’un mandat confié par le collège, et il porte bien sur une analyse des notes de frais d’un point de vue fiscal, comme le laisse entendre le titre de l’article. Du reste, cet aspect est confirmé par le chargé d’information du Conseil administratif. Le chiffre 1 de la «Déclaration» n’est donc pas violé.

2. Les plaignants estiment en outre que le chiffre 3 de la «Déclaration» est également violé sous l’aspect de sa directive 3.8 (Audition lors de reproches graves) car le journaliste n’a pas contacté les membres du Conseil administratif. Ce reproche est infondé. Aucun élu de l’Exécutif genevois n’est mis personnellement en cause. Le journaliste évoque un mandat confié à un avocat par le Conseil administratif de la ville de Genève, donnant la parole au service de communication de cet organe. En telle situation, s’adresser au porte-parole équivaut à s’adresser à l’institution. Quant à l’homme de loi, il est contacté, mais ne répond pas aux sollicitations. Le chiffre 3 de la «Déclaration» n’est donc pas violé.

3. Les plaignants sont aussi d’avis que le chiffre 4 de la «Déclaration» (ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations) est violé, car le journaliste, pour recueillir des informations, s’est d’abord adressé au directeur du Service du contrôle financier de la ville de Genève en le priant de garder confidentielle sa démarche. En l’occurrence, il ne s’agit nullement d’une méthode déloyale. Le journaliste veut au contraire s’assurer de pouvoir progresser librement dans son enquête. Par ailleurs, il précise qu’il contactera le Conseil administratif dans un second temps. Enfin, il n’a caché ni sa profession ni l’objectif de son article. Le chiffre 4 de la «Déclaration» n’est donc pas violé.

4. Les plaignants reprochent enfin au Matin Dimanche d’avoir violé le chiffre 5 de la «Déclaration» (rectifier toute information manifestement inexacte). Mais dans la mesure où l’article ne contenait pas d’informations erronées, le journal n’avait pas à procéder à une quelconque rectification. Le chiffre 5 de la «Déclaration» n’est donc pas violé.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. Dans l’article intitulé «Un fiscaliste de luxe a été payé par le contribuable genevois pour analyser les notes de frais» et publié le 8 décembre 2019, «Le Matin Dimanche» n’a violé ni le chiffre 1 (vérité), ni le chiffre 3 (audition lors de reproches graves), ni le chiffre 4 (méthodes déloyales), ni le chiffre 5 (rectification) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».