Nr. 32/2023
Présomption d’innocence

(X. c. «Le Matin» et «20 minutes»)

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I. En fait

A. Le 10 novembre 2022 les quotidiens «Le Matin» et «20 minutes» (TX Group), publient chacun une chronique judiciaire, intitulée: «Nyon: elle avait voulu faire exploser son resto» («Le Matin»), respectivement «Elle avait tenté de faire exploser son restaurant» («20 minutes»). Le tribunal de La Côte avait traité le cas d’une restauratrice de Nyon, accusée d’avoir saisi une bonbonne de gaz et bloqué l’entrée de son établissement en brandissant un briquet en août 2019. La femme aurait menacé de faire exploser le restaurant lors d’une dispute sur la vente de l’inventaire du restaurant. Le Tribunal a condamné en première instance la restauratrice à huit mois de prison avec sursis et à une amende. Le 30 novembre 2022 Grégoire Rey, l’avocat de la restauratrice, écrit aux deux quotidiens en demandant une rectification. La décision de première instance n’est pas encore entrée en force, ce que les deux articles ont omis d’écrire, en violant ainsi la présomption d’innocence. L’avocat réclame le droit de réponse pour sa cliente, qui préciserait que la condamnation a été attaquée par un appel et que la restauratrice reste présumée innocente aux yeux de la loi. Les représentants de TX Media refusent le droit de réponse, mais proposent à l’intéressée de compléter les deux articles en ligne avec la précision qu’elle a fait appel de cette décision et qu’elle est pour l’heure présumée innocente.

B. Le 29 décembre 2022 X. saisit le Conseil suisse de la presse. La plaignante fait valoir une violation du chiffre 1 (recherche de la vérité) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration») et de la directive 7.4 (présomption d’innocence), l’appel contre le jugement n’ayant pas été mentionné. La plaignante fait en outre valoir que les deux journaux ont violé le chiffre 5 (rectification) de la «Déclaration» en refusant de publier sa réponse envoyée par son avocat.

C. Conformément à l’art. 17 al. 2 de son règlement, le Conseil de la presse est libre de se limiter aux motifs principaux d’une plainte. Le 27 janvier 2023 le Conseil de la presse informe les parties qu’il va se limiter à traiter la directive 7.4 (présomption d’innocence) de la «Déclaration».

D. Le 22 mai 2023, les rédacteurs en chef du «Matin» et de «20 minutes» prennent position et demandent le rejet de la plainte. Tous deux indiquent que les articles ont été complété le 7 décembre 2022 par la phrase suivante: «Cela étant, I’avocat de Ia prévenue a précisé que sa cliente avait fait appel de cette décision et que pour l’heure, elle était présumée innocente.» En revanche ils estiment que les critères pour un droit de réponse selon les articles 28g ss. du Code Civil n’étaient pas remplis. Cette requête avait donc été refusée.

E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Susan Boos (présidente), Annik Dubied (vice-présidente) et Jan Grüebler (vice-président), a traité la présente prise de position le 6 novembre 2023 par voie de correspondance.

II. Considérant

Selon la directive 7.4 (comptes rendus judiciaires; présomption d’innocence et réinsertion sociale) de la «Déclaration» lors des comptes rendus judiciaires, les journalistes soupèsent avec une attention particulière la question de l’identification. Ils tiennent compte de la présomption d’innocence. Initialement les articles dans «Le Matin» et «20 minutes» n’ont pas précisé que le jugement n’était pas définitif ou que l’accusée le portait devant l’instance suivante. Les journaux ont complété leurs articles seulement le 7 décembre 2022, après l’intervention de l’avocat de la plaignante. La directive 7.4 (présomption d’innocence) n’a donc pas été respectée.

III. Conclusions

1. Le Conseil de la presse admet la plainte.

2. En omettant de mentionner que le jugement n’était pas définitif «Le Matin» et «20 minutes» ont violé le chiffre 7 (présomption d’innocence) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».