Nr. 27/2023
Recherche de la vérité / Audition lors de reproches graves / Protection de la vie privée, identification, enfants

(X. c. «20 Minuten»)

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Zusammenfassung

 

Der Presserat hat eine Beschwerde gegen «20 Minuten» gutgeheissen. Die Zeitung hatte über einen Einsatz der Neuenburger Polizei im Haus einer spanischen Staatsbürgerin berichtet. Die Frau soll ihre beiden Kinder gegen den Willen des Vaters in die Schweiz gebracht haben und werde von den spanischen Behörden gesucht. Dabei gab die Zeitung Falschinformationen, die in spanischen Medien veröffentlicht worden waren, ungeprüft weiter und verletzte damit die Pflicht zur Wahrheitssuche. Die Redaktion hätte diese Information verifizieren müssen, insbesondere bei den Schweizer Behörden. Andere Medien stellten den Fall zeitgleich in einem ganz anderen Licht dar. Die Redaktion verstiess ausserdem gegen die Anhörungspflicht – aufgrund der Schwere der Vorwürfe wäre es notwendig gewesen, die Meinung der Mutter einzuholen. Indem «20 Minuten» die vollständige Identität der Mutter und ihr Bild veröffentlichte, verletzte sie ohne wirklich relevanten Grund ihre Privatsphäre. Dies selbst dann, wenn die Frau sich zuvor selber in den spanischen Medien zu ihrem Fall geäussert hatte. Mit der Veröffentlichung deren – wenn auch verschwommenen – Bildes hielt sich die Zeitung auch nicht an den besondere Schutzpflicht von Kindern.

Résumé

Le Conseil suisse de la presse a admis une plainte dirigée contre un article de «20 Minuten» relatant l’intervention de la police neuchâteloise au domicile d’une ressortissante espagnole poursuivie par la justice de son pays pour avoir emmené ses deux enfants en Suisse contre la volonté de leur père. La rédaction, a estimé le Conseil de la presse, a violé son devoir de rechercher la vérité en relayant sans les vérifier, en particulier auprès des autorités suisses, des informations erronées publiées par certains médias espagnols, alors même que d’autres, simultanément, donnaient un éclairage tout différent à l’affaire. Le journal a également enfreint son obligation d’entendre et de donner la parole à la mère avant de la mettre en cause, dans un contexte où la gravité des reproches imposait à l’évidence que son point de vue soit recueilli et publié. En divulguant de surcroît l’identité complète de la mère ainsi qu’une photo de celle-ci, au motif qu’elle avait précédemment accepté de s’exprimer sur son affaire dans les médias espagnols, «20 Minuten» a porté atteinte sans motif réellement pertinent à la vie privée de cette dernière. Le quotidien n’a pas respecté non plus les précautions particulières qui lui incombaient à l’égard des deux enfants en publiant une image de ceux-ci, même si leur regard était flouté.

Riassunto

Il Consiglio svizzero della stampa ha accolto un reclamo contro un articolo di «20 Minuten». In esso si riportava l’intervento della polizia di Neuchâtel nel domicilio di una cittadina spagnola, perseguita nel suo Paese, per essersi trasferita in Svizzera con i due figli contro la volontà del padre di questi ultimi. Il Consiglio della stampa ritiene che la redazione abbia violato il suo dovere di ricerca della verità riferendo, senza verificarle in particolare presso le autorità svizzere, informazioni erronee pubblicate da alcuni media spagnoli, mentre, al contempo, altri gettavano una luce completamente diversa sulla situazione. Il giornale ha inoltre violato l’obbligo di ascoltare e dare voce alla madre prima di coinvolgerla, in un contesto in cui la gravità delle accuse richiedeva a tutti gli effetti che il suo punto di vista fosse ascoltato e pubblicato. Rivelando l’identità completa della madre, oltre che pubblicando una sua fotografia, giustificandosi nel fatto che in precedenza questa aveva acconsentito a parlare del suo caso nei media spagnoli, «20 Minuten» ha violato la sua privacy senza alcun motivo di peso. Inoltre, il quotidiano non ha rispettato nemmeno le speciali precauzioni che era tenuto a prendere nei confronti dei due bambini, pubblicando una loro immagine, anche se col viso sfocato.

 

I. En fait

A. Le 10 juin 2022, dans ses éditions en ligne, «20 Minuten» a publié un article titré «Spanierin entführte Söhne – Schweizer Polizei findet die Kleinen eingesperrt» («Une Espagnole avait enlevé ses fils – la police suisse découvre les enfants enfermés»). Le quotidien y relatait l’intervention de la police neuchâteloise au domicile de la mère de deux jumeaux, poursuivie par la justice espagnole pour avoir quitté son pays en emmenant ses enfants contre la volonté de leur père. Au terme de cette intervention, rapporte «20 Minuten», les deux garçons âgés de sept ans avaient été retirés sur-le-champ à leur mère pour être placés dans un foyer. Citant pour l’essentiel des informations du journal espagnol «El Mundo», le journal rappelait le contexte extrêmement conflictuel de l’affaire, très médiatisée en Espagne. L’article évoquait les accusations d’abus sexuels sur les enfants lancées par la mère contre le père, le possible autisme dont, selon elle, ils souffriraient et qui les rendraient d’autant plus incapables de se protéger, mais aussi plusieurs témoignages laissant entendre qu’ils seraient en réalité en bonne santé mais que leur mère les délaisserait. A l’instar des médias espagnols, l’article donnait les prénom et nom du père et de la mère et était illustré par des photos de cette dernière, ainsi que par un visuel émanant d’une ONG espagnole sur lequel apparaissaient les photos des visages des enfants, figurant sur un «avis de disparition», seul leur regard étant flouté.

B. Le 6 septembre 2022, la mère des enfants, représentée par un avocat, a déposé plainte contre «20 Minuten» auprès du Conseil suisse de la presse. Elle reproche au quotidien de ne pas avoir respecté le chiffre 1 (recherche de la vérité) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration») et les chiffres 3 (audition lors de reproches graves) et 7 (protection de la vie privée, identification, enfants), respectivement les Directives 3.8, 7.1, 7.2 et 7.3.

Selon la plaignante, le compte rendu de «20 Minuten» contient plusieurs affirmations grossièrement erronées. Ainsi, les enfants n’étaient pas déscolarisés comme le prétend l’article puisqu’ils fréquentaient bel et bien l’école à leur lieu de domicile dans le canton de Neuchâtel. Ils n’étaient pas non plus enfermés par leur mère, puisqu’ils avaient noué des contacts avec des enfants du voisinage, et la police ne les a donc pas «libérés» («befreit») quand elle est intervenue, mais au contraire retirés à leur mère en l’absence de toute décision judiciaire. Les enfants n’étaient pas davantage privés de la possibilité de voir un médecin. Ces constats ressortent en particulier d’une décision de la justice neuchâteloise produite par la plaignante et déjà rendue au moment où paraît l’article, désavouant en termes très fermes l’intervention des policiers ordonnée par le Ministère public cantonal «dans un contexte procédural parfaitement confus». Sur tous ces points, critique la plaignante, le quotidien n’a pas pris la peine de la contacter elle-même ou les autorités pour vérifier le bien-fondé des informations qu’il s’apprêtait à publier et qui portaient gravement atteinte à son honneur.

La plaignante reproche en outre au journal d’avoir publié ses nom et prénom, sa photo et celle, partiellement floutée, de ses enfants, imitant en ceci les médias espagnols mais contrevenant aux principes déontologiques de protection de la personne très généralement respectés en Suisse en pareilles circonstances.

C. Invité à se prononcer, «20 Minuten» conclut dans sa prise de position du 8 décembre 2022 à l’irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. Le quotidien rappelle qu’il a retiré l’article de ses éditions en ligne dès qu’il a eu connaissance de la plainte et qu’il a en outre publié un nouvel article, en octobre 2022, cette fois entièrement anonymisé et prenant en compte toutes les informations apparues dans l’intervalle. Il demande en conséquence au Conseil de la presse de faire usage de l’article 11 de son Règlement, lui permettant de ne pas entrer en matière lorsque la rédaction concernée a déjà pris des mesures correctives.

Sur le fond, le quotidien argue s’être fondé sur les sources fiables disponibles au moment de la publication de son article, en l’occurrence le quotidien espagnol «El Mundo», le deuxième du pays, et la chaîne de télévision «Telemadrid». La décision de la justice neuchâteloise, elle, n’était de toute manière pas accessible pour les médias. La rédaction affirme avoir cherché en vain à entrer en contact avec la plaignante avant la parution de l’article pour recueillir son point de vue. De toute manière, soutient le journal, l’audition de la personne mise en cause n’est pas nécessaire lorsque les reproches émanent d’une autorité – en l’occurrence le tribunal espagnol ayant lancé un mandat d’arrêt contre la plaignante.

Quant à la divulgation de l’identité de la plaignante, le quotidien la justifie par le fait que celle-ci s’était déjà exprimée sur son affaire dans les médias espagnols et aurait donc consenti à apparaître publiquement en lien avec celle-ci.

D. Le 16 mars 2023, la plaignante a informé le Conseil de la presse que la Cour des mesures de protection de l’enfant et de l’adulte du canton de Neuchâtel, par une décision datée du 24 février 2023, avait rejeté la demande de retour des enfants en Espagne formée par leur père. Elle a également produit un article à propos de son affaire publié le 21 octobre 2022 en français par «20 minutes». Titré «Le portrait espagnol de la mère n’est pas aussi reluisant qu’il n’y paraît», l’article était illustré par les photos partiellement floutées des deux enfants déjà publiées précédemment.

E. Le 28 avril 2023, la plaignante a informé le Conseil de la presse du rejet par le Tribunal fédéral du recours déposé par le père des enfants contre le refus de sa demande de retour par la justice neuchâteloise.

F. La 2ème Chambre, composée d’Annik Dubied (présidente), Madeleine Baumann, Joëlle Fabre, Sébastien Julan, Fati Mansour, Denis Masmejan et Anne-Frédérique Widmann a traité la plainte lors de sa séance du 11 septembre 2023 ainsi que par voie de correspondance.

II. Considérants

1. «20 Minuten» invoque le fait que la rédaction a retiré l’article litigieux dès qu’elle a eu connaissance de la plainte et en a publié un nouveau sous une forme cette fois anonyme pour demander au Conseil de la presse de ne pas entrer en matière sur la plainte. Selon l’article 11 de son Règlement, le Conseil de la presse n’entre en effet pas en matière lorsque le média a pris des mesures correctrices suffisantes, mais cette disposition est réservée aux cas «de moindre importance». Au vu de la gravité des accusations contre la plaignante, contenues dans l’article et de celles que la plaignante adresse au journal, il est manifeste que la présente affaire n’est pas de «moindre importance». L’article 11 paraît d’emblée inapplicable sans qu’il soit besoin de développer davantage ce point et d’examiner si les mesures prises par «20 Minuten» peuvent effectivement être considérées comme suffisantes au regard de cette disposition.

2. La plaignante reproche à l’article litigieux d’être truffé d’erreurs factuelles grossières, violant ainsi le chiffre 1 de la «Déclaration» (recherche de la vérité). La rédaction ne conteste pas que les informations qu’elle a publiées aient été erronées. Elle se borne à soutenir que les sources sur lesquelles elle s’est appuyée était fiables («El Mundo» et «Telemadrid») et qu’il était impossible d’en trouver d’autres au moment de la publication de l’article. Celui-ci aurait donc correspondu aux informations disponibles à cette date-là que la rédaction aurait intégralement consultées avant de publier son article, de telle sorte qu’on ne pourrait lui reprocher des manquements dans la recherche de la vérité.

Cette argumentation ne peut pas être suivie par le Conseil de la presse. Tout d’abord, il faut relever la gravité des reproches adressés à la plaignante par l’article litigieux, qui vont bien au-delà du constat, factuel, que cette mère était poursuivie par la justice espagnole pour avoir déplacé ses enfants dans un pays étranger. Selon la présentation qu’en fait «20 Minuten», la mère enferme ses enfants et les prive de tout contact avec l’extérieur, refuse de les envoyer à l’école et de leur faire voir un médecin et les instrumentalise dans son conflit avec son ex-conjoint en l’accusant d’abus sexuels sur eux et en prétendant faussement qu’ils sont atteints de troubles autistiques que le père persisterait à nier. L’article rapporte également que selon des sources «policières» citées par «El Mundo», les tactiques utilisées par la plaignante pour dissimuler sa fuite s’apparenteraient à celles «du crime organisé et du terrorisme».

Ces accusations apparaissent comme destructrices à l’égard de la plaignante. Le Conseil de la presse ne parvient pas à comprendre comment la rédaction a pu répercuter une mise en cause d’une telle violence à l’égard de la personne concernée – et de ses enfants – en se fondant uniquement sur les informations des médias espagnols sans être en mesure de les recouper auprès de ses propres sources. On ne niera pas que l’accès à d’autres sources ait pu comporter en l’occurrence certaines difficultés, mais à supposer qu’il ait été véritablement impossible d’en découvrir – ce qui reste à démontrer –, il appartenait alors à la rédaction de se limiter à une information factuelle relatant l’identification en Suisse d’une mère et de ses enfants recherchés par la justice espagnole.

Quoi qu’il en soit, les deux médias espagnols sur lesquels, selon ses dires, se serait fondé «20 Minuten», ne sont pas de loin pas les seuls à avoir traité de l’affaire en Espagne. La rédaction invoque d’ailleurs, pour se justifier d’avoir publié le nom et la photo de la plaignante (voir ci-dessous considérant 4.), plusieurs autres comptes rendus, en particulier ceux de Publico.es. Or ce média a donné à l’affaire un écho tout différent (voir en particulier l’article publié par Publico.es le 13 juillet 2021: «Violencia machista – [X.], otra mujer víctima de violencia vicaria: ‹Me amenazó con matar a mis hijos y la Justicia se los entrega› – «Violence machiste – [X.], une autre victime de la violence par procuration: ‹Il a menacé de tuer mes enfants et le système judiciaire les lui a donnés›»).

Au vu de ce qui précède, les explications fournies par «20 Minuten» pour justifier son compte rendu de l’affaire sont sans fondement. Le Conseil de la presse ne peut que conclure que la rédaction a enfreint son devoir professionnel de rechercher la vérité (chiffre 1 de la «Déclaration»).

3. a) La plaignante reproche en outre à «20 Minuten» de ne pas lui avoir donné la possibilité de faire valoir son point de vue et donc d’avoir violé la Directive 3.8 (audition lors de reproches graves). Elle dément avoir été contactée, alors que la rédaction affirme, elle, avoir cherché en vain à la joindre avant la parution de l’article mais ne pas y être parvenue.

b) Le Conseil de la presse n’est pas en mesure de trancher entre ces deux versions. A supposer que la rédaction ait réellement tenté de contacter la plaignante, il lui appartenait de toute manière, selon la Directive 3.8 précitée, de mentionner ses tentatives dans son article et d’indiquer qu’elles étaient restées infructueuses. Or la publication litigieuse ne contient rien de tel et l’on comprend mal pourquoi, dans la prise de position que la rédaction a adressée au Conseil de la presse en réaction à la présente plainte, elle ne se soit pas expliquée sur l’absence de toute mention en ce sens dans son article. On ajoutera également qu’au vu de la gravité, déjà relevée, des accusations contenues dans l’article, l’obligation de donner la parole à la personne mise en cause revêtait une importante toute particulière.

c) La rédaction se méprend sur le sens de la Directive 3.9 en soutenant que le point de vue de la plaignante n’avait pas à être sollicité dès lors que les reproches qui la visaient se fondaient sur des sources officielles, à savoir un mandat d’arrêt émis par la justice espagnole. La règle à laquelle se réfère «20 Minuten» ne s’applique qu’à des sources officielles publiques – des jugements de tribunaux par exemple – et repose sur l’idée que la personne concernée a pu exercer son droit d’être entendue dans une procédure officielle contradictoire et que le compte rendu médiatique le reflètera d’une manière ou d’une autre (voir la prise de position du Conseil de la presse 35/2004 à propos du compte rendu d’une audition devant le Sénat des Etats-Unis). Tel n’est à l’évidence pas le cas d’un mandat d’arrêt. De plus, il est peu vraisemblable – et «20 Minuten» ne le prétend pas – que ce mandat contienne la totalité des reproches reproduits dans l’article.

d) Dans ces conditions, force est d’admettre que la plainte doit également être admise en ce qui concerne le devoir d’entendre la personne mise en cause avant publication.

4. La plaignante reproche enfin à «20 Minuten» d’avoir publié son nom et sa photo ainsi que celle, floutée, de ses enfants, et d’avoir ainsi enfreint les Directives 7.1, 7.2 et 7.3 (protection de la vie privée, identification, enfants).

a) La rédaction objecte que la plaignante a accepté de s’exprimer sur son affaire dans les médias espagnols sous son propre nom et a également consenti à ce que sa photo soit publiée. Le média se prévaut dès lors de la Directive 7.2, aux termes duquel la publication de l’identité d’une personne qui devrait en principe rester anonyme est admissible si celle-ci «apparaît publiquement en rapport avec l’objet de la relation ou si elle donne son accord à la publication de toute autre manière».

Il est exact que la plaignante s’est exprimée dans les médias espagnols et qu’elle a donc accepté d’apparaître publiquement en relation avec son affaire. De l’avis du Conseil de la presse, on ne peut cependant en déduire que son nom et son image devraient être désormais considérés comme publics en Suisse également alors même que les circonstances à la fois matérielles et juridiques se sont radicalement modifiées depuis que la plaignante a quitté clandestinement l’Espagne avec ses enfants. La plaignante n’est pas une personnalité publique en Suisse, et son affaire n’avait fait encore l’objet d’aucun compte rendu. Il n’y avait dès lors aucun intérêt public à révéler son identité. Il aurait à tout le moins fallu pouvoir s’assurer auprès de l’intéressé qu’elle était d’accord de s’exprimer publiquement dans un contexte où elle pouvait ne plus vouloir être identifiée, eu égard notamment à la procédure ouverte en Suisse en vue d’un éventuel retour des enfants en Espagne. Sur le plan éthique, il serait de toute manière paradoxal que «20 Minuten» puisse se prévaloir du fait que la plaignante s’est exprimée dans les médias espagnols alors même que la rédaction n’a tenu strictement aucun compte du point de vue qu’elle y a exprimé.

b) Les enfants ne sont identifiés dans l’article ni par leurs prénoms ni par leurs initiales, à la notable différence du traitement que leur ont réservé les médias espagnols. Seule doit être discutée ici la publication de leur photo. «20 Minuten» allègue avoir pris les mesures nécessaires pour qu’ils ne soient pas reconnaissables en floutant leurs yeux. Les règles professionnelles applicables en Suisse sont particulièrement restrictives s’agissant du dévoilement d’éléments personnels concernant des enfants. Ceux-ci sont dignes, selon la Directive 7.3, «d’une protection particulière, y compris les enfants de personnages publics ou de personnalités qui sont l’objet de l’attention des médias. Une retenue extrême est indiquée dans les enquêtes et les comptes rendus portant sur des actes violents et qui touchent des enfants (que ce soit comme victimes, comme auteurs présumés ou comme témoins).»

De l’avis du Conseil de la presse, la rédaction aurait dû s’abstenir de publier le visuel utilisé. Le floutage très partiel auquel elle a eu recours n’apparaît pas suffisant au regard des exigences impérieuses formulées par la déontologie professionnelle dès lors qu’il s’agit d’enfants, plus particulièrement lorsque ceux-ci sont confrontés à des procédures judiciaires complexes et douloureuses comme c’est le cas ici. On ne perçoit aucun intérêt public digne de protection qui aurait pu justifier la publication de cette image, même partiellement floutée.

III. Conclusions

1. La plainte est entièrement admise.

2. «20 Minuten» a violé le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (recherche de la vérité) en répercutant des accusations fausses et destructrices pour la plaignante sans les vérifier avec la diligence requise.

3. «20 Minuten» a violé le chiffre 3 de la «Déclaration» (audition lors de reproches graves) en ne donnant pas à la plaignante la possibilité d’exprimer son point de vue, à tout le moins en omettant d’indiquer aux lecteurs que le journal avait cherché en vain à contacter la plaignante pour qu’elle puisse faire valoir son point de vue.

4. «20 Minuten» a violé le chiffre 7 de la «Déclaration» (identification, protection de la vie privée, enfants) en publiant le nom et la photo de la plaignante ainsi qu’une photo, partiellement floutée, des deux enfants de celle-ci.