Nr. 16/2023
Recherche de la vérité / Devoir de rectification

(X. c. «24 heures»)

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I. En fait

A. Le 7 octobre 2021 «24 heures» publie un article de la journaliste Camille Krafft intitulé: «Communautés religieuses: Comment des évangéliques luttent contre la demande de reconnaissance des musulmans». L’article relate la tentative de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM) d’être reconnue comme d’intérêt public dans le canton de Vaud. Il raconte aussi qu’un réseau essaie de torpiller cette demande, et pour cela peut compter sur la collaboration de groupes évangéliques. Dans le réseau – appelé une «nébuleuse» par l’auteure – des différentes organisations sont actives, pas toutes ont un ancrage religieux et certaines sont qualifiées d’islamophobes. En Suisse romande un groupe de travail baptisé «Institut pour les questions relatives à l’islam (IQRI)» fait partie du réseau et de l’action contre la reconnaissance. Sur son site web l’Institut met en référence «deux figures notables du ‹counterjihad›, un mouvement qui considère l’islam comme une menace pour la civilisation occidentale», Bat Ye’Or et Robert Spencer, tous deux mentionnés à plusieurs reprises dans le manifeste du terroriste norvégien Anders Breivik. Au même temps l’État a demandé à la Fédération évangélique vaudoise (FEV) – les églises évangéliques étant elles-mêmes candidates à la reconnaissance – et à ses communautés membres, de préciser leur relation avec l’IQRI. Le directeur de l’IQRI s’exprime régulièrement sur l’islam dans les médias évangéliques et la Haute École de théologie collabore avec l’IQRI. Un encadré qui traite de l’Institut lui donne la parole sur la thématique.

B. Le 6 novembre 2021, X. saisit le Conseil suisse de la presse. Il fait valoir que l’article susmentionné viole le chiffre 1 (vérité) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (par la suite «Déclaration»). La demande de reconnaissance de l’UVAM ne serait pas «la demande des musulmans», vue que l’association serait loin de représenter tous les musulmans dans le canton. En outre l’auteure laisse entendre que la bibliographie sur le site internet de l’IQRI illustrerait l’hostilité envers les musulmans.

Pour le plaignant l’article en outre viole le chiffre 3 (dénaturation d’un texte) de la «Déclaration». La journaliste adopte un ton partisan et des termes à connotation très négatives: en utilisant le mot «nébuleuse» à plusieurs reprises, que le réseau s’active pour «torpiller» l’UVAM, et en suggérant que l’agenda hostile aux musulmans de l’IQRI aurait alarmé l’État de Vaud. L’auteure suggère que ces propos islamophobes de l’IQRI poussent certaines personnes aux actes terroristes, en indiquant que le chercheur Oliver Wäckerlig qualifie certaines entités de la nébuleuse d’Islamophobes et que deux auteurs cités par Breivik sont mis en référence sur le site de l’IQRI. En ce qui regarde ce dernier point, l’auteure n’aurait pas identifiée clairement où exactement sur le site se trouvent ces liens.

C. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.

D. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Susan Boos (présidente), Jan Grüebler, Annik Dubied (vice-présidents) et Ursina Wey (directrice), a traité la présente prise de position le 5 mai 2023 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Selon l’article 11, alinéa 1 de son règlement, le Conseil suisse n’entre pas en matière si une plainte est manifestement infondée.

2. En ce qui concerne le chiffre 1 de la «Déclaration» la formulation générale du titre «luttent contre la demande de reconnaissance des musulmans» est précisée par le chapeau qui cite l’UVAM. Il s’agit d’un raccourci journalistique admissible. En outre les auteurs controversés figurent bien dans la bibliographie du site, le plaignant ne le conteste pas. Il n’y a donc pas violation du chiffre 1 (vérité) de la «Déclaration».

3. En ce qui regarde le chiffre 3 (dénaturation d’un texte) de la «Déclaration», les doléances formulées par le plaignant ne touchent pas à la manière de rapporter des sources, ni à une éventuelle omission, ni même à un défaut du droit d’être entendu. Le terme «nébuleuse» désigne une ensemble aux contours incertains et aux relations internes pas toujours claires. On peut bien arguer que l’ensemble des associations concernées constitue une «nébuleuse». Le fait de mentionner que l’État ait demandé à le FEV de se prononcer, «soucieux d’assurer le respect des uns envers les autres» n’est pas péjoratif. La référence aux publications mentionnées sur le site de l’IQRI, ou figurent deux auteurs cités par Anders Breivik est faite par un expert interrogé pour l’article et constitue une information importante pour le public. Le plaignant argue que Camille Krafft «ne suggère à aucun moment que nos critiques puissent avoir un fondement rationnel». La version de l’article envoyé avec la plainte n’est pas complète. Elle est tronquée de deux encadrés, l’un entièrement consacré au plaignant, dans lequel il a eu la possibilité d s’exprimer largement et rationnellement. (L’autre encadré étant consacré à l’évangélisation de musulmans présente dans le discours de l’IQRI.) Le chiffre 3 (dénaturation d’un texte) de la «Déclaration» est donc respecté.

4. Le plaignant fait valoir que l’auteure suggère subtilement des propos islamophobes de l’organisation en mentionnant les deux auteurs controversés et plutôt anti-islamiques cités par Breivik. «24 heures» aurait dû préciser que le site web de l’IQRI ne portait aucun jugement de valeur sur les auteurs cités et leur site web et n’approuvait ni ne rejetait leur contenu.

III. Conclusion

Le Conseil de la presse n’entre pas en matière sur la plainte.