Nr. 14/2023
Recherche de la vérité / Devoir de rectification

(X. c. «Tribune de Genève»)

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I. En fait

A. Dans son édition des samedi et dimanche 4 et 5 septembre 2021, la «Tribune de Genève» publie un article intitulé «Les soins intensifs regorgent de patients Covid». Le sous-titre ajoute: «Au niveau suisse, le taux d’occupation en soins intensifs est plus élevé qu’en pleine 2e vague. Ce nouvel assaut du virus s’annonce-t-il aussi fort que celui de la rentrée 2020?». Cet article est illustré notamment par un graphique qui compare les nombres des patients hospitalisés selon leur âge lors de la deuxième et la quatrième vague de la pandémie. A lire les chiffres, on constate qu’il y a au total nettement moins de patients hospitalisés lors de la 4e vague. Mais comme l’échelle adoptée n’est pas la même entre les deux périodes, il semble graphiquement que c’est le contraire, à savoir que les patients hospitalisés sont plus nombreux lors de cette 4e vague.

B. Suite apparemment à des réactions de lecteurs, la «Tribune de Genève» publie le 14 septembre 2021 sur son site web une version remaniée du graphique sur les patients hospitalisés. Les chiffres sont remplacés par des pourcentages, ce qui le rend plus compréhensible.

C. Le 18, puis le 30 septembre 2021, X. saisit le Conseil de la presse. «Le titre de l’article et son illustration», écrit-il, «laissent entendre que la quatrième vague de septembre d’hospitalisation de malades du covid serait pire que toutes les vagues précédentes, notamment la deuxième». Pour le plaignant, l’illustration notamment est d’une perversité inédite et il juge «difficilement concevable qu’une personne saine d’esprit puisse ne pas avoir été manipulée par des groupes ou des personnes intéressées à terroriser la population en la contraignant à sa faire vacciner». Alors que selon les chiffres donnés dans l’article, le nombre de ces malades est jusqu’à dix fois inférieur. Selon le plaignant, la «Tribune de Genève» a ainsi violé les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 9, 10 et 11 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration»).

D. Dans sa prise de position, le rédacteur de chef de la «Tribune de Genève», note d’emblée que la plainte n’étaie pas toutes les violations alléguées, et il conteste l’intégralité des griefs. Pour ce qui est du titre, il rappelle que les raccourcis sont admissibles, s’ils sont relativisés dans le sous-titre. En l’espèce, le taux d’occupation très élevé des soins intensifs a plusieurs raisons (moins de lits disponibles, variant Delta très virulent). De plus, pas moins de six médecins et chercheurs apportent leurs commentaires. Pour ce qui est du graphique, le rédacteur en chef constate qu’il a fait l’objet de mauvaises interprétations. Son objectif déclaré en effet était de mettre en parallèle le nombre d’hospitalisations par tranches d’âge, et non leur nombre total. Pour lever toute ambiguïté, la «Tribune de Genève» a donc publié dès le 14 septembre, sur son site web, une version mise à jour dudit graphique. Mais le rédacteur en chef insiste dans sa prise de position que le graphique initial était correct et remplissait son objectif. Frédéric Julliard invite donc le Conseil de la presse à ne pas entrer en matière sur la plainte, ou subsidiairement à la rejeter.

E. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.

F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Susan Boos (présidente), Annik Dubied (vice-présidente), Jan Grüebler (vice-président) et Ursina Wey (directrice), a traité la présente prise de position le 5 mai 2023 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Le Conseil de la presse constate que la plupart des allégations de violation n’ont pas été explicitées. Pour lui, la plainte ne concerne en fait que le chiffre 1 de la «Déclaration», et cela à la fois pour le titre et pour le graphique mis en cause.

2. Le titre principal de l’article ne porte pas à contestation. Quant au sous-titre, il contient en effet des affirmations approximatives, mais qui sont précisées dès le début du texte. Conformément à sa pratique constante, le Conseil de la presse ne constate donc pas de violation du devoir de vérité.

3. Pour ce qui est du graphique, le Conseil de la presse estime certes qu’il était discutable et pouvait prêter à confusion. Mais il est vrai aussi que son titre («La moyenne d’âge des hospitalisés du Covid a nettement diminué») indiquait bien ce qu’il voulait démontrer. Le Conseil de la presse est donc d’avis qu’un constat de violation de la «Déclaration» serait trop sévère. Cela d’autant plus que la «Tribune de Genève» a réagi aux incompréhensions manifestées par certains de ses lecteurs en publiant une version remaniée de ce graphique. Donc là encore, pas de violation du chiffre 1 de la «Déclaration».

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. En publiant l’article «Les soins intensifs regorgent de patients Covid», la «Tribune de Genève» n’a pas violé le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

3. En publiant le graphique «La moyenne d’âge des hospitalisées du Covid a nettement diminué», la «Tribune de Genève» n’a pas violé non plus le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et droits du/de la journaliste».