Nr. 6/2019
Omission d’éléments d’information essentiels

(Cooplog c. «RTS»)

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Zusammenfassung

Das Einblenden eines Dokuments zum Belegen von Fakten ist ein gängiges Element der Fernsehberichterstattung. Dies allein reicht aber nicht immer aus, um alle massgebenden Informationen zu liefern, hält der Schweizer Presserat fest. Entscheidend ist auch, welche Passagen hervorgehoben werden.

Im Rahmen einer Reportage über Wohngenossenschaften der Sendung «Temps Présent» auf RTS interviewte die Journalistin den Direktor einer Genossenschaft in Genf. Eine zentrale Frage war, ob die Mieter Mietzinssenkungen geltend machen könnten. Unmittelbar nach der positiven Antwort des Direktors wurde ein Brief der Verwaltung eingeblendet, welchen die Mieter als Antwort auf einen Antrag auf eine Mietzinssenkung erhalten hatten. Die Textpassage «keine Mietzinssenkung möglich» wurde optisch hervorgehoben und vorgelesen.
Der Direktor der Genossenschaft reichte eine Beschwerde gegen RTS ein. Er sah insbesondere die Wahrheitssuche dadurch verletzt, dass die erwähnte Aussage nicht näher erklärt wurde. Die Erklärung dafür sei zwar im angezeigten Dokument erschienen, aber ohne Hervorhebung: «(….) Wir erinnern Sie daran, dass Sie einen subventionierten Mietvertrag haben und dadurch von der Senkung des Hypothekarzinses nicht betroffen sind.“»

RTS verteidigte sich mit der Aussage, die «wichtigste» Passage hervorgehoben zu haben. Da der ganze Brief gezeigt worden sei, habe der Zuschauer alle relevanten Informationen gesehen. Der Presserat kam zu einem anderen Schluss: Die Anzeigezeit von elf Sekunden erlaubte es nicht, den gesamten Brief sorgfältig zu lesen. Zudem war bewusst die Verweigerung einer Senkung hervorgehoben worden, nicht jedoch die Erklärung dazu. Auf diese Weise wurde den Zuschauern eine wesentliche Information vorenthalten und damit Ziffer 3 der «Erklärung der Pflichten und Rechte der Journalistinnen und Journalisten» verletzt.

Résumé

L’affichage d’un fac-similé de document pour authentifier une information est un procédé classique en télévision. Mais ce n’est pas toujours suffisant pour livrer toute l’information, comme l’a constaté le Conseil suisse de la presse (CSP). Le choix des passages mis en valeur est tout aussi important!
Dans le cadre d’un reportage sur les coopératives d’habitation pour l’émission «Temps Présent» de la RTS-TV, la journaliste a interrogé le directeur d’une telle coopérative à Genève. Elle lui a notamment demandé si les coopérateurs-locataires pouvaient réclamer des baisses de loyer. Juste après la réponse affirmative du directeur est apparu à l’écran le fac-similé d’une lettre à l’en-tête de la gérance (avec qui travaille la coopérative). Sur ce document, envoyé à des locataires en réponse à une demande de baisse de loyer, un passage était mis en exergue (effet loupe): «aucune baisse de loyer n’est envisageable», passage lu en même temps par la journaliste.

Le directeur de la coopérative a porté plainte contre «Temps Présent» sur différents points (non retenus par le CSP), mais surtout parce que ce refus de baisse n’était pas explicité. Il y voyait un manquement à la recherche de la vérité. Or l’explication figurait sur le document affiché à l’écran, mais sans mise en évidence: «(…) nous vous rappelons, sauf erreur de notre part, que vous avez un contrat de bail à loyer subventionné. De ce fait vous n’êtes pas concernés par la baisse du taux hypothécaire».
La RTS s’est défendue en disant qu’elle avait mis en exergue le passage «le plus important», mais comme la lettre avait été affichée à l’écran dans sa totalité, le téléspectateur avait eu accès à l’entier de l’information.

Le Conseil en a jugé autrement. D’une part le temps d’affichage, onze secondes, ne permettait pas de lire attentivement l’entier de la lettre; d’autre part le choix délibéré de mettre en évidence le refus de baisse mais pas l’explication qui allait avec équivaut à l’omission d’un élément d’information essentiel, donc à la violation du chiffre 3 de la «Déclaration des devoirs et des droits des journalistes».

Riassunto

Mostrare il facsimile di un documento per dimostrare il grado di autenticità di un’informazione è un procedimento classico in televisione. Ma basta per darla tutta, l’informazione? Non sempre, come il Consiglio della stampa dimostra in un caso che riguarda la trasmissione «Temps présent» della Televisione romanda (RTS). Occorre infatti verificare anche quali passaggi del documento siano stati, nel caso, mostrati o messi in evidenza.

Il servizio aveva per tema le cooperative di inquilini, intervistato era il direttore di una di queste cooperative, cui era posta la domanda se i cooperatori-inquilini avessero il diritto di chiedere una riduzione del cànone. Appena dopo la risposta del direttore veniva mostrato sullo schermo il facsimile di una lettera su carta intestata del gerente, che nel caso rappresentava la cooperativa. Sul documento, ricevuto da uno degli inquilini, si leggeva (senza per altro essere messa in risalto) la frase: «non si prevede alcuna diminuzione del cànone d’affitto», letto in voce dalla giornalista autrice del servizio.

Il direttore della cooperativa ha presentato reclamo al Consiglio della stampa su vari punti che non sono stati tenuti in considerazione, ma soprattutto sottolineando il fatto che del documento citato non era stata menzionata la frase: «(…) rammentiamo che, salvo errore, lei beneficia di un affitto sovvenzionato, per cui la diminuzione del cànone non la concerne». La TSR fa valere che tutta la lettera era stata mostrata allo schermo: il telespettatore poteva rendersi conto del contenuto nella sua integralità, anche se una frase soltanto era stata messa in evidenza. Il Consiglio della stampa non accetta questa spiegazione. Gli undici secondi di tempo durante i quali la lettera era mostrata non consentivano certamente allo spettatore di leggerla per intero; d’altra parte, tralasciare di mettere in evidenza la ragione per cui non si riteneva possibile, nel caso specifico, la diminuzione d’affitto rappresenta una violazione della Cifra 3 (Non omissione di elementi d’informazione importanti) della «Dichiarazione dei doveri del giornalista».

I. En fait

A. Le 26 avril 2018, la Radio Télévision Suisse (ci-dessous RTS) consacre une émission de «Temps présent» aux coopératives d’habitation en Suisse romande. Le film de près de 54 minutes est intitulé: «Coopérative d’habitants, plus belle la vie?». Il est signé Catherine Gerber et Françoise Weilhammer. Son introduction parle spécifiquement des coopératives dont les habitants participent à toutes les étapes du financement et de la construction des biens immobiliers, sans l’intervention d’une régie. Le reportage se concentre sur trois coopératives à Genève et Lausanne, toutes participatives à des degrés divers. Il s’attache à décrire l’engagement que demande ce type d’organisation, ses contraintes et ses avantages, notamment financiers.

Au milieu de l’émission (22’17’’) le reportage fait un crochet pour présenter des coopératives d’un autre type, liées à une régie et qualifiées dans le milieu de «coopératives de promoteurs», précise le commentaire. Cette séquence est insérée dans une partie consacrée à la plus «participative» du reportage, Equilibre. Le lien entre les deux types est facilité par la géographie, puisque des immeubles de la coopérative Equilibre jouxtent ceux d’une «coopérative de promoteurs», la Cooplog à Genève. Cette dernière est associée à la Société Privée de Gérance (SPG).

Après une brève présentation de son fonctionnement, la journaliste interroge Alain Charlet, directeur de la Cooplog (23’). Le premier élément d’entretien dure 45 secondes. Après un intervalle de commentaire, dans un deuxième élément d’entretien Alain Charlet explique brièvement les droits des coopérateurs. Il est interrompu par la journaliste qui lui demande si les locataires peuvent demander des baisses de loyer. Semblant pris de court, le directeur répond «Ils peuvent demander, oui». Fin de l’entretien. Le reportage enchaîne en expliquant que des coopérateurs Cooplog ont demandé une diminution de loyer en 2015, à la suite d’une baisse des taux hypothécaires et ne l’ont pas obtenue. Le fac-similé de la réponse de la SPG est affiché à l’écran. L’extrait de phrase «aucune baisse de loyer n’est envisageable» est mis en exergue et lu par la journaliste. La séquence consacrée à Cooplog dure en tout une minute et quarante-deux secondes. Puis le reportage repart sur les traces de la coopérative Equilibre pour expliquer que ses membres, qui gèrent eux-mêmes les comptes de leur immeuble, ont eux pu faire baisser leur loyer.

B. Le 25 juillet, la Cooplog dépose plainte contre la RTS auprès du Conseil suisse de la presse (ci-dessous le Conseil), par l’entremise d’avocats. La Cooplog reproche principalement à «Temps Présent» d’avoir sévèrement raccourci l’entretien de «deux fois une heure» avec Alain Charlet pour en retenir une minute, ce qui a eu pour effet de supprimer un faisceau d’informations détaillées sur le fonctionnement de la Cooplog et ses relations avec la régie SPG, ainsi que sur le financement des opérations immobilières. La plainte reproche aussi à la RTS d’avoir qualifié la Cooplog de «coopérative de promoteurs» sans avoir demandé à son directeur son appréciation sur cette qualification. Concernant spécifiquement la baisse de loyer demandée par les coopérateurs-locataires de la Cooplog et à laquelle celle-ci n’a pas accédé, la plainte souligne que le reportage a mis en exergue le passage de la réponse de la SPG disant qu’ «aucune baisse de loyer n’est envisageable» sans enquêter plus loin sur les raisons qui fondent cette réponse ni s’enquérir auprès d’Alain Charlet. La plainte estime qu’il en résulte «une atteinte manifeste à la réputation et à l’honneur» de ce dernier.

La Cooplog voit dans le traitement qui lui est réservé la volonté de lui nuire, accusant Françoise Weilhammer d’avoir «sciemment sélectionné et organisé les faits à sa manière, ce qui laisse incontestablement l’impression au public d’un reportage en deux teintes», image positive de la coopérative Equilibre d’une part et l’image ternie de Cooplog d’autre part. Le 24 mai, la Cooplog demande à la RTS la publication d’un rectificatif, ce que la RTS refuse. La coopérative dépose plainte auprès du Conseil de la presse le 25 juillet 2018 pour violation des chiffres 1 (recherche de la vérité), 3 (ne pas supprimer des informations essentielles) et 5 (devoir de rectification). Elle invoque en plus le non-respect des directives 2.2 (pluralisme des points de vue) et 4.5 (interview).

C. Le service juridique de la RTS et Françoise Weilhammer prennent position en date du 3 décembre 2018. Elles précisent que l’émission «visait à présenter ce nouveau modèle dit ‹participatif› où ce sont les coopérateurs-habitants qui prennent toutes les décisions et non pas un promoteur ou une régie». C’est à la suite d’un entretien avec le directeur de la coopérative Equilibre que la Cooplog a été évoquée. La comparaison «entre les deux genres de coopératives n’est pas le sujet principal du reportage, mais il s’agit d’un élément supplémentaire permettant de comprendre et de cerner les particularités des coopératives participatives». La rencontre avec le directeur de la Cooplog visait à permettre à la journaliste «d’avoir des connaissances plus approfondies» sur ce type de coopératives. En lui donnant la parole à l’antenne, la RTS affirme avoir respecté le pluralisme des sources. Pour elle, le fait que l’entretien ait été raccourci participe de la liberté journalistique prévue par la directive 4.5.

Sur les relations entre la régie et la coopérative et sur la qualification de «coopérative de promoteurs», la RTS relève que la régie SPG et la Cooplog partagent la même adresse dans le registre du commerce et ont en commun trois membres de leurs Conseils d’administration respectifs, ce qui justifie l’usage de ce terme usité dans le milieu. Il figure même dans un article affiché sur le site de la Cooplog.

Concernant le point spécifique de la demande de baisse de loyer, la RTS estime avoir donné l’information nécessaire en présentant l’intégralité de la réponse de la SPG à l’écran et en soulignant «l’élément principal de ce courrier qui indique ‹qu’aucune baisse de loyer n’est envisageable›». La RTS estime donc avoir respecté son devoir de recherche de la vérité et n’avoir pas supprimé d’éléments d’information essentiels. Pour ces raisons, elle a refusé d’accorder un droit de réponse.

D. La présidence du Conseil suisse de la presse a confié le traitement de la plainte à sa 2ème chambre, composée de Dominique von Burg (présidence), Sonia Arnal, Michel Bührer, Annik Dubied, Denis Masmejan, François Mauron et Mélanie Pitteloud.

E. La 2ème chambre a traité la plainte dans sa séance du 14 mars 2019 et par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Les locataires de la Cooplog avaient demandé à cette dernière de revoir à la baisse leur loyer en raison de la baisse du taux hypothécaire, ce que la régie a refusé. Le point central de la plainte touche au fait de savoir si, en affichant à l’écran la réponse de la régie SPG tout en mettant en exergue un passage, la RTS a respecté l’article 3 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-dessous la «Déclaration»), qui intime de «ne pas supprimer des informations ou éléments d’information essentiels». Au sens strict oui, puisque le fac-similé du document est affiché et lisible à l’écran. Toutefois, l’affichage dure quelque onze secondes. Cette durée est-elle suffisante pour en faire une lecture attentive, compte tenu que l’information pertinente se situe au troisième paragraphe? Le Conseil estime que non. De plus, en mettant en exergue le passage qu’elle juge «le plus important» («aucune baisse de loyer n’est envisageable»), la RTS oriente clairement le téléspectateur vers ce seul élément. Il est évident qu’il retiendra principalement le texte mis en évidence. Or l’information complète précède cette conclusion: «… nous vous rappelons, sauf erreur de notre part, que vous avez un contrat de bail à loyer subventionné. De ce fait, vous n’êtes pas concernés par le changement de taux hypothécaire …». Cette partie n’est pas mise en évidence. Pour le Conseil de la presse le choix délibéré de passer comme chat sur braise sur cette explication équivaut à un manquement à l’article 3 de la «Déclaration».

2. La plainte ne permet pas de conclure à une violation du chiffre 1 de la «Déclaration», traitant de la prise en compte des données disponibles et accessibles. Quant au devoir de rectification prévu par le chiffre 5, il porte sur l’inexactitude matérielle et concerne «les aspects factuels et non les jugements portés sur des faits avérés». En demandant la publication d’un rectificatif, la Cooplog n’a fourni aucun exemple de ce type à l’appui de sa plainte.

3. Concernant les autres points mentionnés dans la plainte, le Conseil rappelle que les journalistes ont le droit de raccourcir les déclarations de leurs interlocuteurs, «pour autant que le sens de ces déclarations ne s’en trouve pas changé», selon la directive 4.6, ce qui est le cas ici. Le Conseil ne voit pas non plus pas en quoi le fait de n’avoir pas sollicité l’avis du plaignant sur l’utilisation du terme «coopérative de promoteurs», utilisé jusque sur le site de la Cooplog, contreviendrait à la directive 2.2 (pluralisme des points de vue).

III. Conclusions

1. La plainte est partiellement admise.

2. En omettant une information importante, la RTS a violé le chiffre 3 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

3. Pour le reste, la plainte est rejetée.