Nr. 8/2014
Plaintes parallèles

(X. c. «20 minutes») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 23 mai 2014

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I. En fait

A. Le 22 mai 2013, le quotidien «20 minutes» publie un article intitulé «Nouveau couac de la justice face à un violeur récidiviste», accroché en «Une» sous le titre «Un violeur profite des lenteurs de la justice». Sous la plume de Joël Espi, le journal fait état de la condamnation d’un ressortissant algérien, condamné quatre ans après les faits. L’article s’intéresse avant tout à la colère du président du Tribunal, selon qui le condamné aurait profité des lenteurs de la justice en ne récoltant qu’une peine relativement clémente. Le même président déplore en outre que malgré une décision de renvoi, le condamné a pu rester en Suisse, du fait de l’absence d’un accord de renvoi avec l’Algérie.

B. Le 2 novembre 2013, représenté par un avocat, X. saisit le Conseil de la presse. Il s’estime «sali gratuitement» par l’article précité. Cet article contiendrait des erreurs concernant les antécédents de X. Il serait discriminatoire, calomnieux, constituerait une «provocation publique» et un «appel à la haine». Discriminatoire à l’encontre des Algériens, l’article enfin constituerait une mise en danger de X. De plus, en donnant l’âge, la nationalité et des «faits erronés» concernant le plaignant, «20 minutes» aurait contrevenu au code déontologique – directive 7.2, identification. X. demande au Conseil de la presse de lui assurer un droit de réponse, d’ordonner à «20 minutes» d’effacer l’article de son site et d’adresser une «mise en garde» à la presse suisse en général.

C. Le 21 novembre 2013, en réponse à la demande du secrétariat du Conseil de la presse, le plaignant l’informe de son intention de saisir un Tribunal civil par une plainte en dommages et intérêts.

D. Selon l’art. 12, alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.

E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), traite la présente prise de position le 23 mai 2014 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Selon l’article 10, alinéa 2 de son règlement, le Conseil suisse de la presse peut entrer en matière sur des plaintes indépendamment du fait qu’une procédure judiciaire ait été engagée en rapport avec l’objet de la plainte, à condition que des questions déontologiques fondamentales soient soulevées.

2. De l’avis du Conseil suisse de la presse cette condition n’est pas remplie en l’occurrence.  D’une part, les reproches de «diffamation, calomnie, provocation publique ou appel à la haine» ne figurent pas dans la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste». D’autre part, comme le Conseil de la presse l’a constamment souligné, une rédaction est libre de choisir l’angle selon lequel elle traite une information. Enfin, l’article n’est manifestement pas discriminatoire. La question de l’absence d’une convention de renvoi entre la Suisse et l’Algérie fait partie du débat public. Enfin, le plaignant n’étant pas nommé et les indications le concernant étant nécessaires à la bonne compréhension du récit, il n’y a manifestement pas de violation du chiffre 7 de la «Déclaration» sous l’angle de l’identification.

3. Le Conseil de la presse rappelle en outre qu’il n’entre pas dans ses compétences d’ordonner des mesures correctrices – droit de réponse ou élimination d’un article d’un site. Il ne se comprend pas non plus comme une instance qui enjoindrait aux médias d’adopter des attitudes politiquement correctes. Au contraire, sa tâche première consiste à défendre la liberté de l’information.

III. Conclusion

L’entrée en matière est refusée.