Nr. 61/2006
Non-entrée en matière

(Perruchoud c. «Le Confédéré») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 29 décembre 2006

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I. En Fait

A. Sous le titre «Mais que veut la FMEF?» le «Confédéré» a publié le 31 mars 2006 un commentaire de son rédacteur responsable, Adolphe Ribordy, qui critiquait avec virulence la Fédération des enseignants et des fonctionnaires de l’Etat du Valais (FMEF): «Etrange que le Valais dispose encore d’un syndicat à l’origine fasciste pur sucre. Rappelez-vous les années 1930 puis, plus tard, la France de Vichy. L’idéal consistait à réunir tous les travailleurs dans un même syndicat, sous la conduite éclairée du ‹chef›. En Valais, la FMEF est une survivance de cette époque glorieuse qui voit la réunion d’un juge cantonal et d’une auxiliaire à Fr. 3000.–, les enseignants et les cantonniers (…) La FMEF est un syndicat corporatiste qui vise la défense du statut financier des fonctionnaires, au sens large, profitant du nombre. (…) On se retrouve donc sur le plan analytique face à un groupe de pression de type corporatiste à tendance schizophrénique. En effet, la mission générale de la fonction publique est la défense de l’intérêt général et la gestion judicieuse des deniers publics, or cette mission se heurte à la défense d’acquis, de petits privilèges d’accaparement de situation (…) La FMEF est un anachronisme, une survivance des régimes totalitaires, elle ne défend pas des travailleurs et leurs conditions de travail, mais une caste, une corporation. Vivement que le peuple valaisan ait un jour son mot à dire sur tout cela. Pour l’heure, constatons que Michel Perruchoud est le digne successeur d’Ignace Rey et de ses placements dans les mines d’or du Canada.»

B. Par courrier du 14 septembre 2006 Michel Perruchoud, secrétaire général de la FMEF, s’est adressé au Conseil de la presse pour se plaindre des termes suivants utilisés dans l’article d’Adolphe Ribordy: «Syndicat à l’origine fasciste pur sucre»; «France de Vichy»; «Groupe de pression de type corporatiste à tendance schizophrénique», «défense d’acquis, de petits privilèges d’accaparement de situation»; «La FMEF est un anachronisme, une survivance des régimes totalitaires; (…) une caste, une corporation»; «La FMEF est un syndicat fascisant»; «Michel Perruchoud est le digne successeur d’Ignace Rey et de ses placements dans les mines d’or du Canada». Selon le plaignant, le commentaire d’Adolphe Ribordy a violé les chiffres 1 (vérité), 3 (dénaturation des faits), 5 (rectification) et 7 (accusations gratuites) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

C. Sur demande du secrétariat du Conseil suisse de la presse Michel Perrouchoud lui a transmis par courrier du 23 septembre 2006 les documents existant à ce jour dans le cadre de la procédure pénale pour l’atteinte à l’honneur engagée par la FMEF à l’encontre d’Adolphe Ribordy.

D. Le 26 octobre 2006 la rédaction du «Confédéré» agissant par l’intermédiaire d’un avocat a demandé au Conseil suisse de la presse de ne pas entrer en matière sur la plainte de Michel Perrouchoud. Le plaignant aurait entendu, personnellement, déposer une plainte pénale à l’encontre d’Alain Ribordy en plus de celle de la FMEF. Il y aurait finalement renoncé, seule la FMEF ayant agi. «La procédure pénale – pour les mêmes faits – est pendante. (…) L’intérêt que peut avoir M. Michel Perruchoud à la mise en œuvre de la présente procédure n’est de toute évidence pas prépondérante.»

E. Conformément à l’art. 9 al. 3 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence doit refuser les plaintes manifestement infondées, ainsi que celles qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil ou sur lesquelles – se référant à l’art 15 de son règlement – il n’entre pas en matière (prises de positions 24/2003, 56/2006).

F. La présidence du Conseil suisse de la presse composée par Peter Studer (président), Sylvie Arsever et Esther Diener-Morscher (vice-présidentes) a adopté la présente prise de position le 29 décembre 2006 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Le Conseil suisse de la presse peut entrer en matière sur une plainte même si une procédure judiciaire a été entamée en rapport avec l’objet de cette plainte. Toutefois, il peut également renoncer à entrer en matière, notamment lorsqu’un danger manifeste existe que la procédure juridique en cours soit influencée, que ce danger prédomine sur l’intérêt du plaignant à voir sa plainte traitée et qu’aucune question fondamentale d’éthique professionnelle ne se pose en relation avec cette plainte (Art. 15 alinéa 3 du règlement du Conseil suisse de la presse).

2. Le Conseil suisse de la presse constate, que les faits soumis à l’appréciation des autorités valaisanne de poursuite pénale et à la sienne sont effectivement identiques. La question de savoir quelles étaient à l’origine les intentions de Michel Perruchoud n’est pas déterminante. Il suffit de constater que sa plainte au Conseil de la presse porte exactement sur les même griefs (non respect de la vérité, dénaturation des faits, accusations gratuites) que la plainte pénale pour l’atteinte à l’honneur déposée par la FMEF. Du point du vue de la déontologie journalistique, le Conseil suisse de la presse ne voit pas d’intérêt spécifique à ce qu’il se prononce sur les mêmes questions que le juge pénal. Le Conseil de la presse, qui ne peut ni convoquer de témoins ni exiger la présentation de moyens de preuve est en effet moins bien armé qu’un tribunal pour évaluer les faits.

III. Conclusion

L’entrée en matière est refusée.