Nr. 14/2014
Indépendance journalistique / Interview

(Geneva Business School c. RTS) Prise de position du Conseil suisse de la presse du 29 juillet 2014

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I. En fait

A. Le 4 mai 2013, la Radio Télévision Suisse (RTS) diffuse dans «Le journal» (ci-après «Téléjournal») de 19.30 h un reportage intitulé «Grand format – Universités privées: un bon business». Le reportage d’une durée de 3’26 minutes aborde le sujet de l’éducation supérieure, plus précisément celui des universités privées à Genève et relève l’absence d’un contrôle étatique sur les établissements privés d’enseignement supérieur. Cela a pour conséquence la délivrance de diplômes qui éventuellement ne bénéficient d’aucune reconnaissance à l’étranger. Dans le cadre du reportage, la parole est donnée aux représentants de deux établissements privés, parmi eux la Geneva Business School.

B. Le 15 mai 2014, le directeur de la Geneva Business School saisit le Conseil suisse de la presse. Il considère avoir été trompé sur l’objectif principal du reportage. Le plaignant fait valoir que les éléments objectifs discutés lors de l’interview avec la journaliste de la RTS, Delphine Gianora, n’ont pas été présentés et que la plupart des propos étaient orientés en défaveur de la Geneva Business School. Il ajoute, qu’un enregistrement sonore qu’il a envoyé à la journaliste n’a pas été pris en compte. Pour lui c’est un reportage à charge contre les universités privées, à la limite de la diffamation. Dans un deuxième et troisième courrier datés du 28 mai et du 4 juin 2013, le directeur administratif précise que notamment les directives 1.1 (recherche de la vérité), 2.3 (distinction entre l’information et les appréciations), 3.4 (illustrations), 4.5 (interview) et 4.6 (entretien aux fins d’enquète) relatives à la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» ont été violées.

C. Dans sa réplique du 19 août 2013, la RTS souligne qu’il n’a jamais été question de réaliser un sujet «promotionnel» sur la Geneva Business School, ce qui serait contraire à la mission de service public de la RTS. Elle affirme que la plaignante a été informée en toute transparence sur l’objet de l’entretien et avait connaissance du fait que le reportage allait être diffusée dans le «Téléjournal».

Concernant l’enregistrement sonore complétant l’interview, elle souligne qu’il contient une présentation détaillée des prestations proposées par la Geneva Business School. Le sujet du reportage n’avait pas pour objet de présenter le cursus offert à la Geneva Business School, mais visait principalement à rendre compte de l’absence de contrainte légale liée à l’exploitation d’un établissement privé d’enseignement supérieur en Suisse.

La RTS fait en outre valoir que les informations factuelles concernant les frais d’écolage élevés, le foisonnement des universités privées en Suisse, les conditions d’ouverture d’un établissement d’enseignement privé à Genève, le label Swiss learning et la reconnaissance des diplômes de la Geneva Business School à l’étranger étaient présentées d’une manière tout à fait neutre et objective. La RTS conclut que la plainte est infondée et qu’il y a lieu de la rejeter intégralement.

D. Selon l’art. 12 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.

E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), de Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 29 juillet par voie de correspondance.

II. Considérants

1. La directive 4.6 relative à la «Déclaration» exige que les journalistes informent leurs interlocuteurs de l’objet de l’entretien mené dans le cadre d’une enquête. Le plaignant affirme avoir été trompé quant à l’objectif du reportage. La journaliste auteure du reportage contesté lui aurait confirmé que l’objectif de l’émission était de faire connaître cette Business School et d’attirer des inscriptions. Le plaignant invoque en outre que les éléments objectifs discutés lors de l’interview n’ont pas été présentés tels que convenus.

Dans sa réplique RTS affirme qu’il n’a jamais été question de réaliser un sujet «promotionnel» sur la Geneva Business School destiné à attirer de nouvelles inscriptions. Une telle entreprise serait contraire à la mission de service public de la RTS, laquelle assure une couverture éditoriale des sujets d’intérêt public en toute indépendance. La RTS renchérit que la plaignante a été informée en toute transparence sur l’objet de l’entretien et a eu connaissance dès le départ que le reportage allait être diffusé dans le «Téléjournal», une émission d’actualité quotidienne qui n’a aucune vocation promotionnelle.

2. Le Conseil de la presse constate que le plaignant ne produit aucune pièce qui confirmerait ses reproches. Il ne conteste pas avoir eu connaissance de la diffusion du reportage dans le «Téléjournal». Cette émission couvre l’actualité et, comme le souligne la RTS dans sa réplique, elle est par nature incompatible avec des sujets présentés de manière promotionnelle. La RTS expose d’une manière crédible avoir informé le plaignant sur l’objet de l’entretien. Cet objet relève d’un choix rédactionnel et donc de la liberté de l’information ainsi que de celle de diffuser ou pas l’enregistrement sonore envoyé par le plaignant après l’interview.

3. Le plaignant estime en outre que l’enquête est orientée et pas du tout objective, à la limite de la diffamation contre les universités privées. Pour souligner ces propos il donne plusieurs exemples, sans toutefois contester leur contenu. Ce grief se réfère donc en substance au chiffre 2 (indépendance). Il ne découle de la «Déclaration» aucune obligation à rendre compte de manière objective, et dès lors même une relation unilatérale est admissible de la part d’un média (prise de position 49/2010). Le reportage avait comme sujet la problématique liée à l’absence de contrôle étatique en Suisse opéré sur les établissements privés d’enseignement supérieur et ses conséquences, il est donc inutile d’examiner en détail une éventuelle non-objectivité des informations factuelles non contestées.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. En mettant l’accent dans un reportage du «Téléjournal» du 4 mai 2013 sur la problématique liée à l’absence de contrôle étatique en Suisse opéré sur les établissements privés d’enseignement supérieur et en n’ayant pas publié des informations concernant les spécificités de la Geneva Business School, dont le directeur avait été interviewé, la RTS n’a pas violé les chiffres 2 (indépendance) et 4 (interview) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».