Nr. 45/2007
Recherche de la vérité / Rectification / Respect de la sphère privée

(X. Sàrl c. «Tribune de Genève») Prise de Position du Conseil suisse de la presse du 21 septembre 2007

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I. En fait

A. Le 3 novembre 2006, la «Tribune de Genève» a publié une article d’Adélita Genoud intitulé «Maca: encore, un plante magique!». «Après le ginseng, les omégas 3, l’aloe vera, la racine tubéreuse prétend, elle aussi, booster le système immunitaire. Info ou intox?» Les scientifiques, poursuit l’article, penchent presque unanimement pour la seconde hypothèse. Selon le docteur Jules Desmeules, médecin en pharmacologie et toxicologie à l’Hôpital cantonal, toutes les particularités qu’on prête au maca «relèvent d’une littérature non scientifique. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que ses qualités aphrodisiaques sont sans fondement. Des travaux ont en effet démontré qu’elle ne modifiait pas le taux hormonal.» Le texte est illustré avec une photo de la vitrine d’une pharmacie. Au centre de l’image on voit le logo «Super MACA; Koken del Perú reg.».

B. Le 13 novembre 2006, X. Sàrl qui «importe et distribue en Suisse des compléments alimentaires du Pérou et principalement des extraits d’un légume appelé maca», s’est adressé à Pierre Ruetschi, rédacteur en chef de la «Tribune de Genève». «Notre société étant explicitement identifiée et mis en évidence par votre photo, Mme Genoud et le Dr. Desmeules auraient dû avoir la déontologie élémentaire de nous contacter afin de connaître nos arguments.» L’affirmation selon laquelle toutes les propriétés qu’on prête au maca relèveraient d’une littérature non scientifique serait «gravement mensongère». L’article du 3 novembre 2006 serait «diffamatoire envers notre société. Il nous porte un tort considérable et nous fait subir un grave préjudice financier. Nous exigeons une réparation de votre part.»

C. Le 2 février 2007, X. Sàrl a déposé une «plainte pour diffamation» contre Pierre Ruetschi, Adélita Genoud et le Dr. Jules Desmeules.

D. Le même jour, X. Sàrl s’est adressé au Conseil suisse de la presse. Selon la plaignante «notre société a été gravement mis en cause et, comme nos clients elle subit des pertes financières importantes. ‹La Tribune de Genève› aurait du avoir la déontologie élémentaire de nous contacter afin de connaître nos arguments au sujet de cet article diffamatoire et mensonger.» Avec un complément à la plainte du 29 mars 2007 la plaignante allègue que la «Tribune de Genève» a violé les chiffres 1 (rechercher la vérité), 5 (rectification des fausses nouvelles) et 7 (respecter la sphère privée) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

E. Conformément à l’art. 9 al. 3 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence doit refuser les plaintes manifestement infondées, ainsi que celles qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil.

F. La présidence du Conseil suisse de la presse composée de Peter Studer (président), Sylvie Arsever et Esther Diener-Morscher (vice-présidentes) a traité la présente prise de position le 21 septembre 2007 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Le Conseil suisse de la presse constate d’abord que l’article contesté ne vise pas spécifiquement la plaignante, qui n’est pas la seule entreprise distribuant le maca en Suisse. Le texte donne plutôt un tour d’horizon critique sur cette plante en général et les effets qui sont attribués à sa racine. Du point de vue de la déontologie journalistique, il est admissible, de confronter les promesses de la publicité pour un produit avec le point de vue critique d’un spécialiste. Du chiffre 1 de la «Déclaration» (vérité) et de la directive y relative (rechercher la vérité) on ne peut pas déduire une obligation d’exhaustivité dans la recherche. Le Conseil suisse de la presse, comme il l’a répété plusieurs fois, ne dispose en outre pas des moyens procéduraux lui permettant de trancher entre deux versions de faits opposées. Il ne saurait donc se prononcer sur le grief selon lequel l’article litigieux serait «diffamatoire» et «mensonger» sur le fond. Il ne peut pas davantage conclure à la violation, de la part de la «Tribune de Genève», d’une éventuelle obligation de rectifier une information qui se révèle inexacte (chiffre 5 de la «Déclaration»).

2. En outre, du point de vue d’un lecteur sans préjugés, la plaignante n’était pas mise en cause par l’article. Il n’était des lors pas indispensable pour la journaliste de la contacter avant la publication afin de connaître ses arguments.

3. Finalement, le Conseil suisse de la presse constate que la publication d’une affiche de publicité ou d’une vitrine d’un magasin ne relève pas de la sphère privée. Une violation du chiffre 7 de la «Déclaration» (respecter la sphère privée) est dès lors exclue.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. «La Tribune de Genève» n’a pas violé les chiffres 1 (rechercher la vérité), 5 (rectification des fausses nouvelles) et 7 (respecter la sphère privée) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».