I. En fait
A. Le 20 mars 2002, «24 Heures» a publié un compte-rendu des discours d’adieu des trois Conseillers d’Etat sortants – Claude Ruey, Charles Favre et Francine Jeanprêtre – au Grand Conseil vaudois. Le texte est titré «Les adieux de trois fortes têtes» et comprend un exposé général et trois compléments consacrés chacun à l’un des sortants.
B. Le 17 mai 2002, Francine Jeanprêtre a saisi le Conseil de la presse. Elle s’en prend à la façon dont le journal a résumé son discours, de façon selon elle tendancieuse et incomplète (chiffre 3 de la «Déclaration des devoirs et des droits du / de la journaliste). Outre son titre «La faute aux médias», elle reproche à cet article l’accent selon elle disproportionné qui y est mis sur une phrase de son discours qui épinglait, sans désigner expressément 24 Heures, «un quotidien qui s’est mué en organe de combat, notamment contre l’Ecole publique». Cette allusion, fait-elle notamment valoir, est la seule faite aux médias dans un discours de 3 pages A4. Elle ne justifiait donc pas une telle mise en exergue.
C. Jacques Poget, rédacteur en chef de «24 Heures» a fait connaître sa position en date du 1er juillet 2002. Il rappelle que la pratique consistant à titrer sur un élément fort d’un texte plutôt que sur un résumé de son contenu est constante. Il conteste en outre le reproche de partialité et relève que l’article litigieux aborde également d’autres points du discours de la Conseillère d’Etat sortante.
D. La plainte de Francine Jeanprêtre a été transmise à la 2ème Chambre du Conseil de la presse, composée de Sylvie Arsever, Nadia Braendle, Dominique von Burg, Daniel Cornu (président) Jean-Pierre Graber, Ueli Leuenberger et Michel Zendali.
E. En date du 11 juillet 2002, Francine Jeanprêtre a demandé la récusation de Dominique von Burg et de Michel Zendali, invoquant le fait qu’ils collaborent à des journaux du groupe Edipresse et, s’agissant de Dominique von Burg, la collaboration rédactionnelle qui existe entre «24 Heures» et «la Tribune de Genève», dont il est le rédacteur en chef. Le président de la 2ème Chambre a rejeté ces demandes lors de la séance de la Chambre du 3 septembre 2002: ni Michel Zendali ni Dominique von Burg n’ont de responsabilité éditoriale au sein de «24 Heures».
F. La 2ème Chambre a examiné la plainte de Francine Jeanprêtre dans sa séance du 3 septembre 2002.
II. Considérants
1. La portée de l’interdiction faite aux journalistes de supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels est difficile à délimiter puisque le travail journalistique consiste le plus souvent à résumer l’information et, en conséquence, à en supprimer des éléments dont la pertinence peut être appréciée de façon variable suivant les points de vue. Les directives relatives à la «Déclaration des devoirs et des droits du / de la journaliste» ne précisent cette portée que sur des points formels – vérification de la source, désignation comme tels des communiqués, des documents d’archive et des montages photographiques notamment. Quant à la pratique du Conseil de la presse, elle entérine une conception restreinte de cette obligation, ne retenant une violation du chiffre 3 de la «Déclaration» que dans les cas où une information est tronquée de telle manière que son sens est modifié (prises de position 1/92 A. contre «Blick», 1/98 SJU-Frauenrat contre «FACTS» et 17/98 L. contre «Weltwoche»).
2. Appliquée à la plainte de Francine Jeanprêtre, cette interprétation restrictive du chiffre 3 de la «Déclareation» ne permet pas de retenir une faute de «24 Heures». En effet, s’il est incontestable que son discours a été résumé de manière critique dans un texte faisant une large place au commentaire, on ne saurait dire que sa substance a été trahie. A travers les développements qu’elle consacre aux difficultés inhérentes à la gestion politique de la formation et aux résistances rencontrées par toute volonté de changement, la magistrate a bien, comme le note le quotidien, «tenté de relativiser sa défaite personnelle» aux élections cantonales.
3. On pourrait se demander si le traitement réservé par «24 Heures» au discours de Mme Jeanprêtre respecte le principe général d’équité envers les sources et les personnes concernées par un article mentionné en ouverture de la «Déclaration des devoirs». Un tel examen amènerait sans doute à jeter un regard plus critique sur le travail du quotidien: le ton employé pour traiter des adieux de Francine Jeanprêtre tranche sur celui, nettement plus amène, réservé à Charles Favre et Claude Ruey. Le compte-rendu litigieux, toutefois, reste dans les limites de ce qui doit être toléré par une personne qui assume des responsabilités politiques.
III. Conclusion
La plainte est rejetée.