I. En fait
A. Le 9 mai 2014, «Le Matin» publie, sous la plume de Valérie Duby, un article intitulé «Maintenant, les Roumains draguent les seniors!». Témoignages à l’appui, la journaliste explique que «la mendicité à grand papa, c’est fini», et que la criminalité venue de Roumanie s’est diversifiée, notamment au détriment des personnes âgées. Sont cités vols, cambriolages, recyclage de métaux précieux dérobés, prostitution illégale. Dans un encadré accompagnant l’article, le journal cite le conseiller d’Etat en charge de la police («Les Roumains sont en train de supplanter les Maghrébins») et son porte-parole, ainsi que des chiffres montrant que «les infractions pour cette catégorie de délinquants sont passées de 3,5 % en 2007 à 17,3 % en 2013».
B. Le 4 novembre 2014, X. saisit le Conseil suisse de la presse. La plaignante estime que «les propos manquent souvent de contextualisation» et qu’«on associe nationalité et type de délinquance (…) tout en jetant l’opprobre à l’ensemble des citoyens d’un pays». De l’avis de la plaignante, «Le Matin» a contrevenu aux chiffres 2 (distinction entre l’information et les appréciations), 3 (mention des sources) et 8 (interdiction des discriminations) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration»).
C. Selon l’art. 13, alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.
D. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 13 avril 2015 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Selon l’article 11, alinéa 1 de son règlement, Le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière si une plainte est manifestement infondée.
2. Le reproche qui revient le plus souvent sous la plume de la plaignante concerne l’interdiction des discriminations. Certes, constate le Conseil de la presse, l’article et la titraille semblent généraliser en parlant «des Roumains». Toutefois, dans le contexte de l’article, il est évident pour le lecteur que quand «Le Matin» parle «des Roumains», c’est en tant qu’origine d’un groupe de délinquants, s’opposant par exemple aux «Maghrébins». Le quotidien ne prétend aucunement que tous les Roumains se livreraient à la prostitution illégale ou commettraient d’autres délits. En l’occurrence, la valeur informative supplante nettement le danger d’une discrimination, et le chiffre 8 de la «Déclaration» n’est pas violé.
3. En ce qui concerne le non respect allégué de l’obligation de séparer l’information du commentaire, la plainte ne présente aucun argument précis et convaincant. A ce propos, le Conseil de la presse rappelle que le chiffre 2 de la «Déclaration» n’interdit pas les clauses de styles, ni les appréciations de la part du journaliste, pour autant qu’elles soient clairement perceptibles comme telles.
4. Pour ce qui est enfin de la nécessaire mention des sources, la plaignante a formellement raison. «Le Matin» aurait dû préciser d’où provenaient les chiffres relatifs à la catégorie de délinquants selon l’origine. Toutefois, dans le contexte de l’encadré où ils sont mentionnés, ces chiffres apparaissent clairement comme émanant de la police ou de la justice, donc de source officielle. En conséquence, la négligence du «Matin» n’a pas le poids d’une violation de la «Déclaration» en l’occurrence.
III. Conclusion
L’entrée en matière est refusée.