Nr. 34/2001
Ethique de l’Editeur

(X. c. Edipresse / Bouchat) Prise de position du 24 août 200

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I. En fait

Par lettre du 3 mai 2001, X. a déposé une plainte contre Edipresse Suisse SA et Théo Bouchat, directeur des publications du groupe. Le plaignant fait valoir que Théo Bouchat a transmis, la veille de la publication de la prise de position 8/2001 du Conseil de la presse dans la cause FSJ/SLJ c. Jeannet du 2 février 2001, un communiqué sous embargo destiné aux médias, à toutes les rédactrices et tous les rédacteurs de «Bilan» ainsi qu’aux rédacteurs en chef d’Edipresse Suisse. Selon l’auteur de la plainte, ce communiqué était très partial et contenait des contrevérités. De l’avis du plaignant, le but était évident : amener les publications d’Edipresse à faire paraître des articles favorables au rédacteur en chef de «Bilan». Du point de vue de l’éthique professionnelle et en application du principe d’analogie, cette façon de faire violerait les chiffres 10 (s’interdire de confondre le métier de journaliste avec celui de publicitaire) et 2 de la «Déclaration» (liberté de commenter).

Le plaignant reproche également à Théo Bouchat de n’avoir pas rendu publique une décision de boycott de la compagnie « Rentenanstalt ». Dans sa prise de position 8/2001, le Conseil de la presse avait rappelé l’obligation faite aux journalistes de dénoncer publiquement tout boycott d’une publication par un annonceur. Or Théo Bouchat était informé de ce boycott.

Enfin, le plaignant fait référence à un article signé d’Helen Brügger dans le «Courrier» du 18 août 2000. Se référant à Hubert Mooser (l’auteur d’un premier article publié le 17 août 2000 par la «SonntagsZeitung» sous le titre «Un rédacteur en chef sous un jour suspect»), le « Courrier » relève que Théo Bouchat serait intervenu par écrit pour faire pression auprès de l’éditeur de la «SonntagsZeitung». Hubert Mooser aurait eu à se justifier à ce sujet auprès de la rédaction en chef de la «SonntagsZeitung» et aurait été avisé de ne plus s’occuper de ce thème pour l’instant.

B. Conformément à l’art. 9 al. 3 du règlement du Conseil suisse de la presse, les plaintes manifestement infondées doivent être refusées par la présidence du Conseil. Sont également considérées comme manifestement infondées les plaintes dont l’objet se situe clairement en dehors de la compétence du Conseil de la presse (art. 15, al. 1 du règlement).

C. La présidence du Conseil de la presse a traité la présente prise de position par voie de correspondance. Vice-président du Conseil de la presse, Daniel Cornu s’est récusé. Il est en effet directeur du Centre romand de formation des journalistes dont le Conseil de fondation est présidé par Théo Bouchat, mis en cause par le plaignant.

II. Considérants

1. En vertu de l’art. 1 al. 2. du règlement du Conseil suisse de la presse, celui-ci se prononce sur les questions d’éthique professionnelle relatives à la profession de journaliste. Selon l’al. 4 du même article, la compétence du Conseil de la presse s’étend à la partie rédactionnelle et aux questions d’éthique qui s’y rapportent. La «Déclaration» fait uniquement mention des journalistes. Il n’est pas question des éditeurs, de leurs collaboratrices et de leurs collaborateurs. Dans sa prise de position du 21 décembre 1993 relative à l’affaire «Bonus»/ «Tages-Anzeiger» (refus de diffuser un supplément, recueil 1993, p. 89ss.) le Conseil de la presse s’est déclaré incompétent. Le litige portait sur le refus de diffuser un encart qui se fondait sur un article contesté. Faisant valoir que la liberté d’expression et de commentaire n’était pas principalement en cause, le Conseil de la presse avait estimé qu’il s’agissait pour l’essentiel d’une problématique de l’éditeur. De même, le Conseil de la presse, dans sa prise de position du 19 juin 1998 (coresponsabilité rédactionnelle concernant les annonces politiques, recueil 1998, p. 94ss.), a réaffirmé la limitation de sa sphère d’intervention au comportement des journalistes et des rédactions. Enfin, le Conseil de la presse, dans la prise de position précitée (8/2001), a souligné que sa sphère de compétence se fonde sur le droit du public à une information complète et que, de ce fait, elle est centrée sur le comportement des journalistes en rapport avec leurs propres écrits. A titre exceptionnel, le Conseil de la presse pourrait prendre position sur des événements internes à une rédaction et sur des faits impliquant des tiers s’il s’avère qu’il existe un lien direct avec des contenus rédactionnels. Dans ces cas, toutefois, le Conseil de la presse s’imposerait une certaine réserve.

2. Se fondant sur la pratique décrite ci-dessus, il convient de constater qu’en ce qui concerne le communiqué en question, le plaignant ne conteste pas le comportement de journalistes, mais celui d’une maison d’édition et d’un cadre dirigeant de l’entreprise. C’est toutefois le droit légitime de tout acteur de la vie sociale, donc aussi d’un éditeur, de présenter de manière partiale ses points de vue et ses conceptions dans le cadre d’une activité médiatique. En revanche, il est du devoir de chacune et chacun des rédactrices et rédacteurs de se laisser guider, dans le choix des informations à publier, par les seuls critères journalistiques et non par les intérêts de sa maison d’édition. Exceptionnellement, le Conseil de la presse serait habilité à se prononcer si, dans le cas présent, existait la preuve ou un soupçon que les publications d’Edipresse auraient, suite à une «instruction» interne, donné le seul point de vue de l’éditeur au sujet de la prise de position 8/2001 du Conseil de la presse. Et cela sans mentionner qu’il s’agit d’une communication de l’éditeur. Or, le plaignant ne fait pas état d’un tel comportement .

3. De même, le Conseil de la presse ne peut entrer en matière sur le reproche fait à Théo Bouchat de n’avoir pas porté à la connaissance du public la mesure de boycott prise par la compagnie « Rentenanstalt » (chiffres 2 et 10 de la «Déclaration»). Du moment que les attributions du Conseil de la presse portent sur le respect des règles éthiques des seuls journalistes, il outrepasserait ses compétences si, s’attachant à un exemple aussi isolé, il étendait son champ d’activité à l’éthique des éditeurs en se prononçant sur l’attitude de l’un d’entre eux. Cela étant, le Conseil de la presse tient à relever qu’il est également dans l’intérêt des éditeurs de voir un boycott être porté à la connaissance du public sans délai et de manière circonstanciée.

4. S’agissant du dernier point de sa plainte, le plaignant se limite, pour l’essentiel, à reproduire un extrait d’un article du journal «Le Courrier». En l’occurrence, la plainte ne vise pas la bonne personne. D’un point de vue éthique, la question qui pourrait se poser est en effet de savoir si la rédaction de la « SonntagsZeitung » a reçu des instructions de la part de son éditeur quant à la façon de remplir ses obligations journalistiques, ce qui contreviendrait au chiffre 11 de la « Déclaration ». Quant au comportement de Tamedia et d’Edipresse, le Conseil de la presse modifierait sa pratique actuelle en étendant aux éditeurs son examen du respect des règles éthiques.

III. Conclusions

Le Conseil de la presse n’entre pas en matière, la plainte ne relevant pas de sa sphère de compétence.