Nr. 60/2011
Rectification

(X. c. «L’Hebdo») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 23 décembre 20

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I. En fait

A. En date du 26 mai 2011, «L’Hebdo» publie un dossier sur le Canton de Fribourg («100 Questions pour vous tester! Connaissez-vous vraiment Fribourg?»). La question 5 demande: «Quel Fribourgeois, né à Môtier, est le découvreur de ‹l’âge glaciaire›? A. Pierre Glasson. B. Louis Agassiz. C. Alain Mövenpick.» Réponse: «B. Géologue et naturaliste devenu glaciologue, Louis Agassiz (1807–1873) part aux Etats-Unis où il compte parmi les fondateurs de l’Académie des sciences. Il est aujourd’hui contesté pour ses théories raciales.»

B. Le 16 septembre 2011, X. se plaint de ce que «L’Hebdo» publie une erreur et refuse ensuite de publier une rectification (chiffre 5 de la «Déclaration des devoirs et de droits du/de la journaliste»). Selon le plaignant, la revue colporte une contre-vérité historique qui veut voir en Louis Agassiz «le découvreur de l’âge glaciaire». «C’est tout simplement faux. Aujourd’hui les historiens des sciences sont unanimes sur deux points.» D’une part, selon Jean-Paul Schaer (Agassiz et les glaciers. Sa conduite et ses mérites, dans: Eclogae Geologicae Helvetiae 93, 2000, p. 231ss.) on trouverait «peu de réelles découvertes» dans les travaux d’Agassiz consacrés au domaine glaciaire. D’autre part, «bien qu’Agassiz ne peut pas être considéré comme celui qui a découvert la théorie de l’ère glaciaire (…) il est devenu par la suite (…) le véritable ‹évangéliste de l’ère glaciaire›». Après avoir envoyé un courrier de lecteur à la rédaction le plaignant accepte que la rédaction ne le publie pas, mais il insiste qu’une rectification sera publié. Finalement, «l’Hebdo» fait valoir que le journaliste qui a écrit le dossier s’est fondé sur le Dictionnaire historique suisse en ligne, «une source digne de foi et qu’il a consulté deux historiens».

C. Selon l’art. 12 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.

D. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), d’Esther Diener-Morscher (vice-présidente) et d’Edy Salmina (vice-président), a traité la présente prise de position le 23 décembre 2011 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Selon l’article 10 alinéa 1 de son règlement le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière si une plainte est manifestement infondée.

2. Le chiffre 5 de la «Déclaration» oblige les journalistes à «rectifier toute information publiée qui se révèle matériellement inexacte». La directive 5.1 précise que «le devoir de rectification est mis en œuvre spontanément par le/la journaliste; il participe de la recherche de la vérité». En principe le devoir de rectification, «s’étend à tous les faits significatifs d’un article» (prises de position 6/1994, 28/2000). Mais dans plusieurs prises de position (10 et 26/2005, 5/2006, 66/2008, 9 et 40/2009), le Conseil de la presse relève qu’il serait disproportionné de taxer chaque imprécision d’ordre formelle ou matérielle de violation d’une norme déontologique. Selon le principe de la proportionnalité, une faute doit avoir une certaine importance pour faire objet d’une réprimande.

3. Sur la base des documents produits le Conseil ne peut trancher la question controversée – quel rôle Louis Agassiz a-t il-joué dans le développement et la propagation de la théorie de l’âge glaciaire? Mais même si on adopte le point de vue du plaignant, l’imprécision du raccourci journalistique («glaciologue et évangéliste de l’ère glaciaire» devenant «découvreur de l’âge glaciaire») n’est pas d’une telle importance pour la compréhension du lectorat, qu’on puisse en déduire une violation du chiffre 5 de la «Déclaration». Cela vaut surtout dans le contexte d’un questionnaire avec 100 questions et réponses «pour vous tester».

III. Conclusion

L’entrée en matière est refusée.