Nr. 69/2013
Compte rendu unilatéral / Suppression d’informations / Rectification / Présomption d’innocence

(X. c. "L'Express"/"L'Impartial"/Arcinfo.ch); Prise de position du Conseil suisse de la presse du 20 décembre 2013

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I. En fait

A. Le 20 août 2013, sous le titre «Un père privé de ses enfants», «L’Express». «L’Impartial» et Arcinfo.ch rendent compte d’une procédure pénale devant le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers. L’auteur de l’article, le journaliste Nicolas Heiniger, relève qu’il s’agit d’un litige impliquant un couple en divorce – séparé depuis novembre 2007. Le couple a deux enfants, un garçon et une fille, âgés aujourd’hui de 9 et 14 ans. Le mari accuse sa femme de diffamation, de violation du devoir d’assistance ou d’éducation, d’enlèvement de mineurs et d’insoumission à une décision d’autorité.

Selon le plaignant «ça fait deux ans que je ne vois plus mes enfants, contre toutes les décisions de justice». De 2007 à fin 2010 il dit avoir vu ses enfants régulièrement. Pourtant à la fin 2010, la femme aurait décide soudainement de ne plus remettre les enfants à son époux. Malgré plusieurs décisions de justice la femme refuse constamment de confier les enfants à son mari. Le Ministère public la condamne par ordonnance pénale. La femme «fait opposition, d’où son passage devant le Tribunal régional. Celui-ci vient de confirmer la décision du Ministère public en tous points.» Son avocate fera appel au Tribunal cantonal. «Malgré ce jugement et une autre décision du tribunal civil ordonnant une reprise de contact avec les enfants» le père n’a toujours pas revu ses enfants.

L’article indique, qu’en février 2011, lors d’une audition par le procureur, la femme laissait entendre son mari aurait abusé de ses enfants. «Une enquête de police judiciaire est menée qui blanchira» le mari «plusieurs mois plus tard».

B. Le 13 septembre 2013 X., représentée par une avocate, saisit le Conseil suisse de la presse. Selon la plaignante, «L’Express», «L’Impartial» et Arcinfo.ch en publiant l’article mentionné ci-dessus ont violé les chiffres 1 (rechercher la vérité), 3 (supprimer des informations essentielles; audition lors de reproches graves), 5 (devoir de rectification) et 7 (identification, présomption d’innocence) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste». Selon la plaignante l’article contesté est totalement partial et tronqué. Le rédacteur en chef de «L’Express» et de «L’Impartial» a refusé de publier une rectification, qui détaille les reproches de la plaignante contre son mari quant aux prétendus abus sexuels contre les enfants. Enfin, pour la plaignante, le sous-titre «Condamnée, elle fera appel», constitue une violation de la «présomption d’innocence». Et les enfants de la plaignante n’auraient pas manqué d’être interpellés par des tiers qui les ont identifiés suite à la lecture de l’article.

C. Selon l’article 12, alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.

D. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), traite la présente prise de position le 20 décembre 2013 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Selon l’article 10, alinéa 1 de son règlement le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière sur une plainte si celle-ci est manifestent infondée.

2. Il ne découle de la «Déclaration» aucune obligation de rendre compte de manière objective. Le Conseil a statué constamment que le libre choix des informations qui sont publiées constitue un partie essentielle du travail journalistique et de la liberté de l’information (prise de position 15/2011). L’article est certainement basé sur la version des faits du mari. Mais il fait aussi état du reproche principal de la plaignante (prétendus abus sexuels envers les enfants). Néanmoins le Conseil suisse de la presse constate que ce reproche apparemment ne s’est pas avéré lors de l’investigation policière.

3. Vu qu’il n’est pas démontré que «L’Express», «L’Impartial» et Arcinfo.ch ont publié des informations inexactes, le rédacteur en chef n’était pas tenu de publier une rectification.

4. De même, le sous-titre «Condamnée, elle fera appel» manifestement ne viole pas le chiffre 7 de la «Déclaration» (présomption d’innocence). Selon la jurisprudence du CSP les journalistes doivent indiquer si une procédure est encore pendante ou achevée et si une éventuelle condamnation est exécutoire. En l’occurence il ressort clairement que la procédure est encore en cours, sinon la plaignante ne pourrait plus faire appel.

5.
Finalement, étant donné que l’article l’utilise des prénoms fictifs et qu’il ne contient que très peu d’indications sur les personnes impliquées une identification par des personnes hors de l’entourage familial, social ou professionnel semble peu probable.

III. Conclusion

L’entrée en matière est refusée.