I. En fait
A. Le 24 mars 2014, «Le Matin» publie un commentaire ironique intitulé «Je ne paie rien, mais je suis serviable moi». Se référant à un article de la «Schweiz am Sonntag», Fred Valet épingle Manfred Bühler, candidat aux élections à l’Exécutif cantonal bernois. Ce dernier «a déclaré 200 francs de revenus en 2013 sur sa feuille d’impôts», une affaire «qui fait scandale et hurler ses adversaires». Le journaliste précise: «Attention, le type a de bonnes excuses: il travaille de moins en moins au barreau et s’est tué à la tâche pour rendre ses propriétés exemplaires en termes d’impact énergétique.» Il cite en outre la défense du politicien dans le journal alémanique: «Chaque propriétaire est libre de faire ses déductions. Je pense avoir déjà apporté une contribution non négligeable à la communauté.»
B. Le 28 mars 2014, «Le Matin» publie un «courrier des lecteurs» de Manfred Bühler. Sous le titre «J’ai été taxé comme tous les autres contribuables», ce dernier soutient que les affirmations du journal sont incorrectes. Il précise qu’il a déclaré un revenu d’environ 70’000 francs et que compte tenu des frais gros d’entretien et d’assainissement d’un immeuble dont il a hérité, «le revenu imposable a été taxé à 200 francs». Il reproche enfin au journaliste de ne pas avoir précisé qu’il avait payé plus de 100’000 francs d’impôts depuis 2008, rendant sa déclaration «Je pense avoir déjà apporté une contribution non négligeable à la communauté» incongrue.
C. Ce même 28 mars, le politicien bernois saisit le Conseil de la presse. Il estime que «Le Matin» a violé les chiffres suivants de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste»: chiffre 1 (rechercher la vérité), chiffre 3 (ne pas supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels), chiffre 7 (s’interdire les accusations gratuites).
D. Selon l’art. 12, alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.
E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 13 janvier 2015 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Selon l’article 10, alinéa 1 de son règlement, le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière si une plainte est manifestement infondée.
2. En ce qui concerne le chiffre 1 (vérité), le commentaire publié par «Le Matin» ne pêche que par une imprécision de pure forme, quand il écrit que Bühler «a déclaré 200 francs de revenus en 2013». Tout lecteur contribuable comprend parfaitement que le politicien a déclaré un revenu, mais simultanément de grosses déductions consécutives à des investissements d’économies d’énergie, ce qui fait qu’il a finalement été taxé sur 200 francs. Le chiffre 1 n’a donc pas été violé.
3. Pour ce qui est du chiffre 3, le journal ne laisse aucunement entendre que M. Bühler n’aurait pas payé sa part d’impôts au cours des années précédentes. La somme de l’impôt payé depuis 2008 n’était donc aucunement nécessaire à la bonne compréhension de l’affaire. Aucun élément d’information essentiel n’a été tu par le journal.
4. Concernant enfin les «accusations gratuites», le Conseil de la presse ne voit pas en quoi elles pourraient consister. Certes, «Le Matin» adopte un ton ironique dans son commentaire. Mais le journal ne fait là qu’exercer sa liberté de commenter, et un homme politique candidat à une élection importante doit s’attendre à être exposé à de telles critiques.
III. Conclusion
L’entrée en matière est refusée.