I. En fait
A. Le 9 juin 2017, Mme X. envoie une lettre de lecteur à «La Liberté» concernant un projet immobilier contesté de la Caisse de pension de la Ville de Fribourg. Le même jour elle adresse une lettre identique – mais en allemand – aux «Freiburger Nachrichten».
B. Le 13 juin 2017, la lettre est publiée par les «Freiburger Nachrichten». Le même jour, Sébastien Julan, responsable de la page «Forum», informe par téléphone Mme X. que sa lettre ne serait pas publiée dans «La Liberté».
C. Le 28 juin, Mme X. saisit le Conseil suisse de la presse. Elle estime qu’en refusant de publier sa lettre, «La Liberté» a violé sa liberté d’expression. Dans sa plainte, elle revient sur l’échange téléphonique avec le journal. Selon elle, son interlocuteur lui aurait fait valoir que «vous ne pouvez pas dire ce que vous dites». Par ailleurs, l’autre raison avancée aurait été qu’assez de lettres étaient déjà parues «et que nous n’allons plus publier de lettres de lecteurs sur ce sujet». Or de nouvelles missives ont été publiées les 20 et 23 juin 2017. Lors d’un nouvel échange ce 23 juin, le journaliste de «La Liberté» se serait contenté de faire valoir qu’il avait été assez clair lors du premier échange et que la lettre de la plaignante ne serait pas publiée.
D. Le 4 septembre 2017, sous la plume du rédacteur en chef, Serge Gumy, «La Liberté» prend position. Il fait remarquer à titre liminaire que le journal accorde beaucoup d’importance et de place au courrier des lecteurs. Mais que concernant le projet immobilier en question, cinq lettres d’opposants avaient été publiées avant celle de la plaignante, «avec des arguments répétitifs», et que le journal avait décidé «de mettre un terme à cette séquence (…) dans une période d’intense activité épistolaire sur d’autres sujets d’actualité». Quant à l’échange téléphonique du 13 juin 2017 avec la plaignante, «La Liberté» précise qu’il lui avait été «expliqué que l’affirmation principale de son texte était problématique quant aux faits». Il ne s’agirait en effet nullement d’une opération de sauvetage de la Caisse de pension, comme l’affirmait la plaignante dans son texte. Cette dernière ayant «alors voulu s’assurer que plus aucune lettre sur ce sujet ne serait publiée» il lui aurait été répondu qu’en cas de nouvel élément, d’autres lettres pourraient être publiées à l’avenir.
E. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.
F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 24 août 2018 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Dans sa pratique constante, le Conseil suisse de la presse admet que les rédactions sont libres de publier ou non une lettre de lecteur. Cependant, lorsqu’un média se trouve dans une position de quasi monopole, il devrait se montrer particulièrement généreux dans le traitement de réactions et de lettres émanant de ses lecteurs, de sorte que la participation au débat public soit ouverte à tous (cf. prise de position 16/2001). On peut affirmer que «La Liberté» se trouve dans une telle position de quasi monopole. Mais on ne peut en l’occurrence pas lui reprocher de ne pas avoir donné la parole aux opposants du projet immobilier de la Caisse de pension de la Ville de Fribourg. Le journal n’a donc d’évidence pas violé le chiffre 5 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».
2. Le fait que l’échange téléphonique entre la plaignante et la rédaction ne soit pas interprété de la même manière par les deux parties ne change rien à l’affaire. Même si le journal s’était engagé à ne plus publier de courrier sur le sujet – ce que le rédacteur en chef conteste formellement – un tel engagement hypothétique n’aurait pas été de nature à restreindre la liberté de la rédaction de publier de nouvelles prises de position contenant des éléments nouveaux.
III. Conclusions
1. La plainte est rejetée.
2. En refusant de publier une sixième lettre d’opposants à un projet immobilier, «La Liberté» n’a pas violé le chiffre 5 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».