Nr. 7/2009
Procédure judiciaire parallèle / Non entrée en matière

(Attias/Sarkozy c. «20 Minutes») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 6 février 2009

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I. En fait

A. Le quotidien gratuit «20 Minutes» a publié, en date du 14 janvier 2008, un article signé de Shahïn Ammane intitulé «Le fils de Sarko fait ses classes à Florimont». Selon le journal «après toutes les spéculations, l’info est confirmée: Louis Sarkozy est élève de l’institut de Florimont». Dans son dernier paragraphe, l’article relate: «Cette subite et inattendue réapparition de l’ex-première dame de France dans le paysage de la ville du bout du lac cache peut-être une autre raison. Richard Attias, publicitaire et ancien (ou toujours actuel?) amant de Cécilia Sarkozy y vit. Et la société de l’homme des affaires est également basée à Genève. Les rumeurs sur leur relation ne sont ainsi pas près d’être étouffées.»

B. Le 16 janvier 2008, Richard Attias dépose une plainte contre «20 Minutes» auprès du Conseil suisse de la presse, par l’intermédiaire d’un avocat. Le plaignant estime qu’en publiant une rumeur sans aucun fondement, l’article transgresse les chiffres 1 (rechercher la vérité) et 3 (ne publier que des informations dont l’origine est connue) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après: «Déclaration»). Richard Attias reproche aussi à «20 Minutes» que la publication de son nom et la mention d’éléments relevant de sa vie intime pour des faits remontant à 2005 violent le chiffre 7 de la «Déclaration» (respect de la vie privée des personnes).

C. Le 4 février 2008, «20 Minutes» représenté par son directeur, Joseph Crisci, et par son rédacteur en chef, Philippe Favre, prend position sur la plainte de Richard Attias. Pour le quotidien, il n’y a pas eu violation des chiffres 1, 3 et 7 de la «Déclaration». «20 Minutes» argue que «la liaison de M. Attias avec Mme Sarkozy en 2005 a fait l’objet d’articles dans plusieurs titres francophones, dont ‹Paris Match›. (…) Une liaison actuelle entre Mme Ciganer-Albéniz (ex Sarkozy) et M. Attias est formulée dans nos colonnes sous forme d’interrogation et libellée entre parenthèses. Elle est présentée comme une hypothèse et non comme une affirmation. Or l’hypothèse d’une liaison ainsi que la rumeur qui s’ensuit est également de notoriété publique, suite aux articles du ‹Matin› du 4 décembre 2007 et du ‹Parisien›, qui a annoncé dans son édition du 10 janvier 2008 un mariage imminent entre M. Attias et Mme Ciganer-Albéniz. Ces éléments, qui ont été entre-temps repris dans de nombreuses publications francophones et sur Internet, ont été diffusés à large échelle. Ils s’inscrivent dans le dossier de la saga des affaires de cœur du Président Sarkozy.»

D. Par courrier du 25 février 2008, «20 Minutes» a informé le Conseil suisse de la presse que Richard Attias a adressé une demande au Tribunal d’arrondissement de Lausanne concernant une «atteinte à sa personnalité» commise par la publication de l’article du 14 janvier 2008. Le journal demande au Conseil d’appliquer l’article 15 alinéa 3 de son règlement (procédures parallèles) et de ne pas entrer en matière sur la plainte du 16 janvier 2008.

E. Le 11 mars 2008 Richard Attias s’est opposé à cette demande. Selon lui les deux procédures ne concernent pas les mêmes éléments.

F. Selon l’art. 12 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.

G. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg, président, d’Esther Diener-Morscher (vice-présidente) et d’Edy Salmina (vice-président), a traité la présente prise de position le 13 février 2009 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Selon l’ancien Art. 15 alinéa 3 de son règlement, le Conseil suisse de la presse peut entrer en matière sur une plainte même si une procédure judiciaire a été entamée en rapport avec l’objet de cette plainte. Toutefois, il peut également renoncer à entrer en matière, notamment lorsqu’un danger manifeste existe que la procédure juridique en cours soit influencée, que ce danger prédomine sur l’intérêt du plaignant à voir sa plainte traitée et qu’aucune question fondamentale d’éthique professionnelle ne se pose en relation avec cette plainte. Cette disposition a été remplacée par le nouvel art. 10 alinéa 2 du règlement (entré en vigueur le 1er juillet 2008). La nouvelle disposition statue, que le Conseil suisse de la presse peut entrer en matière sur des plaintes indépendamment du fait qu’une procédure du droit audiovisuel ou une procédure judiciaire ait été engagée en rapport avec l’objet de la plainte ou qu’une telle procédure soit envisagée par le plaignant/la plaignante, si des questions déontologiques fondamentales sont soulevées. Ce nouvel article du règlement, entrée en vigueur postérieurement au dépôt de la plainte, ne change rien sur le fond, quant à l’appréciation de celle-ci.

2. Le Conseil suisse de la presse estime que la plainte soulève des questions de fond qui en principe mériteraient d’être traitées, nonobstant la procédure parallèle. Néanmoins, dans sa prise de position 9/2008, le Conseil s’est déjà prononcé sur les deux questions principales soulevées par la plainte de Richard Attias à l’encontre de «20 Minutes»: d’une part la question de la publication de rumeurs concernant des personnalités, d’autre part, le respect de la vie privée du plaignant. Pour cette raison, le Conseil suisse de presse nie un intérêt prédominant du plaignant, à recevoir une prise de position en dépit de la procédure judiciaire parallèle.

III. Conclusion

Le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière.