Stellungnahme
Zuständigkeit des Presserates/Freiheit des Kommentars 1. Der Presserat kann sich ungeachtet eines laufenden Gerichtsverfahrens zu berufsethischen Fragen äussern. Er kann sich insbesondere auch dann äussern, wenn der Beschwerdeführer auf die Einleitung eines Gerichtsverfahrens verzichtet hat. 2. Dem Kommentar ist ein grosser Freiraum bezüglich Tonalität und Meinungsäusserungsfreiheit offenzulassen. Die Aussage, wonach die wiederholte Ergreifung von Beschwerden missbräuchlich sei, überschreitet diese Grenze nicht. Nach Auffassung des Presserats liegt zudem der in diesem Zusammenhang verwendete Begriff „Querulant” innerhalb des Zulässigen. Prise de position Compétences du Conseil de la presse / Libertés du commentaire 1. Le Conseil de la presse peut, sauf en cas de procédure judiciaire en cours, s’exprimer sur des questions d’éthique professionnelle. Tout particulièrement, lorsque le plaignant a renoncé à ouvrir action devant les tribunaux. 2. Il y a lieu de laisser une grande latitude en matière de commentaire, qu’il s’agisse du ton de ces derniers ou de la liberté d’expression. Le fait d’affirmer que le dépôt répété de plaintes constitue un abus ne dépasse pas les limites admises. De l’avis du Conseil de la presse, l’utilisation du mot „quérulant”, dans ce contexte, est licite. Presa di posizione Competenza del Consiglio della stampa / Libertà di commento 1. Il Consiglio della Stampa é libero di pronunciarsi su questioni di etica professionale senza tener conto di una procedura giudiziaria in corso. In particolare, può esprimersi anche se il denunciante ha rinunciato a un’azione giudiziaria. 2. Il commento gode per definizione di grande latitudine di tono o di opinione. Definire abuso il ricorso frequente alla denuncia non oltrepassa i limiti del lecito. Secondo il Consiglio della Stampa, il termine di „querulant” usato nel preciso contesto è ammissibile. |
I. En Fait
A. Le 5 juillet 1991, Sch. a déposé plainte auprès du Conseil contre M. Gil Baillod, rédacteur en chef de l’Impartial à la Chaux-de-Fonds. Il lui reproche d’avoir publié, dans l’édition du 17 mai 1991, un „commentaire diffamatoire” à son sujet. Ce commentaire accompagne le compte-rendu d’une audience du Tribunal fédéral, dans lequel est rapporté la décision de la deuxième Cour civile donnant partiellement raison à Sch. dans le conflit qui l’oppose à la société C. SA. Le bâtiment C. est utilisé à des fins industrielles et jouxte la propriété où le plaignant a son domicile. Sch. n’invoque pas de griefs à l’égard du compte-rendu, signé (ats Imp). Il ressort clairement de la présentation, que l’article de Gil Baillod est un commentaire: surtitre „Parti pris”, encadré caractères italiques.
B. Dans sa plainte, Sch. retrace partiellement l’historique des démêlés qui l’opposent depuis plusieurs années à C., dont B. est l’un des propriétaires. Il y souligne que MM. B. et Baillod „possèdent par moitié 90 % du capital de l’Impartial, quotidien le plus lu à la Chaux-de-Fonds.” Le plaignant accuse M. Baillod de „chercher depuis des années à monter ses lecteurs” contre lui, en pratiquant „une désinformation constante” et en s’attaquant à sa personne „en termes inadmissibles” tels que „quérulant”, „égoïste”, „ennemi de l’emploi”. En entretenant dans la population un climat hostile à son égard, Gil Baillod inciterait à la violence contre la personne et les biens du plaignant.
C. Le 24 juillet, Michel Perrin, vice-président du Conseil de la presse, a désigné une délégation chargée d’examiner la plainte. Elle se compose de MM. François Gross, Rudolf Zbinden et de lui-même. Dûment informées, les parties n’ont récusé aucune de ces personnes.
D. Invité à se déterminer, Gil Baillod a fait remarquer que l’article incriminé était bien un commentaire. Il souligne que M. Sch. n’en est pas à sa première action contre l’Impartial. Il serait au contraire „coutumier du fait” depuis une dizaine d’années. Il revendique en particulier „à tout propos” un droit de réponse chaque fois que le journal évoque l’affaire qui l’oppose, depuis 1971, à la commune de la Chaux-de-Fonds. Selon lui, le dossier transmis au Conseil par Sch. „dépasse largement l’objet de sa plainte”, à savoir le commentaire du 17 mai 1991. Gil Baillod souligne par ailleurs que Sch. n’est pas nommé dans son „Parti pris”. La diffamation, poursuit-il, tombe sous le coup de l’article 173 CPS. Or Sch. n’a pas porté plainte pénale „sachant une telle plainte irrecevable”. Il suggère que le Conseil, par conséquent, ne la reçoive pas non plus. Gil Baillod conclut en affirmant que „la quérulence du plaignant est un fait unanimement reconnu”, dans la définition qu’en donne selon lui Larousse: „réaction revendicatrice de sujets ayant la conviction d’être lésés”.
E. Dans un entretien téléphonique avec le vice-président, Sch. a confirmé ses griefs (violations des articles 1, 2, 3 et 7 de la déclaration des devoirs et des droits des journalistes). Pour lui, notamment, le terme du „quérulant” a une signification d’ordre psychiatrique et serait pratiquement synonyme de „fou”. Il remarque au passage que le „quérulent” a „obtenu gain de cause au Tribunal fédéral”. Les nuisances de l’usine Cristallor ont selon lui des effets désastreux sur l’habitabilité de sa propriété. Il se plaint, par ailleurs, de ne pouvoir louer les autres appartements en raison de la campagne menée contre lui par Gil Baillod. Le fait qu’il ne soit pas nommément cité dans l’article n’a pas d’importance, car tout le monde sait, à la Chaux-de-Fonds, qu’il s’agit de lui.
F. Pour la bonne compréhension de l’affaire, la délégation a inclu dans son dossier l’arrêt du Tribunal fédéral du 16 mai 1991 dans la cause Sch. contre P. SA et C. SA. Elle fera sien, dans la mesure où cela s’avère utile en l’espèce, l’état de fait retenu par la cour.
G. Dans sa séance du 24 février 1992, le Conseil a approuvé les conclusions de la délégation présentées par Michel Perrin.
II. Considérants
1. Pour le Conseil se pose d’abord la question de l’entrée en matière. Selon son ancien règlement, le Conseil s’abstenait de traiter des cas qui relèvent des tribunaux. Il pouvait cependant faire connaître son opinion après un jugement s’il estimait que des questions d’éthique professionnelle étaient en jeu. Son nouveau règlement lui permet de traiter une affaire faisant parallèlement l’objet d’une procédure judiciaire, tout en incitant en pareil cas à la réserve. Cette ouverture a été délibérément voulue par le Conseil, soucieux de pouvoir se saisir de questions d’éthique indépendamment de la voie judiciaire.
2. En l’espèce, la plainte de Sch. n’a pas directement trait aux actions judiciaires qu’il a ouvertes contre C. SA, même si la controverse entre lui et Gil Baillod s’inscrit sur cette toile de fond. En outre, si le Conseil peut se saisir d’une affaire qui fait parallèlement l’objet d’une action judiciaire, il n’y a aucune objection formelle à ce qu’il entre en matière en l’absence d’un telle action, bien au contraire. Ces voies ne sont pas liées l’une à l’autre ni ne s’excluent réciproquement. La remarque de Gil Baillod sur ce point n’est pas pertinente. Le Conseil entre donc en matière.
3. Le dossier transmis au Conseil par Sch. dépasse effectivement l’objet même de sa plainte. Le Conseil s’en tiendra donc essentiellement à l’examen de l’article incriminé. Il n’a pas à porter de jugement sur les multiples événements journalistico-judiciaires qui ont émaillé les années précédentes. Tout au plus note-t-il, pour la bonne compréhension du contexte, que le différend entre Sch. et la ville de
la Chaux-de-Fonds ainsi que les sociétés qui ont successivement occupé le bâtiment aujourd’hui utilisé par C. SA remonte à 1972.
4. L’arrêt du Tribunal fédéral du 17 mai 1991 n’a pas mis un point final à ce différend puisque la cause a été renvoyée aux autorités judiciaires neuchâteloises pour nouveau jugement. Le Tribunal fédéral ne fait pas droit à la principale revendication de Sch., à savoir l’interdiction de toute production industrielle dans le bâtiment C. et son transfert en une autre zone. La société incriminée devra, en revanche, respecter les normes d’émissions (bruit, fumées, etc.) compatibles avec une servitude de 1904 reconnue valable (interdiction d’établir aucune exploitation incommodante, „plus spécialement aucun débit de boissons alcooliques, aucune écurie, sinon de luxe et pour un, deux ou trois chevaux”). Ces normes, au demeurant, doivent encore être précisées par l’autorité compétente neuchâteloise.
5. L’article qui est l’objet de la plainte stricto sensu est clairement indiqué comme étant un commentaire. La présentation satisfait ainsi à la règle qui veut que l’on sépare les faits du commentaire. Un commentaire suppose une large liberté de ton et les opinions qui y sont exprimées reflètent forcément la subjectivité de celui qui s’exprime. Il est au demeurant loisible de critiquer une décision de justice. L’opinion selon laquelle celle qui est ici en cause peut entraîner le transfert, voire l’abandon, dommageable pour l’emploi, d’une activité industrielle n’est pas a priori insoutenable. Il n’appartient cependant pas au Conseil de se prononcer sur le fond, pas plus qu’il ne portera de jugement sur l’utilisation faite par le plaignant de toutes les ressources de la procédure judiciaire. Une telle utilisation n’a rien en soi d’illégitime. Mais, l’opinion selon laquelle la multiplication des recours est abusive n’outrepasse pas, elle, les limites de la liberté d’expression.
6. Sch. met en exergue les liens financiers qui unissent B., co-propriétaire de Cristallor, à l’Impartial et son rédacteur en chef. Ces liens peuvent effectivement créer une apparence de partialité. Ils devraient inciter les seconds à une certaine réserve lorsque les intérêts du premier sont en jeu. Cela étant, le Conseil constate que les controverses entre MM. Sch. et Baillod ne datent pas de la prise de participation de M. B. au capital de l’Impartial (1987 et 1989). Cette dernière n’a pas modifié notablement l’attitude des uns et des autres dans cette affaire. On ne saurait prétendre que l’indépendance d’esprit de Gil Baillod en ait été altérée.
7. Restent les critiques contre la personne du plaignant. Curieusement, plusieurs dictionnaires de la langue française, dont le Robert, ignorent le substantif de „quérulant”. On y trouve en revanche +quérulence”, notion utilisée en psychiatrie. Les recherches faites par le Conseil dans ce domaine démontrent que le terme est probablement plus commun en langue allemande. Ainsi le „Langenscheidt Handwörterbuch” donne-t-il la définition suivante: „celui, celle, qui fait toujours des réclamations; éternel mécontent”. Dans le „Sachs-Villatte”, est un quérulent „celui qui réclame, fait toujours des réclamations, se plaint à propos de bagatelles; éternel mécontent”. Tel est bien, en substance, les sens qu’entend donner Gil Baillod à ce terme, qui est aussi celui que lui attribue le plus souvent le langage courant de Suisse romande. Le terme, certes dépréciatif, n’est pas synonyme de fou. Le Conseil laisse éventuellement à la justice le soin de déterminer si „quérulant” est attentatoire à l’honneur ou non. Il lui apparaît, pour ce qui le concerne, que le mot est à tout le moins utilisable dans un commentaire dûment signalé comm tel. En laissant à l’auteur la responsabilité de son propos,le Conseil arrive à une conclusion semblable en ce qui concerne l’expression „personne égoïstement soucieuse de sa quiétude”.
8. Le Conseil tient à rappeler enfin qu’en veillant au respect des règles déontologiques, il est aussi le garant de la liberté d’expression. Or celle-ci s’accommode mal de restrictions arbitraires de vocabulaire.
III. Conclusions
La plainte de Sch. est recevable. Seul l’article incriminé est l’objet de la décision du Conseil, à l’exclusion de tout jugement de valeur sur les actions judiciaires menées par le plaignant et leur précédent reflet dans l’Impartial. Dans son commentaire du 17 mai 1991, dûment signalé comme tel, M. Gil Baillod a certes utilisé un ton un peu polémique. Il n’a cependant pas violé la Déclaration des devoirs et des droits du journaliste.