Zusammenfassung
Carunfall Siders: Unerlaubte Opferbilder
Angehörige müssen Publikation zustimmen
Dürfen Medien bei aufsehenerregenden Unglücksfällen, Katastrophen und Verbrechen ausnahmsweise Opferbilder veröffentlichen, damit die Öffentlichkeit am Leid der Hinterbliebenen Anteil nehmen kann? Für den Presserat ist dies nur zulässig, wenn die Hinterbliebenen der Publikation ausdrücklich zustimmen. Dies gilt auch dann, wenn Bilder von Todesopfern bei Gedenkanlässen allgemein zugänglich sind. Nur wenn die Angehörigen explizit einwilligen, dürfen Journalisten in ihren Berichten Opfer bildlich herausheben.
Im März 2012 starben bei einem Carunfall im Wallis 28 belgische Staatsangehörige, vor allem Kinder. Medien in Belgien und anderen europäischen Ländern – in der Schweiz namentlich «Blick», «Schweizer Illustrierte» und «L’illustré» – brachten Fotos von Unfallopfern. Dies stiess sowohl in Belgien als auch in der Schweiz auf Kritik und veranlasste den Schweizer Presserat, den Fall von sich aus aufzugreifen.
Der Presserat attestiert den drei Redaktionen, die Opfer nicht in sensationeller Weise darzustellen. In Bezug auf die Privatsphäre hält das Selbstkontrollorgan der Medienbranche hingegen fest, dass Journalisten Fotos verstorbener Opfer eines Unfalls nur dann zeigen dürfen, sofern die Angehörigen die Bilder explizit zur Veröffentlichung freigeben. Dies gilt auch, wenn Bilder von Todesopfern in einer Gedenkkapelle und bei öffentlichen Trauerfeiern zugänglich sind. Ebenso wenig dürfen Medien Bilder aus dem allgemein zugänglichen Blog eines Skilagers voraussetzungslos weiterverbreiten.
Résumé
Accident de car à Sierre: photos non autorisées de victimes
La publication requiert l’approbation des proches
Les médias peuvent-ils, lors d’accidents spectaculaires, de catastrophes ou de crimes, publier exceptionnellement des photos de victimes afin que le public puisse prendre part au deuil des survivants? Pour le Conseil de la presse, cela n’est admissible qu’avec l’autorisation expresse des proches. Il en va de même s’agissant d’images de défunts exposées en public lors de cérémonies funéraires, les journalistes ne peuvent mettre les victimes en évidence par l’image qu’avec l’accord explicite des proches.
En mars 2012, 28 personnes de nationalité belge (essentiellement des enfants) ont péri dans un accident d’autocar en Valais. Les médias, belges et européens – en Suisse, «Blick», «Schweizer Illustrierte» et «L’illustré» notamment – ont publié des photos de victimes de l’accident. Cela a suscité des protestations en Belgique aussi bien qu’en Suisse, et incité le Conseil suisse de la presse à se saisir du cas de sa propre initiative.
Le Conseil de la presse reconnaît que les trois rédactions n’ont pas consacré un traitement par trop sensationnel aux victimes. Eu égard à la sphère privée, l’organe d’autocontrôle de la presse relève par contre que les journalistes ne peuvent rendre publiques des photos de victimes décédées lors d’un accident sans l’approbation formelle des proches. Cela vaut également pour des images de victimes rendues publiques dans une chapelle ardente ou lors d’une cérémonie funéraire. De même, les médias ne sont pas autorisés à diffuser sans nouvelle autorisation des images reprises sur le blog d’un camp de ski.
Riassunto
Dopo il dramma di Sierre: le foto delle vittime non dovevano essere pubblicate
Occorreva il consenso dei parenti
Nel caso di infortuni, catastrofi o crimini di grande risonanza, possono i media eccezionalmente pubblicare la foto delle vittime, come segno di partecipazione al dolore delle famiglie colpite? Per il Consiglio della stampa, la pubblicazione è consentita solo con l’accordo esplicito dei congiunti. Ciò vale anche nel caso in cui le foto delle vittime siano state esposte al pubblico nel corso dei funerali o di cerimonie in memoria. Le immagini delle vittime destinate a pubblicazione devono essere autorizzate esplicitamente dai parenti.
Il Consiglio della stampa aveva deciso di propria iniziativa di occuparsi delle critiche sollevate dalla pubblicazione delle foto delle vittime del dramma di Sierre, in cui, nel marzo del 2012, morirono 28 cittadini belgi – in prevalenza bambini – su un torpedone che aveva urtato la parete di una galleria stradale. Le foto erano state pubblicate da vari giornali, sia in Belgio e in altri Paesi d’Europa sia in Svizzera (qui, in particolare, dal «Blick», dalla «Schweizer Illustrierte» e da «L’illustré»).
Il Consiglio della stampa apprezza che da parte delle tre redazioni non si sia fatto un uso sensazionalistico delle immagini. Il principio della tutela della sfera privata induce tuttavia l’organismo di autodisciplina a ribadire che le foto di vittime di incidenti possono essere pubblicate solo con il consenso dei parenti alla pubblicazione. Ciò vale anche se le foto delle vittime siano state esposte in un luogo della memoria o nel corso dei funerali. Ancora meno si giustifica la pubblicazione non autorizzata di foto scattate in un corso di sci e postate su un blog.
I. En fait
A. Le 13 mars 2012, vingt-huit personnes, en majorité des enfants, trouvent la mort dans un accident de car dans un tunnel de l’autoroute A9 près de Sierre. Les victimes, de nationalité belge, étaient sur le chemin du retour d’un camp de ski d’une semaine en Valais.
B. Le 16 mars 2012 «Blick» annonce à la «Une»: «Pour tous les enfants décédés lors du drame du car en Valais, ‹Blick› explique l’histoire d’Emma». La photo de la fillette est publiée en grand format. Les pages 2 à 4 relatent en détail l’accident par le texte et l’image. Une partie des photos montre Emma, son père ainsi que ses trois meilleures amies. D’autres images montrent des personnes en deuil, notamment les parents des victimes, dans la chapelle funéraire à Sion. Enfin, «Blick» publie onze autres photos d’enfants décédés et quatre d’accompagnants et du chauffeur du car.
C. Le même jour, la ministre flamande des médias, Ingrid Lieten, critique la publication, dans des médias belges et étrangers, de photos des victimes de l’accident de car en Valais. Elle argumente que la seule disponibilité sur le net de photos ne donne pas droit à leur diffusion plus large par les médias, surtout si l’autorisation de les publier fait défaut. En Suisse, le président du Conseil suisse de la presse, Dominique von Burg, critique «Blick» pour avoir publié les photos, arguant que la valeur informative de celles-ci n’était pas apparente et se demandant si les parents des enfants avaient donné leur consentement à la publication.
D. Le lendemain, «Blick» raconte en page 4 l’histoire d’«Andrea», qui a survécu à l’accident mais est gravement blessée. Andrea apparaît deux fois, seule et avec son grand père, qui en profite pour remercier les secouristes suisses. Une autre double page est à nouveau consacrée par «Blick» à des images d’enfants décédés.
E. Patrik Müller, rédacteur en chef de «Sonntag», critique dans son édition du 18 mars 2012 le reportage de «Blick» sur «Emma» («Les médias ont dépassé les limites»): «A-t-on demandé une autorisation aux parents de cette fillette? A-t-on songé à la douleur qu’infligent tous ces détails à des personnes qui ont subi elles aussi la perte d’un proche dans un accident?» I
l argue que, pour certains médias «le principe commercial l’emporte: le tirage et les clics d’abord, l’éthique et les réflexions pieuses étant de simples gêneurs. Où peut mener pour finir ce principe? Le scandale des écoutes [téléphoniques de personnalités par des journalistes] en Angleterre le prouve. Il aboutit (…) à la suppression du journal qui s’est le plus mal conduit (…) Lors de tragédies faut-il que seules comptent les affaires?».
F. Le 19 mars 2012, la «Schweizer Illustrierte» publie à la «Une» (sous le titre «Morts le 13 octobre 2012. La Suisse en deuil avec la Belgique») les portraits individuels (avec leur prénom) de 15 des enfants décédés, et rend compte sur 22 pages, par le texte et l’image, du «drame du car». La «Schweizer Illustrierte» montre non seulement une fillette pleurant son frère, ainsi qu’une photo de la classe victime de l’accident au camp de ski, mais encore des photos de la cérémonie funéraire dans la ville belge de Lommel, d’où provenaient la plupart des victimes, ou enfin des camarades d’école déposant fleurs et dessins devant l’école, ainsi qu’une photo d’Emma, qui a fait l’objet, avec ses proches amies, du portrait dans «Blick».
G. Le 20 mars 2012, «Medienwoche» publie une brève interview du porte-parole de Ringier, Edi Estermann, avec le rédacteur en chef de «Blick», Ralph Grosse-Bley. Ce dernier y fait valoir que pour donner un visage à la catastrophe, on ne pouvait se contenter de montrer un tunnel, un bus démoli ou une niche de panne. Les images des êtres humains concernés seules peuvent, au moins partiellement, donner au drame sa dimension réelle. Il précise que «Blick» a rencontré le père d’Emma et a également parlé au grand-père d’Andrea. «Les deux ont formellement donné leur accord pour une publication, mettant à notre disposition du matériel photographique. Notre équipe en Belgique et celle du newsroom ont fourni un travail remarquable et n’ont absolument rien à se reprocher. Si le Conseil de la presse ne le voit pas ainsi, je ne puis le suivre.» Le rédacteur en chef de «Blick» ajoute que son titre ne produit pas un journal pour le Conseil de la presse, ni même pour la concurrence médiatique.
H. Le 21 mars 2012, «L’illustré» publie un reportage comparable à celui de la «Schweizer Illustrierte», sur 26 pages. La «Une» («Drame de Sierre – L’Hommage») montre des portraits serrés de l’ensemble des 22 enfants décédés lors de l’accident, et cite également leurs prénoms dans la légende. «L’illustré» montre en partie les mêmes images que la «Schweizer Illustrierte», ainsi qu’une série d’images du blog du camp de ski. De plus, l’hebdomadaire romand reproduit aussi les photos des quatre accompagnants adultes décédés.
I. Le « Raad voor de journalistiek» flamand adopte le 12 avril 2012 une directive sur l’usage d’images provenant de sites web et de réseaux sociaux. Le Conseil parvient à des conclusions semblables à celles du Conseil suisse de la presse dans sa prise de position 43/2010. Cette dernière dit que lors de la diffusion d’images, il faut se fonder sur le cadre dans lequel celles-ci ont été rendues publiques. La publication d’une photo dans un contexte déterminé ne permet pas à un média de conclure que la personne représentée est d’accord que paraisse l’image dans un autre contexte. En l’absence d’autorisation, les médias ne peuvent publier des photos personnelles que s’il existe un intérêt public prédominant en contrepoids de la protection de la sphère privée. Il sied de se montrer particulièrement réservé lors de l’identification d’enfants ainsi que de victimes de crimes, de catastrophes et d’accidents et de leurs proches. S’agissant de victimes gravement blessées ou décédées, et à moins qu’elles soient des personnalités publiques, des détails personnels ne peuvent être publiés avant qu’il soit sûr que les proches en ont été informés. Avant de diffuser des photos reprises de pages personnelles de la toile ou de réseaux sociaux, il convient d’en obtenir l’autorisation. Lorsque des parents ou les victimes refusent la publication, il faut le respecter.
J. Le 5 juin 2012, le Conseil de la presse allemand traite deux plaintes contre «Bild» («Les enfants morts de l’autocar») et le «Berliner Kurier» («Voyage de classe vers la mort»). «Bild» avait montré dans une galerie de photos 15 des 22 enfants décédés, précisant qu’à la demande des parents les noms des enfants n’étaient pas mentionnés. Le journal signale que le maire de la ville de Lommel avait exposé la veille les photos des enfants à la Mairie. La «Une» du «Berliner Kurier» montrait par contre une photo du car démoli ainsi qu’une photo de groupe devant les montagnes. Le Conseil de la presse allemand rejette la plainte contre «Bild», argumentant qu’il y avait un intérêt à ce reportage et que la rédaction a fait valoir qu’elle avait demandé à deux personnes de l’administration la permission de photographier les images exposées dans la salle du souvenir. Celle-ci pouvait dès lors admettre de bonne foi que les parents avaient donné leur autorisation. Le Conseil allemand de la presse reçoit en revanche la plainte contre le «Berliner Kurier», jugeant que les photos publiées relevaient de la propriété privée et qu’aucune autorisation des parents n’avait été donnée.
K. A la demande de sa présidence, le Conseil suisse de la presse décide en plénum, le 6 juillet 2012 et par voie de correspondance, de se saisir de sa propre initiative du cas de la publication de photos de victimes dans les reportages sur l’accident de car de Sierre, et de prendre position.
L. L’ombudsman du Raad voor de journalistiek compétent pour la partie flamande de la Belgique reçoit une plainte de parents de victimes ainsi qu’une d’un groupement «Ouders van de veronglukte Kinderen» contre la publication de photos de victimes par les journaux «Het Nieuwsblad» et «Het laatste Nieuws». Par l’intermédiaire d’une procédure de médiation, les parties s’entendent pour que les rédactions s’excusent d’avoir publié les photos. Le 12 juillet 2012, les deux journaux publient la communication de l’ombudsman.
M. Le secrétariat du Conseil suisse de la presse invite, le 16 août 2012, les rédactions «Blick», «L’illustré» et «Schweizer Illustrierte» à dire dans quelle mesure la publication de photos d’enfants décédés dans un accident de car présentait un intérêt public prédominant. Et pour quelles photos les trois rédactions ont requis et reçu l’autorisation des parents ou des proches.
N. Prenant position le 4 septembre 2012 en réponse à cette invitation, Michel Jeanneret, rédacteur en chef de «L’illustré», fait valoir que pour une revue illustrée comme la sienne, les photos et les comptes rendus de destins humains sont essentiels. Dès lors, il était logique de montrer les victimes. Il souligne que la publication de photos de victimes est une pratique courante depuis l’accident du vol SR 111 à Halifax, par exemple. C’est un devoir de la presse que d’accompagner la compassion du public lors d’une pareille catastrophe. La «Une» avec les photos des enfants défunts traduit cette intention. L’illustration par les photos permet de saisir la dimension de la tragédie.
En ce qui concerne les autorisations, il précise que le correspondant de «L’illustré» pour la Belgique a eu un contact avec plusieurs familles, et que certaines lui ont spontanément mis des photos à disposition. En outre, le chef du protocole de la chapelle ardente à Lommel a autorisé la presse à reproduire les photos d’enfants exposées. On peut dès lors «légitimement supposer » que les parents étaien
t d’accord avec leur publication, estime le rédacteur en chef. De plus, des photos d’enfants décédés ont été diffusées en grand lors de la messe de souvenir, tout le matériel photographique se rapportant au reportage contesté est donc à considérer comme relevant de la sphère publique. Le fait qu’il n’y a pas eu plainte de la part des personnes directement touchées indique, selon Michel Jeanneret, qu’il y a eu consentement parental.
O. Le 17 septembre 2012, le rédacteur en chef du «Blick», Ralph Grosse-Bley, fait savoir qu’il renonce à prendre position sur les questions que lui soumet le Conseil de la presse. Il considère que les déclarations antérieures du président du Conseil de la presse, Dominique von Burg, préjugent de la décision, et qu’il ne fait dès lors aucun sens pour «Blick» «d’investir maintenant du temps, de l’énergie et de l’argent dans une argumentation. Nous avions l’autorisation des proches des enfants dont nous avons raconté le destin. Personne ne s’est plaint auprès de nous.»
P. Dans sa prise de position du 20 septembre 2012, Stefan Regez, rédacteur en chef de la «Schweizer Illustrierte», déclare que la rédaction n’a pas pris à la légère la décision de publier les photos des enfants victimes du drame de l’autocar en Valais. La «Schweizer Illustrierte» montre à la «Une» les 15 enfants victimes provenant de la ville belge de Lommel, dont les photographies ont été officiellement exposées pour le public du lieu, «à l’évidence avec l’assentiment des parents», argumente-t-il. «Les portraits des enfants ont été apposés bien en vue sur les cercueils pour les funérailles en Belgique. A l’évidence avec l’accord de la parenté là encore. La télévision a retransmis l’enterrement et rendu publiques ces images». Il ajoute que divers journaux belges ont publié les photos avant la «Schweizer Illustrierte», de sorte que de toute manière la sphère publique et la protection des victimes n’était plus garantie. En outre, il paraît important pour la «Schweizer Illustrierte» «que nous, nos lecteurs, le public suisse, puissent évoquer la mémoire des enfants de la meilleure façon. Cela n’est possible qu’avec des images joyeuses et non par d’horribles photos d’accident».
Q. Le Conseil de la presse a attribué cette affaire à la 2ème Chambre, composée de Michel Bührer, Annik Dubied, Pascal Fleury, Anne Seydoux, Françoise Weilhammer et Michel Zendali. Dominique von Burg, s’étant déjà exprimé publiquement sur cette affaire, se récuse de son propre chef.
R. L’affaire est traitée lors de la séance du 9 novembre 2012 ainsi que par correspondance.
II. Considérants
1. Le chiffre 7 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» fait obligation aux journalistes de respecter la sphère privée de toute personne à moins que l’intérêt public n’exige le contraire. Selon le chiffre 8 de la «Déclaration», les professionnels doivent respecter lors de leurs comptes rendus par le texte, l’image et le son la dignité et la douleur des personnes concernées, ainsi que les sentiments des proches. Les directives accompagnant la «Déclaration» concrétisent ces obligations:
– la directive 7.1 (sphère privée) fait observer que photographier et filmer des personnes privées exige une autorisation, et ceci aussi hors du cadre privé. Bien plus, dans le domaine public également, une autorisation doit être obtenue lors qu’une personne privée est mise en évidence sur l’image.
– la directive 7.2 (identification) énumère une liste de cas dans lesquels il est autorisé de mentionner le nom ou de permettre une identification des personnes concernées dans un compte rendu. Cela est notamment le cas lorsque la personne elle-même donne son consentement. «Dans les cas où l’intérêt de protéger la vie privée l’emporte sur l’intérêt du public à une identification, les journalistes ne publient ni le nom, ni d’autres indications qui permettent l’identification d’une personne par des tiers n’appartenant pas à l’entourage familial, social ou professionnel, et qui donc sont informés exclusivement par les médias.»
– La directive 7.3 (enfants) souligne la nécessité de protéger particulièrement les enfants.
– La directive 7.8 (cas d’urgence, maladie, guerre et conflits) appelle à une retenue particulière des journalistes à l’encontre de personnes «en situation de détresse ou de deuil, ou encore qui se trouvent sous le choc d’un évènement. Cela s’applique en outre aux familles et aux proches de personnes concernées».
– Les auteurs de reportages sur des évènements dramatiques ou violents sont tenus, selon la directive 8.3, de pondérer soigneusement le droit du public à être informé avec les intérêts des victimes et des personnes concernées. «Le/la journaliste proscrit toute présentation de caractère sensationnel, dans laquelle la personne humaine est dégradée au rang d’objet.»
– Enfin, la directive 8.5 (images d’accidents, de catastrophes et crimes) enjoint à ce que les photographies et images télévisées de tels évènements respectent la dignité humaine et, plus, tiennent compte de la situation de la famille et des proches des personnes en cause, «en particulier sur le terrain de l’information locale et régionale».
2. Les rédactions de «L’illustré» et de la «Schweizer Illustrierte» avancent à juste titre ne pas avoir publié d’images «horribles» de l’accident, ni d’avoir présenté des victimes de manière sensationnelle, dans laquelle la personne humaine est dégradée au rang d’objet (directive 8.3 relative à la «Déclaration»). Le Conseil de la presse ne relève pas de violation du chiffre 8 de la «Déclaration». Dès lors, la question essentielle en la matière est de savoir si les reportages (illustrés) des trois médias sur l’accident du car à Sierre sont compatibles avec le chiffre 7 de la «Déclaration» (sphère privée).
3. Le Conseil de la presse constate d’autre part que les illustrations publiées par «Blick», «L’illustré» et la «Schweizer Illustrierte» sont de nature et de sources diverses et que dès lors elles soulèvent sous l’angle de la protection de la sphère privée des questions de déontologie différentes:
– une partie des photos a été mise à disposition par les familles de certaines des victimes de l’accident;
– d’autres photos d’enfants décédés étaient exposées à la chapelle ardente de Lommel et ont été reproduites sur place;
– une troisième partie des images provenait d’un blog du camp de ski.
Pour chaque catégorie d’images il convient d’examiner séparément s’il était déontologiquement admissible de les publier.
4. On peut présumer, s’agissant des photos mises directement à disposition par les familles des victimes, que ces dernières approuvaient ce faisant leur publication. Certes, le Conseil de la presse ne peut, au vu des informations dont il dispose, savoir si les familles étaient encore sous le choc immédiatement après l’accident tragique, et si donc elles étaient à même de se rendre compte de la portée de leur acquiescement. Quoi qu’il en soit, la prise de contact avec les proches par des journalistes si vite après l’accident soulève, à tout le moins, des questions. Dans sa prise de position 3/2012, le Conseil de la presse avait précisé qu’il n’était pas interdit aux médias, compte tenu de l’intérêt public, d’enquêter sur les dessous d’un accident. Mais il ajoutait qu’il est disproportionné et outrepasse ce qui est déontologiquement admissible qu’une rédaction, suite à un accident, scrute systématiquement
l’environnement privé des personnes concernées (prise de position 70/2012). Cette restriction ne change rien au fait qu’il est admissible par principe de faire paraître des photos de victimes décédées lors d’un accident de la circulation, dans la mesure où la famille donne explicitement son accord pour la publication et met les photos à disposition.
5. Nonobstant la question de savoir comment les médias ont amené certaines familles à leur laisser des photos, il convient de tenir compte du fait que les gens réagissent diversément à des évènements tragiques et à des coups du destin. Alors que nombreux sont ceux qui ne demandent qu’à être laissés en paix avec leur deuil, d’autres aspirent à partager et communiquer leur douleur et à permettre à d’autres de prendre part à leur deuil. Dans un cas comme celui de l’autocar de Sierre, précisément, et alors que les familles et proches sont encore sous le choc d’un événement, une autorisation ne peut être considérée sans autre comme acquise. Pour publier les photos de l’ensemble des victimes de l’accident du car, il ne suffit pas d’obtenir l’accord des parents d’«Emma» et d’«Andrea» comme l’a fait «Blick». De même, «L’illustré» ne peut conclure des contacts de son correspondant en Belgique «avec quelques familles» que toutes les familles sont d’accord avec la publication du nom et de la photo de leur enfant décédé.
Il convient, en complément, de rappeler l’article 74, alinéa 4, du Code de procédure pénale suisse. Dans les causes impliquant des victimes, les autorités et les particuliers ne sont habilités, en dehors d’une audience publique de tribunal, à divulguer l’identité de la victime ou des informations permettant son identification qu’à l’une des conditions suivantes: si la collaboration de la population est nécessaire à l’élucidation de crimes ou à la recherche de suspects. Ou si la victime, (si elle est décédée, ses proches) y consent.
6. La publication des photos des enfants défunts était-elle admissible dès lors qu’elles avaient déjà été exposées dans une chapelle ardente et montrées au public lors des cérémonies funéraires à Lommel et Heverlee? La directive 7.1 de la «Déclaration» s’y oppose d’emblée, disant que la sphère privée doit être respectée même lorsque les photos ont été prises dans un domaine public. Selon l’ombudsman du Raad voor de journalistiek belge, les représentants des médias ont été admis par les officiels à la chapelle, mais seulement pour prendre des photos d’ensemble et non des portraits individuels des enfants. Dans ces circonstances la publication d’une photo globale d’un «mur du souvenir» exposé dans une chapelle ardente, comprenant diverses images des victimes, est acceptable.
En revanche, l’autorisation du responsable du protocole de la chapelle ardente ne change rien au fait que sans l’autorisation explicite des parents survivants, les photos des enfants décédés ne pouvaient être mises en évidence. Dans sa prise de position 1/2010, le Conseil de la presse rappelait que celui qui dépose une photographie d’un défunt sur sa tombe ne permet pas, ce faisant, aux médias de masse d’agrandir l’image et de la diffuser. Il va de soi que les médias pouvaient rendre compte par l’image des deux cérémonies funèbres publiques de manière proportionnée, mais non de se focaliser sur les images de certaines victimes sans l’accord explicite des parents.
7. Les mêmes principes valent également pour les images publiées provenant du blog du camp de ski. Dans sa prise de position 43/2010 déjà mentionnée, le Conseil de la presse relevait que les informations et images que des privés rendaient publiques sur la toile ne pouvaient être diffusées sans conditions par les médias. S’agissant d’Internet, la publicité ne signifie pas nécessairement «publicité médiatique». Est décisive – et non seulement pour Internet – l’intention avec laquelle quelqu’un s’expose publiquement. Même si l’accès au blog du camp de ski était ouvert à chacun, on ne peut en déduire que les photos étaient automatiquement libérées pour le compte rendu sur l’accident du car.
8. Récemment, le Conseil suisse de la presse a confirmé sa longue pratique consistant à faire respecter la sphère privée des personnes impliquées dans des accidents particulièrement spectaculaires, des crimes et des catastrophes – dans la mesure où il ne s’agit pas de personnalités publiques et que le compte rendu se rapporte à leur activité publique (prise de position 62/2012). La compassion du public à l’occasion d’un accident tragique peut aussi s’exprimer sans que les médias ne révèlent l’identité des victimes par l’image et leur nom.
III. Conclusions
1. «Blick» (éditions des 16 et 17 mars 2012), «Schweizer Illustrierte» (édition du 19 mars 2012) et «L’illustré» (édition du 21 mars 2012) ont violé le chiffre 7 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» en publiant ceraines photos des enfants victimes de l’accident du car de Sierre sans aucune autorisation explicite de la part des familles en deuil n’avait été obtenue.
2. Les journalistes sont en droit de montrer des photos de victimes mortes d’un accident de la route, pour autant que les proches autorisent explicitement leur publication.
3. Même si des photographies de victimes sont accessibles au public dans une chapelle ardente et lors de cérémonies funèbres, les rédactions ne peuvent dans leur reportage mettre en évidence par l’image certaines victimes sans l’accord explicite des proches. Cet accord ne peut être présumé.
4. Les médias ne peuvent diffuser sans conditions des images reprises sur un blog, et ceci même si le blog est accessible au public sans droit d’accès. On ne peut en effet en déduire que les images sont accessibles et reproductibles pour un compte rendu médiatique dans un tout autre contexte.
5. La sphère privée des personnes impliquées – pour autant qu’il ne s’agisse de personnalités connues et que le compte rendu ne se trouve en rapport avec leur activité publique – doit être respectée aussi lors d’accidents spectaculaires, de crimes et de catastrophes.