Nr. 9/2018
Rectification/ Accusations gratuites

Usmani c. «Tribune de Genève» et «24heures» Prise de position du Conseil suisse de la presse 9/2018 du 3 avril 2018

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I. En fait

A. Le 29 juillet 2017, les quotidiens «La Tribune de Genève» et «24heures» publient un même article signé Sophie Roselli sur l’extrémisme de droite à Genève. Il est titré «Pourquoi la mouvance extrémiste de droite vivote». L’article passe notamment en revue une série de groupuscules nationalistes et identitaires pour constater que le militantisme d’extrême droite tend à faiblir, mais qu’il «se reporte sur les réseaux sociaux, notamment avec Kalvingrad Patriote et, depuis 2015, s’exprime à travers le site de réinformation ‹La Pravda›».

B. Le 11 août 2017, Alimuddin Usmani porte plainte au Conseil suisse de la presse (ci-dessous le «Conseil») contre les deux quotidiens. Il leur reproche deux manquements à la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après la «Déclaration»). Selon lui, le chiffre 5 serait violé car l’article parle de «La Pravda», alors que le nom du site qu’il dirige est «lapravda.ch», ce qui le distingue de deux sites satiriques, «lapravda.ca» et «lapravda.fr». Il a demandé à la journaliste une rectification, qui n’a pas été faite. Or le chiffre 5 demande de «rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte».

Le plaignant estime aussi que la phrase qui mentionne son site l’assimile au militantisme d’extrême droite et viole le chiffre 7 de la «Déclaration», qui exige notamment de «s’interdire les accusations anonymes ou gratuites». Le plaignant fait valoir qu’il dirige un site «d’information à part entière et pas un site militant d’extrême droite». Il en donne pour preuve qu’il donne la parole à des tendances très diverses et que plusieurs médias ont parlé de lui sans mentionner de militantisme d’extrême droite. Il précise encore que le qualificatif d’extrême droite pour son média peut se comprendre et se tolérer de la part de milieux de la gauche radicale ou d’un lobby, mais n’est «pas acceptable de la part d’un média d’information comme la Tribune de Genève». Il y voit une attaque contre la liberté d’expression.

C. La «Tribune de Genève» prend position le 28 septembre 2017 sous la plume de son rédacteur en chef, Pierre Ruetschi, au nom des deux rédactions. Il brosse le contexte de l’enquête de la journaliste avant de réfuter les deux reproches de violations de la «Déclaration». Concernant le chiffre 5, il fait remarquer que ce dernier s’applique aux «faits significatifs» d’un article ce qui, dit-il, n’est pas le cas ici. L’inexactitude du nom du site ne peut être qualifiée d’erreur matérielle importante. Pour ce qui est du chiffre 7, le rédacteur en chef de la «Tribune de Genève» ne voit pas en quoi il aurait été violé. La vie privée du plaignant n’a pas été mentionnée et son site n’a pas été qualifié d’extrême droite, mais l’article a signalé que certains militants d’extrême droite s’y expriment. Pierre Ruetschi note qu’il est pour le moins paradoxal que le plaignant dise tolérer cette appellation de la part de milieux militants de gauche radicale, mais pas de la part d’un quotidien d’information.

Dans sa réponse à la plainte, la «Tribune de Genève» mentionne aussi, pièces à l’appui, les attaques personnelles que sa collaboratrice a eu à subir de la part du plaignant suite à son article. Le plaignant a notamment publié un article «particulièrement offensant» sur son site, ainsi que la photo de la journaliste. Pierre Ruetschi conclut en indiquant que «le présent courrier vaut dépôt de plainte auprès de votre Autorité».

D. La présidence du Conseil suisse de la presse décide de traiter la plainte de la «Tribune de Genève» séparément. Il confie le traitement de la présente plainte à sa 2ème Chambre, composée de Dominique von Burg (président), Sonia Arnal, Michel Bührer, Annik Dubied, Denis Masmejan, François Mauron et Mélanie Pitteloud.

E. La 2ème Chambre traite le cas dans sa séance du 8 mars 2018 et par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Le plaignant fait valoir que l’appellation fautive de son site, «La Pravda» au lieu de «lapravda.ch», dans l’article de la «Tribune de Genève» justifie un rectificatif selon le chiffre 5 de la «Déclaration». Celle-ci prévoit un devoir de rectification pour toute information publiée qui serait «matériellement inexacte». Pour le Conseil, cette règle est importante, mais tout est affaire de proportion. Dans son guide pratique «Repères pour un journalisme responsable», il précise qu’on peut se passer de rectification «lors d’une simple imprécision, sans importance pour la compréhension du lecteur». C’est le cas ici. Le Conseil est conforté dans cette opinion par le fait que le site du plaignant lui-même porte en titre «la Pravda.ch» et non «lapravda.ch». Sur Facebook, il fait référence à «LaPravda.ch». Pour le Conseil, le contexte de l’article est clairement genevois, ce qui permet d’éviter toute confusion avec des sites étrangers portant des noms similaires. Le chiffre 5 de la «Déclaration» n’a pas été enfreint.

2. Quant aux accusations gratuites dont le texte se serait rendu coupable, violant ainsi le chiffre 7 selon le plaignant, le Conseil constate que l’article ne dit nulle part que son site est «militant d’extrême droite», comme il le prétend. Pour le Conseil, il n’y a pas violation du chiffre 7 de la «Déclaration».

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. En publiant l’article «Pourquoi la mouvance extrémiste de droite vivote» le 29 juillet 2017, la «Tribune de Genève» et «24heures» n’ont pas violé les chiffres 5 et 7 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».