Nr. 36/2021
Recherche de la vérité / Accusations anonymes ou gratuites

(Perrin c. «Arcinfo»)

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Zusammenfassung

Der Presserat rügt die Neuenburger Tageszeitung „Arcinfo“, weil sie die Wahrheitspflicht verletzt hat. Das Blatt hatte den Text eines Neuenburger Professors über die ideologische Debatte im Gefolge der Pandemie veröffentlicht. Darin griff der Autor insbesondere die SVP-Vertreter Roger Köppel und Yvan Perrin an: Sie hätten den Bundesrat als « diktatorisch » bezeichnet und behauptet, das Sterberisiko « für Menschen unter 65 Jahren sei praktisch gleich null ».

Yvan Perrin betonte in seiner Beschwerde an den Presserat jedoch, das habe nur Roger Köppel gesagt. Die Beschwerdeinstanz entschied nun, dass die Zeitung unwahr berichtete, indem sie dem Neuenburger Politiker diese Zitate fälschlicherweise zuschrieb. Denn „Arcinfo“ ist für alle Aussagen im redaktionellen Teil verantwortlich, auch jene eines Gastkommentators. Hingegen erachtete es der Presserat als zulässig, die SVP als im Politspektrum weit rechtsstehend zu bezeichnen; diese Positionierung sei geläufig.

Résumé

Arcinfo publie le texte d’un professeur neuchâtelois, consacré au débat idéologique provoqué par la pandémie. Il s’en prend en particulier à deux représentants de l’UDC, Roger Köppel et Yvan Perrin, qui auraient traité le Conseil fédéral de «dictatorial» et auraient affirmé que le risque de mourir serait «pratiquement nul chez les moins de 65 ans».

Toutefois, comme le relève Yvan Perrin dans sa plainte auprès du Conseil de la presse, seul Roger Köppel a prononcé ces phrases. En attribuant faussement ces citations au politicien neuchâtelois, le journal – qui porte la responsabilité de tout ce qu’il publie dans sa partie rédactionnelle – n’a pas respecté le devoir de rechercher la vérité. En revanche, le fait de traiter l’UDC d’extrême-droite était parfaitement admissible, cette étiquette lui étant couramment accolée dans le monde politique.

Riassunto

Il Consiglio della stampa riprende la Tageszeitung „Arcinfo“ di Neuchâtel, perché ha violato l’obbligo di verità. Il foglio aveva pubblicato il testo di un professore di Neuchâtel sul dibattito idelogico scaturito in seguito alla pandemia. L’autore in particolare ha fatto riferimento a Roger Köppel e Yvan Perrin, esponenti dell’UDC: avrebbero definito il Consiglio federale «dittatoriale» e affermato che il rischio di morte « per persone al di sotto dei 65 anni sarebbe praticamente nulla”.

Yvan Perrin nel suo reclamo al Consiglio della stampa aveva però sottolineato che questa affermazione apparteneva soltanto a Roger Köppel. L’istanza di reclamo, vista l’attribuzione errata della citazione da parte del giornale, ritiene che la testata non abbia riferito in modo veritiero. „Arcinfo“ è responsabile per tutte le dichiarazioni pubblicate nella sezione redazionale, inclusi i commenti ospitati. D’altro canto il Consiglio della stampa ritiene ammissibile all’interno dello spettro politico definire l’UDC di estrema destra, posizione attribuitagli sovente.

I. En fait

A. En date du 8 mai 2020, le journal «Arcinfo» publie dans sa rubrique «Eclairage» un article intitulé «Covid-19: Politiquement incorrects s’abstenir», sous la signature du professeur de l’Université de Neuchâtel Patrick Vincent. L’article a également été publié sur le site internet d’«Arcinfo», le 7 mai 2020.

Cette contribution extérieure a comme sujet la crise du coronavirus et les débats idéologiques que celle-ci entraîne. L’auteur donne son avis sur le clivage entre l’économie et la santé qui «a été inlassablement monté en épingle afin de semer la zizanie et affaiblir les démocraties». Il parle également de l’instrumentalisation de la pandémie par le président des Etats-Unis alors en exercice ainsi que par d’autres chefs d’Etat qui ont «voulu se montrer plus fort que le virus» et qui «ont cyniquement profité de la pandémie pour asseoir leur pouvoir». Puis il commente la situation dans notre propre pays, avec les mots suivants: «Et, en Suisse, des tribuns tels qu’Yvan Perrin ou Roger Köppel continuent de ruer dans les brancards, […], traitant le Conseil fédéral de ‹dictatorial›, et argumentant que le risque de mourir est de toute façon ‹pratiquement nul› chez les moins de 65 ans.» Patrick Vincent conclut que «l’attitude de déni de l’extrême droite face au virus, tout comme le comportement léger voir irresponsable de ses élus, rappelle à quel point le débat politique est devenu un dialogue de sourds […]».

B. Le 27 juillet 2020, Yvan Perrin, par l’entremise de son avocat, porte plainte devant le Conseil suisse de la presse contre «Arcinfo». Le plaignant estime qu’ont été violé le chiffre 3 (sous l’aspect de la directive 3.1, traitement des sources), le chiffre 1 (recherche de la vérité) et le chiffre 7 (accusations anonymes ou gratuites) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration»).

a. Selon le plaignant, lui-même «n’a jamais traité le Conseil fédéral de ‹dictatorial›, ni affirmé que le risque de mourir serait ‹pratiquement nul› chez les personnes de moins de 65 ans atteintes par le Covid-19». Si ces propos ont été tenus, ils l’ont été uniquement par Roger Köppel dans la «Weltwoche» ou sur «Les Observateurs.ch». Vu qu’«Arcinfo» a omis «de mentionner ses sources qui auraient permises aux lecteurs de saisir que les propos mentionnés entre guillemets sont ceux de Roger Köppel, à l’exclusion d’Yvan Perrin», le plaignant voit le chiffre 3 (traitement des sources) de la «Déclaration» violé.

b. Pour la même raison, le plaignant voit le chiffre 1 (recherche de la vérité) de la «Déclaration» violé. Il rappelle que l’amalgame créé par «Arcinfo» porte «dans le contexte de l’époque […] atteinte […] à la considération dont jouit Yvan Perrin».

c. En classant les deux politiciens UDC Roger Köppel et Yvan Perrin dans l’«extrême droite» – termes qui, selon le plaignant, «ont une connotation négative extrêmement forte et sont utilisés pour disqualifier le discours aussi bien que la personne de ceux qui sont ainsi ‹qualifiés›» – Yvan Perrin estime qu’«Arcinfo» a violé aussi le chiffre 7 (accusations gratuites) de la «Déclaration».

C. Dans sa prise de position datée du 10 septembre 2020, le rédacteur en chef d’«Arcinfo», Eric Lecluyse, estime que son journal n’a pas enfreint la «Déclaration» et que les propos de Patrick Vincent ont été pondérés et étayés.

a. Le rédacteur en chef rappelle que l’espace dans lequel est apparu l’article est «clairement de l’ordre du commentaire». En outre, il retient que l’auteur, le professeur universitaire Patrick Vincent, «attribue des propos à M. Perrin et M. Köppel, [et] pas uniquement à M. Perrin». Il précise que sur le site «Les Observateurs», source sur laquelle Patrick Vincent s’est basée, Yvan Perrin a «critiqué le manque de solidarité de l’UE concernant le Covid-19 dans plusieurs billets» et Roger Köppel, quant à lui, a traité «le Conseil fédéral de dictatorial et [a] minimis[é] les risques».

Pour le rédacteur en chef d’«Arcinfo», «associer les deux noms et leurs déclarations est une manière de montrer que des responsables politiques de premier plan avec des idées politiques proches font des déclarations convergentes de type antisystème (européen, fédéral) en lien avec la pandémie».

b. Concernant le passage du texte qu’Yvan Perrin «considère […] attentatoire à son honneur, car il associe au terme ‹extrême droite› des idéologies qu’il estime dénigrantes», «Arcinfo» est de l’avis que qualifier l’UDC de «parti ‹extrême› à la droite de l’échiquier politique suisse est […] l’expression de la réalité, indépendamment de toute appréciation idéologique et historique qui n’est pas le propos ici». Aux yeux du rédacteur en chef, ce «positionnement politique est courant et manifestement admis dans la classe politique suisse».

D. La présidence du CSP confie le traitement de la plainte à sa 2e Chambre, composée de Dominique von Burg (président), Annik Dubied, Joëlle Fabre Caspary, Denis Masmejan, François Mauron, Mélanie Pitteloud et Anne-Frédérique Widmann.

E. La 2e Chambre du CSP traite la plainte lors de sa séance du 14 avril 2021 ainsi que par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Pour le Conseil de la presse, le premier point soulevé par la plainte ne se rapporte pas au chiffre 3 de la Déclaration, mais bien uniquement au chiffre 1. En effet, la directive 3.1 stipule que «la mention de la source est en principe souhaitable dans l’intérêt du public (…) et qu’elle doit être mentionnée chaque fois qu’elle constitue un élément important de l’information». En revanche la question soulevée ici – à savoir si le plaignant a prononcé les mots qui lui sont attribués, relève pour le Conseil de la presse du chiffre 1 de la «Déclaration», qui fait obligation de recherche la vérité.

2. Le Conseil de presse reconnait qu’une contribution extérieure doit pouvoir jouir d’une large liberté d’expression. Mais même dans un commentaire, les faits rapportés doivent correspondre à la vérité. Or attribuer faussement des propos à une personne est contraire à la vérité. Et puisqu’un média porte la responsabilité déontologique de tout texte qu’il publie dans sa partie rédactionnelle, «Arcinfo» a violé le chiffre 1 de la «Déclaration».

3. Quant à situer l’UDC à l’extrême droite de l’échiquier politique, le Conseil de la presse donne raison au rédacteur en chef d’«Arcinfo» quand il estime que ce positionnement est «courant et manifestement admis dans la classe politique». Cela ne constitue dons pas une «accusation anonyme et gratuite», et le chiffre 7 de la «Déclaration» n’est pas violé.

III. Conclusions

1. La plainte est partiellement admise.

2. En publiant l’article «Covid-19: Politiquement incorrects s’abstenir», et en y attribuant faussement une citation, «Arcinfo» a violé le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

3. En taxant l’UDC d’extrême droite, «Arcinfo» n’as pas violé le chiffre 7 de la «Déclaration».