Zusammenfassung
Das Magazin «L’Illustré» veröffentlichte ein Foto eines Abts, verwechselte ihn dabei aber mit einem Priester, dem schwerer sexueller Missbrauch vorgeworfen wird. Der Abt strengte ein Gerichtsverfahren an und reichte gleichzeitig beim Presserat eine Beschwerde ein. Für gewöhnlich tritt der Presserat auf solche sogenannte Parallelverfahren nicht ein. Der Abt wollte, dass sich der Schweizer Presserat trotzdem mit seiner Beschwerde befasst, da er Opfer eines aussergewöhnlich schweren Fehlers geworden sei.
In zwei Ausnahmefällen beschäftigt sich der Presserat mit einer Beschwerde, auch wenn ein Parallelverfahren angestrengt wurde: wenn sich berufsethische Grundsatzfragen stellen oder wenn der beanstandete Bericht eine breite öffentliche Diskussion auslöst. Der Fall löste keine grosse Debatte aus, aber er betrifft eine ethische Grundsatzfrage – die Suche nach der Wahrheit, die Berücksichtigung aller verfügbaren Informationen und deren Überprüfung. Bevor der Presserat Eintreten beschliesst, muss er jedoch eine Interessenabwägung vornehmen. Zwei parallele Verfahren zu führen, lässt sich vor allem rechtfertigen, wenn ein Fall ungeklärte medienethische Fragen aufwirft. Das ist bei dieser Beschwerde jedoch nicht der Fall, da der Presserat schon diverse vergleichbare Fälle behandelt hat, weshalb der Presserat nicht auf die Beschwerde eintritt.
Résumé
Le magazine « L’Illustré » a publié une photo d’un abbé, le confondant avec un prêtre accusé d’abus sexuels graves. L’abbé s’est pourvu en justice et a également déposé une plainte auprès du Conseil suisse de la presse. En principe, ce dernier n’intervient pas en cas de procédure parallèle. L’abbé souhaitait tout de même qu’il traite la plainte, s’estimant victime d’une erreur exceptionnellement grave.
Le Conseil suisse de la presse fait une exception au principe dans deux cas de figure : lorsque le cas soulève des questions déontologiques fondamentales et lorsque la contribution médiatique qui fait l’objet d’une procédure parallèle suscite un large débat public. L’affaire n’a pas grandement fait débat, mais elle soulève une question déontologique fondamentale ayant trait à la recherche de la vérité, à la prise en compte de toutes les informations disponibles et à leur vérification. Le Conseil suisse de la presse doit procéder à une pesée des intérêts avant d’entrer en matière. Deux procédures menées en parallèle se justifient principalement lorsqu’un cas soulève des questions déontologiques fondamentales n’ayant pas encore fait l’objet d’une clarification. Ce n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où le Conseil suisse de la presse a traité divers cas semblables. Il a donc décidé de ne pas entrer pas en matière.
Riassunto
La rivista «L’Illustré» ha pubblicato una foto d’un abate confondendolo con un sacerdote accusato di gravi abusi sessuali. Il prelato ha avviato un procedimento legale e al contempo ha presentato un reclamo presso il Consiglio della stampa, il quale. Quest’ultimo di solito non interviene nei cosiddetti procedimenti paralleli. L’abate voleva che il Consiglio svizzero della stampa si occupasse comunque del suo reclamo, poiché era stato vittima di un errore particolarmente grave.
Due sono le circostanze eccezionali in cui il Consiglio della stampa si occupa di un reclamo nonostante sia stato avviato un procedimento parallelo: se emergono questioni fondamentali di etica professionale oppure se l’articolo contestato suscita un ampio dibattito pubblico.
Il caso non ha dato adito a un grande dibattito, cionondimeno riguarda una questione etica fondamentale: la ricerca della verità, la considerazione di tutte le informazioni disponibili e la loro verifica. Tuttavia, prima di prendere posizione il Consiglio della stampa deve soppesare gli interessi in gioco. Lo svolgimento di due procedimenti paralleli può essere giustificato in particolare quando un reclamo solleva argomenti irrisolti di etica dei media. Non è questo il caso in questione, poiché il Consiglio della stampa si è già occupato di svariati esposti analoghi, motivo per cui ha deciso di non dare seguito al reclamo.
I. En fait
A. Le 29 novembre 2023, «L’Illustré» publie un article de quatre pages intitulé «Abbaye de Saint-Maurice, la descente aux enfers continue» portant sur de graves abus sexuels ayant eu lieu dans l’institution valaisanne. Dans un encadré intitulé «Dix chanoines dans le viseur», le magazine produit des photographies grossièrement anonymisées (un bandeau sur les yeux) avec quelques éléments d’information sur chaque homme d’église incriminé.
B. Le même jour, dans un courriel envoyé à 12h27, la rédaction image de «L’Illustré» informe X. qu’elle a «confondu» sa photo avec celle d’un des chanoines suspectés portant le même nom de famille que lui (mais pas le même prénom) et qu’ainsi sa photo «de manière anonymisée certes» illustre ce dossier à charge. La responsable se dit confuse et exprime le souhait de s’excuser de vive voix.
C. Le même 29 novembre 2023, au 19h30, dans un sujet consacré à l’article de «L’Illustré», la RTS diffuse le gros plan de la photo du plaignant avec la mention «signalé au Vatican». A la demande de X., la RTS floute rapidement l’image mais cette diffusion dans le journal télévisé contribue à ce que le plaignant soit reconnu, et confondu, avec le chanoine suspecté d’abus.
D. Le 30 novembre 2023, X. adresse un courriel à la rédactrice en chef de «L’Illustré» en indiquant que cette «méprise» constitue une atteinte à son honneur et risque de porter le discrédit sur le diocèse de Bâle où il est en fonction. Il note que le problème n’est pas lié à cette seule photo mais concerne aussi les informations diffusées en relation avec elle (en légende). Tout en précisant les origines jurassiennes communes aux deux hommes, «L’Illustré» a en effet omis de porter à la connaissance du public des éléments essentiels qui auraient permis de les différencier, principalement la date de naissance du chanoine accusé et le fait qu’il soit décédé. Pour remédier à cette grossière erreur, X. exige que «L’Illustré» corrige immédiatement la version en ligne de la publication en supprimant sa photo et en indiquant les dates de naissance et de décès du chanoine incriminé, publie un correctif dans son prochain numéro et lui présente des excuses écrites.
E. Le même jour, par courriel au plaignant, Caroline Zingg, rédactrice en cheffe adjointe, reconnait la «grossière erreur» commise, présente ses excuses et accepte de publier un erratum, que le plaignant aura loisir de modifier. Mais, pour ce qui est du site de «L’Illustré», elle précise que «ce sujet n’a pas été porté sur internet».
F. Le 1e décembre 2023, à 8h10 X. lui répond que «L’Illustré» propose un abonnement digital (e-magazine) qui contient la photo incriminée. Trente minutes plus tard, reconnaissant les faits, Mme Zingg l’informe que le pdf de l’e-paper va être retiré «immédiatement» et ajoute: «(…) n’ayez crainte. Il n’est pas encore en ligne». Suite à quoi, le plaignant a également reçu des excuses écrites, du chocolat et un abonnement d’un an à «L’Illustré».
G. Le 14 février 2024, X. saisit le Conseil suisse de la presse d’une plainte au motif que, tout en accédant à ses demandes, la rédaction de «L’Illustré» «ne s’est pas montrée proactive ou n’a pas formulé de pistes afin qu’une telle erreur ne se reproduise plus». De plus, en le présentant, à tort, «de manière clairement reconnaissable comme auteur d’abus sexuel», l’article contreviendrait aux directives 1.1 (recherche de la vérité) et 3.4 (illustrations) et 7.2 (identification) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-dessous la «Déclaration»). Rappelant qu’il a été la victime d’une «faute grave» qui a mis en cause sa «probité» et atteint à son «honneur», le plaignant informe en outre le Conseil de la presse qu’il a engagé une procédure judiciaire parallèle contre les rédacteurs de l’article. Conscient du fait que le Conseil de la presse n’entre en principe pas en matière dans un tel cas, il dépose néanmoins plainte afin «que la rédaction de ‹L’Illustré› tire les conséquences de cette erreur et adopte de meilleures pratiques internes».
H. Sollicité pour une réaction, le 2 juillet 2024, «L’Illustré» répond par la voix de son avocat. Ce dernier invoque l’article 11 du règlement du Conseil de la presse (non entrée en matière lors de l’existence d’une procédure parallèle). Il refuse de se prononcer sur le fond car, en raison de la procédure judiciaire déjà engagée par le plaignant, il ne serait pas possible «de prendre position de manière fiable» sans prendre le risque d’être placé «dans une position défavorable du point de vue de la procédure». L’avocat estime aussi qu’une «appréciation parallèle de la même affaire par le Conseil suisse de la presse pourrait influencer la procédure judiciaire».
I. La 2ème Chambre, composée d’Annik Dubied (présidente), Joëlle Fabre, Sébastien Julan, Fati Mansour, Denis Masmejan, Madeleine Baumann et Anne-Frédérique Widmann, a traité la plainte lors de sa séance du 5 juillet 2024 ainsi que par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Il convient d’examiner si le Conseil suisse de la presse est habilité à entrer en matière sur la présente plainte. L’article 11, alinéa 1, de son règlement interne stipule que le Conseil n’entre pas en matière si «dans un cas de moindre importance, la rédaction ou le/la journaliste concerné-e a déjà présenté des excuses publiques et/ou a pris des mesures correctrices». La rédaction de «L’Illustré» a fait l’un et l’autre dans un délai raisonnable. D’autre part, le plaignant ne saurait lui reprocher de ne pas avoir été «proactive» puisque c’est elle qui a pris l’initiative de l’informer de l’erreur quelques heures après la parution du magazine papier. Toutefois, pour le Conseil de la presse, il ne s’agit pas ici d’un cas de «moindre importance» justifiant la non-entrée en matière.
2. L’article 11, alinéa 1 du règlement stipule également que le Conseil de la presse n’entre pas en matière si une procédure parallèle (notamment devant des tribunaux ou auprès de l’AIEP, l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision) a été initiée, ce qui est le cas ici. Le même article, au point 6, prévoit toutefois deux exceptions: lorsque «des questions déontologiques fondamentales» sont soulevées et lorsque le «compte rendu contesté suscite un large débat public».
Après examen, le Conseil de la presse estime que la réelle identité de X. n’a pas suscité de large débat public, notamment parce que la méprise a été rapidement corrigée par les deux rédactions concernées. En revanche, de l’avis du Conseil, l’affaire concerne bien les fondements de la déontologie journalistique. La plainte porte en effet sur les devoirs les plus importants du métier, tels que mentionnés dans la directive 1.1 relative à la «Déclaration»: «la recherche de la vérité est au fondement de l’acte d’informer. Elle suppose la prise en compte des données disponibles et accessibles, le respect de l’intégrité des documents (textes, sons et images), la vérification (…)».
3. Toutefois, avant de trancher sur l’entrée en matière, selon sa jurisprudence, le Conseil de la presse doit encore procéder à une pesée d’intérêts pour déterminer si l’importance de la plainte justifie la conduite de deux procédures parallèles pour un état de fait identique ou du moins similaire. En effet, «la ratio legis de la disposition (art. 11 alinéa 1) est d’éviter que deux instances différentes ne s’occupent de la même question. Il s’agit en fin de compte de considérations d’économie de procédure» (prise de position 24/2015). «S’il s’agit dans la procédure parallèle des mêmes questions que dans la plainte du Conseil de la presse, cette duplication est en règle générale inutile du point de vue du Conseil de la presse», précise la jurisprudence (prises de position 30/2015, 46/2007, 9/2010, 62/2012).
La compétence du Conseil de la presse est limitée à la déontologie journaliste alors que celle des tribunaux est plus étendue (atteinte à l’honneur, diffamation etc. …). Pour se prononcer sur l’atteinte à l’honneur et à la probité invoquée par le plaignant, la justice devra examiner les actes qui ont conduit à la grave erreur commise par la rédaction de «L’Illustré». Pour le Conseil de la presse, il y a donc doublon puisque les deux instances traiteront donc de cette même question.
4. Dernier élément que le Conseil de la presse doit prendre en compte avant de trancher sur l’entrée en matière: l’originalité de la question déontologique soulevée. En clair, déroger à l’article 11, alinéa 1, pourrait se justifier par la volonté d’inscrire une nouvelle prise de position importante dans la jurisprudence du Conseil suisse de la presse. En effet, dans sa prise de position (30/2015), le Conseil justifie ainsi sa décision de non-entrée en matière: «(…) le Conseil de la presse s’est déjà prononcé sur ces thèmes dans un grand nombre de prises de position. Il considère qu’il n’existe pas en l’espèce de question déontologique de principe sur laquelle il n’a pas encore été consulté.»
Pour le Conseil de la presse, cette conclusion est valable dans le cas présent. Le Conseil s’est prononcé à de nombreuses reprises sur de graves erreurs de faits constituant une violation des dispositions de la directive 1.1 (recherche de la vérité). Une prise de position dans cette affaire n’amènerait donc rien de nouveau à la jurisprudence du Conseil suisse de la presse.
III. Conclusion
Le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière sur la plainte.