I. En fait
A.Le 14 décembre 2010, sous la plume de Pascal Guex, «Le Nouvelliste» rend compte d’une décision d’irrecevabilité du Tribunal fédéral du 25 novembre 2010 concernant un recours déposé par le «bouillant avocat sédunois» X. «contre une décision du Tribunal cantonal visant à l’obliger à renoncer à défendre une cliente dans un litige opposant cette dernière a Me Y.» («Nouveau revers pour X. Son recours a été écarte par le TF»).
L’article relate que l’affaire «avait demarré en 2009 lorsque le juge d’instruction avait dénié à X. la capacité de postuler et lui avait signifié l’obligation à la défense de cette cliente. Me X. avait alors saisi le Tribunal cantonal comme autorité de plainte. Mais le TC avait rejeté ce recours. Non sans avoir rappelé que Me X. s’était auparavant vu condamner à une peine pécuniaire de 135 jours-amende (avec sursis pendant deux ans) ainsi qu’à une amende de 1500 francs pour calomnie, insoumission à une décision de l’autorité et dénonciation calomnieuse.» Selon le Tribunal cantonal il existait dans la deuxième affaire «un risque potentiel de voir X. se laisser animer par ses propres intérêts plutôt de ceux de sa cliente, ‹en cherchant à tout prix, par vengeance personnelle, à obtenir une condamnation d’Y.›».
C’est contre cette décision du Tribunal cantonal que Me X. «a recouru auprès du Tribunal fédéral», recours jugé irrecevable. «Comme en février, Me X. est ainsi débouté par la plus haute cour.»
B. Le 13 janvier 2011 Me X. s’adresse au Conseil suisse de la presse. Selon lui l’article du «Nouvelliste» du 14 décembre 2010 enfreint les chiffres 1 (vérité), 3 (information complète), 4 (loyauté de la recherche), 5 (rectification), 7 (sphère privée) et 11 (directives journalistiques) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» et de plusieurs directives y relatives.
Selon le plaignant le contenu de l’article du «Nouvelliste» du 14 décembre 2010 n’a rien à voir avec l’arrêt dont il fait mention. «Pascal Guex s’est contenté des déclarations de Me Y., ainsi que des pièces qui lui ont été retransmises. (…) Le comportement de M. Pascal Guex est d’autant plus choquant que s’il avait contacté le soussigné au préalable, celui-ci aurait pu lui signifier qu’une demande de révision est pendante par devant le Tribunal fédéral en ce qui concerne la condamnation à laquelle il fait référence – et qui (…) n’a rien à voir avec les sujet de l’article du 14 décembre 2010.» Considérant un arrêt récent dans une affaire semblable «il ne fait aucun doute que cette demande de révision sera acceptée. Et dans un cas similaire concernant l’avocat Z., actuellement juge fédéral, dans le cadre d’une affaire de pédophiles, ‹Le Nouvelliste› n’avait pas cité son nom ou du moins que partiellement.»
Quant au chiffre 11 de la «Déclaration», le plaignant fait valoir que le journaliste «a reçu des directives de Me Y. afin de publier un commentaire de l’arrêt du 25 novembre 2010 qui n’est d’aucun intérêt pour le public».
C. Le 30 mars 2011 Jean-François Fournier, rédacteur en chef du «Nouvelliste», et Pascal Guex, responsable de la Rubrique Martigny Région, concluent au rejet de la plainte. Le second nommé fait valoir qu’il a fidèlement rapporté le jugement du Tribunal fédéral du 25 novembre 2010.
Quant à l’argument du non-respect de la sphère privée il soulève que le plaignant a «multiplié les conférences de presse ou les ‹informations› sous le manteau pour soigner sa pub lors de la sortie de ses livres, pour tirer à boulets rouges sur les instances judiciaires de son canton ou pour dénoncer des pseudocollusions entre pouvoirs politique et judiciaire.»
Par ailleurs, vu l’importance mineure de l’affaire, il n’était pas indispensable de contacter X. avant publication.
Finalement, Pascal Guex nie avoir reçu des «instructions» de la part de Me Y. et ses confrères avec qui il n’a pas eu de contact depuis plus de deux ans.
D. Selon l’art. 12 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.
E. Le 1er avril 2011, le Conseil suisse de la presse communique que l’échange de correspondance avec les parties est terminé et que la plainte sera traitée par la présidence du Conseil.
F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), d’Esther Diener-Morscher (vice-présidente) et d’Edy Salmina (vice-président), a traité la présente prise de position le 16 septembre 2011 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. En comparant l’Arrêt du Tribunal fédéral et l’article du «Nouvelliste» du 14 décembre 2010, contesté par le plaignant, le Conseil suisse de la presse ne constate aucune différence majeure. Pour le lectorat du journal il ressort clairement qu’il s’agit d’une affaire d’incapacité de postuler à cause d’un conflit d’intérêt. Tous les aspects et citations (indirectes) contenus dans l’article se basent sur le jugement et dès lors le Conseil de la presse voit mal dans quelle mesure les chiffres 1 (vérité) et 3 (information complète) – et en conséquence le chiffre 5 (rectification) de la «Déclaration» – auraient été enfreints. De même, comme l’article se contente de résumer le contenu d’un document officiel et que «Le Nouvelliste» cite la décision du Tribunal fédéral comme source de l’information une audition du plaignant avant publication (directive 3.8 relative à la «Déclaration») n’était pas obligatoire (cf. la prise de position 57/2010).
2. Selon la directive 7.2 (identification), «les journalistes soupèsent avec soin les intérêts en jeu (droit du public à être informé, protection de la vie privée). La mention du nom et/ou le compte rendu identifiant est admissible (…) si la personne exerce un mandat politique ou une fonction dirigeante étatique ou sociale et que la relation médiatique s’y rapporte.» Selon la jurisprudence du Conseil de la presse la mention du nom des personnes qui exercent une profession libérale est admissible s’il y un lien étroit entre l’activité professionnelle et le compte rendu en question (cf. prise de position 7/2005).
En l’occurrence, la sphère privée du plaignant n’est pas touchée. Selon les considérants du jugement du Tribunal fédéral du 25 novembre 2010 «le Tribunal cantonal confirme ‹la notoriété publique dans le milieu judiciaire valaisan de l’inimitié, voire plus›» entre X. et Y. Et selon les divers articles fournis au Conseil de la presse par la rédaction du «Nouvelliste» le plaignant est apparu auparavant à plusieurs occasions dans les médias dans un contexte professionnel semblable. En résumé, la mention du nom du plaignant dans l’article contesté est admissible.
3. Vu que l’article contesté relate un jugement du Tribunal fédéral qui est accessible à tout le monde via Internet, le Conseil de la presse ne voit pas dans quelle mesure on peut reprocher une recherche déloyale au «Nouvelliste». De même, le plaignant ne fournit ni preuve ni argument pertinent pour étayant le reproche que Pascal Guex aurait reçu des directives de la part d’Y. et aurait agi sur cette base.
III. Conclusions
1. La plainte est rejetée.
2. En publiant l’article «Nouveau revers pour X.. Son recours a été écarte par le TF» publié dans son édition du 14 décembre 2010, «Le Nouvelliste» n’a pas violé les chiffres 1 (vérité), 3 (information complète, audition lors de reproches graves), 4 (loyauté de la recherche), 5 (rectification), 7 (sphère privée) et 1
1 (directives journalistiques) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».