Zusammenfassung
Während seiner Recherchen muss ein Journalist darauf achten, die zusammengetragenen Meinungen nicht zu entstellen. Im Rahmen seiner redaktionellen Freiheit ist er jedoch frei, diese zu kürzen. Auch kann er Elemente von Informationen weglassen, wenn diese für das Verständnis des Lesers nicht nötig sind.
Dmitryi Rybolovlev reichte Beschwerde gegen zwei von «Le Temps» veröffentlichte Artikel ein, welche sich dem Konflikt zwischen ihm und Yves Bouvier, dem Chef von «Natural le Coultre» sowie der juristischen Stellung ausländischer Trusts in der Schweiz widmeten. Rybolovlevs Anwältin war der Ansicht, ihre Aussagens seien nicht korrekt wiedergegeben worden. Zudem habe die Zeitung ihre Leser getäuscht, indem sie die «Interessenbindungen» der zitierten Rechtsprofessoren verschwiegen habe.
Der Presserat ist der Ansicht, dass der Journalist die medienethischen Grundsätze eingehalten hat. Die Aussagen der Anwältin, welche er nicht wieder gegeben hatte, beantworteten die gestellten Fragen nicht und die befragten Professoren gaben ihre Meinung als Experten und nicht als Konfliktparteien wieder.
Résumé
Au cours de son investigation, le journaliste doit veiller à ne pas dénaturer les déclarations recueillies. Mais dans le cadre de sa liberté rédactionnelle, il est libre de les raccourcir. De la même manière qu’il peut omettre des éléments d’information s’ils ne sont pas nécessaires à la compréhension pour le lecteur.
M. Rybolovlev, par son avocate, se plaint de deux articles du quotidien «Le Temps» consacrés au conflit qui l’oppose à Yves Bouvier, patron de Natural Le Coultre, puis au statut juridique des trusts étrangers en Suisse. L’avocate estime que ses déclarations n’ont pas été correctement rapportées et que le journal aurait trompé le lecteur en taisant les «liens d’intérêt» d’experts juristes cités.
Le Conseil de la presse estime que le journaliste du «Temps» a travaillé dans le respect de la déontologie. Les déclarations de l’avocate omises ne répondaient pas aux questions posées, et les juristes consultés donnaient des avis d’experts, et non de parties au conflit.
Riassunto
Il giornalista che svolge un’inchiesta non può alterare le dichiarazioni che ha raccolto. Ma è libero di abbreviarle: questo fa parte della libertà redazionale. Come pure può tralasciare elementi d’informazione non utili al lettore per la comprensione del caso. Nel reclamo presentato al Consiglio della stampa, in causa erano due articoli pubblicati da «Le Temps» circa una controversia tra M. Ryboloblev a Yves Bouvier, titolare di Natural Le Coultre, circa lo statuto giuridico dei trust stranieri in Svizzera. Tramite il suo avvocato, M. Ryboloblev sostiene che le dichiarazioni raccolte non sono state riportate correttamente e che il giornalista ha omesso di menzionare l’esistenza di «legami d’interesse» con gli esperti di diritto citati nella controversia, fuorviando in tal modo il lettore.
Il Consiglio della stampa ritiene che il giornalista di «Le Temps» abbia operato rispettando la deontologia. Le dichiarazioni dell’avvocato omesse non erano una risposta alle domande formulate e i giuristi consultati erano effettivamente estranei alla controversia, ma esprimevano la loro opinione di esperti.
I. Sachverhalt
A. Le 4 juin 2015, «Le Temps», sous la plume d’Alexis Favre, publie un article intitulé «Comment le piège monégasque s’est refermé sur Yves Bouvier». Cet article traite de l’arrestation à Monaco de M. Bouvier, patron de Natural Le Coultre, à la suite d’une plainte pénale pour escroquerie et complicité de blanchiment déposée à son encontre par M. Dmitriy Rybolovlev, milliardaire russe et collectionneur d’art, représenté par Me Tatiana Bersheda. Dans ce texte, M. Favre s’interroge sur des «bizarreries» qui auraient été constatées dans l’enquête contre M. Bouvier.
Le 29 juin 2015, dans le même journal, Alexis Favre publie un autre article intitulé «Ces trusts étrangers tout-puissants qui défient la Suisse». A la lumière de la procédure de divorce médiatisée entre M. Rybolovlev et son épouse, le journaliste y traite du statut juridique des trusts étrangers, en l’espèce chypriotes, en droit suisse.
Dans le cadre de la préparation des deux articles susmentionnés, Alexis Favre a contacté par courriels et téléphoniquement Me Bersheda et lui a soumis différentes questions. Celle-ci lui a répondu par courriels des 3 et 25 juin 2015.
B. Le 3 juillet 2015, Me Bersheda, au nom de M. Dmitriy Rybolovlev et de deux de ses sociétés appartenant à un trust familial, saisit le Conseil suisse de la presse. Elle estime que dans ses articles parus dans «Le Temps» des 4 et 29 juin 2015, Alexis Favre a contrevenu aux chiffres 1 (recherche de la vérité) et 4 (loyauté) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration»). Elle mentionne en particulier la directive 4.6 (entretien aux fins d’enquête). Selon elle, avant de publier l’article du 4 juin 2015, le journaliste lui a posé par courriel un certain nombre de questions auxquelles elle a répondu par une déclaration écrite. Or, M. Favre n’a pas reproduit fidèlement cette déclaration, choisissant selon elle de l’escamoter et de la dénaturer, ne conservant que la première partie de sa dernière phrase, selon laquelle elle n’a «aucun commentaire à faire».
En ce qui concerne l’article du 29 juin 2015, la plaignante a eu un entretien téléphonique avec le journaliste, qui s’intéressait à la portée de l’arrêt de la Cour de justice rendu dans le procès de divorce des époux R., «particulièrement sous l’angle de l’efficacité et de la reconnaissance des trusts étrangers en Suisse». La plaignante a envoyé une déclaration écrite, reproduite intégralement dans l’article du 29 juin 2015. Elle estime cependant que cette déclaration n’est pas en lien avec la problématique fiscale en relation avec ces trusts. De plus, M. Favre mentionne un avis de droit du Prof. Thévenoz et l’opinion du Prof. Oberson en omettant de signaler qu’ils sont ou ont été les mandataires de Mme Rybolovleva, ce qui selon elle constituerait une tromperie et enlèverait à ces avis toute autorité ou impartialité.
C. Le 3 septembre 2015, Stéphane Benoit-Godet, rédacteur en chef du journal «Le Temps», et Alexis Favre, journaliste, prennent position sur la plainte de Me Bersheda en demandant au Conseil suisse de la presse de la rejeter. Ils estiment qu’il s’agit d’une «tentative d’intimidation» visant à «entraver un travail d’investigation journalistique mené avec rigueur, indépendance et impartialité, dans le respect scrupuleux du droit et des règles déontologiques de la profession». S’agissant de l’article du 4 juin 2015, ils relèvent que la plaignante a reçu l’ensemble des dix questions qu’ils souhaitaient lui poser. Celle-ci a opté de répondre par une déclaration générale, dont M. Favre a choisi de ne publier que la partie qu’il jugeait essentielle, la partie occultée concernant des conseils sur la manière de faire son travail journalistique. La déclaration de Me Bersheda a été raccourcie sans que son sens ne s’en trouve modifié. D’autre part, l’article du 29 juin 2015 concernait la reconnaissance en droit suisse des trusts de droit chypriote. La plaignante s’est exprimée à ce sujet dans une déclaration intégralement reproduite à la fin du texte. Enfin, le journal souligne que les Prof. Thévenoz et Oberson ont été cités en tant
qu’éminents spécialistes dans les domaines du droit des trusts et du droit fiscal, ce qu’ils sont incontestablement. Le fait que l’un et l’autre aient pu être à un moment donné les mandataires de Mme Rybolovleva n’enlève rien à la qualité de leurs avis. Il n’y a dès lors ni violation des règles déontologiques, ni tromperie, et la plainte doit être rejetée.
D. Le 29 octobre 2015, le Conseil suisse de la presse informe les parties que la plainte est confiée à la deuxième Chambre du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Michel Bührer, Annik Dubied, Pascal Fleury, Anne Seydoux, Françoise Weilhammer et Michel Zendali.
E. La deuxième Chambre traite la plainte lors de sa séance du 6 novembre 2015 ainsi que par voie de correspondance.
II. Considérants
La plainte pose principalement la question de la recherche de la vérité (chiffre 1 de la «Déclaration») et de l’entretien aux fins d’enquête (directive 4.6). La recherche de la vérité suppose la prise en compte des données disponibles et accessibles, le respect de l’intégrité des documents, la vérification et la rectification (directive 1.1). Les autres directives 1, 3, 4 et 5 citées dans la plainte n’existent pas.
En ce qui concerne l’article paru dans le journal «Le Temps» du 4 juin 2015, la plaignante reconnaît elle-même avoir reçu de la part du journaliste des questions relatives à de «prétendues irrégularités» de procédure dans l’enquête relative à l’affaire Yves Bouvier. Elle n’a répondu à aucune question, mais a choisi d’envoyer une déclaration d’ordre général et reproche à M. Favre d’en avoir écarté la partie suivante : «(…) sinon que je vous invite à vous intéresser aux vraies questions que pose cette affaire, en particulier la trahison grossière au bénéfice de laquelle a pu avoir lieu l’enrichissement massif de ces deux personnes, plutôt qu’aux sujets périphériques sur lesquels vous vous laissez complaisamment entraîner». Force est de constater que ce commentaire concernait la manière dont le journaliste menait son travail d’investigation plutôt que le fond de l’affaire. Ce faisant, M. Favre n’a pas modifié le sens de la déclaration de la plaignante (directive 4.6).
S’agissant de l’article publié dans «Le Temps» du 29 juin 2015, la plaignante reconnaît que sa déclaration relative à la reconnaissance en Suisse des trusts de droit chypriote a été intégralement reproduite à la fin du texte, mais elle estime qu’elle n’est pas en lien avec un autre sujet énoncé dans cet article, la problématique fiscale en relation avec ces trusts. Le Conseil de la presse estime que ce reproche n’est pas fondé. D’une part, l’article traite principalement de la constitution de trusts discrétionnaires et irrévocables de droit chypriote dans le cadre de la procédure de divorce entre deux époux russes domiciliés en Suisse. D’autre part, dans le contexte international où se meut la Suisse dans le domaine de la fiscalité, la différence entre droit civil et droit fiscal dans le droit des régimes matrimoniaux est pertinente et contribue à l’information des lecteurs.
Enfin, la plaignante reproche au journaliste de n’avoir pas mentionné que le Prof. Thévenoz a été mandaté par Mme Rybolovleva pour rédiger un avis de droit dans cette affaire, et que le Prof. Oberson a été, voire est encore l’avocat fiscaliste de Mme Rybolovleva. S’agit-il pour autant d’une «tromperie» ? Une information essentielle a-t-elle été supprimée, au sens du chiffre 3 de la «Déclaration»? Le Conseil de la presse ne le pense pas, puisque l’article du 29 juin 2015 mentionne bien que le Prof. Thévenoz, spécialiste reconnu du droit des trusts, est l’auteur d’un avis de droit dans cette affaire. Quant au Prof. Oberson, il ne fait qu’établir une comparaison entre le droit civil et le droit fiscal et s’étonner de la différence de traitement des trusts dans ces domaines, sans se prononcer sur le cas d’espèce. La plaignante a d’ailleurs également pu s’exprimer à ce sujet et admet que sa déclaration a été reproduite intégralement, avec les corrections qu’elle avait soumises au journaliste par courriel du 25 juin 2015. On ne peut donc pas affirmer que le lecteur a été trompé.
III. Conclusions
1. La plainte est rejetée.
2. En publiant les articles «Comment le piège monégasque s’est refermé sur Yves Bouvier» et «Ces trusts étrangers tout-puissants qui défient la Suisse» «Le Temps» n’a pas violé les chiffres 1 (recherche de la vérité), 3 (suppression d’informations essentielles) et 4 (méthodes déloyales, entretien aux fins d’enquête au sens de la directive 4.6 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».