Zusammenfassung
Das Arztgeheimnis rechtfertigt keine mangelhafte Recherche
Der Presserat gesteht Journalisten zu, über Informationen, die sie bei einer Recherche verwenden, nach ihrer Wahl zu verfügen, ausser wenn Auslassungen die Wahrheit verfälschen. Das Lausanner Universitätsspital CHUV hatte gegenüber einem Journalisten von «Le Matin» erklärt, sich aus Gründen der ärztlichen Schweigepflicht nicht zum Fall einer fürsorgerisch im psychiatrischen Spital von Cery untergebrachten Person äussern zu können. Die betroffene Person war gegen ihren Willen eingewiesen worden und daraufhin an die Zeitung gelangt. Diese widmete dem Fall zwei Artikel. Das Spital hatte dem Journalisten nahegelegt, sich an das Friedensrichteramt zu wenden, welches die Einweisung verfügt hatte, um die für eine Einweisung massgeblichen Kriterien in Erfahrung zu bringen.
Der Journalist beherzigte jedoch weder diese Empfehlung, noch suchte er im Internet nach den entsprechenden – leicht auffindbaren – Informationen. Die Kriterien, nach denen eine Einweisung zulässig ist, fehlen demzufolge im Artikel. Genau so wenig findet das Arztgeheimnis Erwähnung, an welches das Universitätsspital gebunden war, noch dessen Hinweis, dass die Weigerung der internierten Person, ihren eigenen Zustand zu akzeptieren, Teil des Krankheitsbildes sein könnte. Der Presserat gelangte zum Schluss, dass diese Elemente es dem Leser ermöglicht hätten, sich eine differenziertere Meinung zu bilden. Er erkannte auf eine mangelhafte Recherche und eine Verletzung von Ziffer 1 der «Erklärung der Pflichten und Rechte der Journalistinnen und Journalisten» (Wahrheitspflicht).
Das Spital hatte «Le Matin» ausserdem vorgeworfen, die Identität der internierten Person – eines früheren Arztes und Politikers im Kanton Waadt – sowie deren Diagnose preisgegeben zu haben. Diesen Vorwurf erachtete der Presserat hingegen für nicht gerechtfertigt, da die betroffene Person ihre Einwilligung gegeben hatte und überdies anwaltlich vertreten war.
Résumé
Le secret médical n’excuse pas le défaut d’enquête
Le Conseil de la presse admet que le journaliste dispose du choix des informations qu’il utilise dans une enquête, sauf si les omissions tronquent la vérité. Le CHUV avait expliqué à un journaliste du «Matin» ne pas pouvoir s’exprimer sur le cas d’une personne placée à des fins d’assistance à l’hôpital psychiatrique de Cery, car lié par le secret médical. Ladite personne, internée contre son gré, avait alerté le journal qui a consacré deux articles à cette affaire. Le CHUV avait suggéré au journaliste de prendre contact avec la Justice de paix, qui avait émis l’ordonnance de placement, pour connaître les critères appliqués.
Le journaliste n’a pas suivi cette recommandation, ni cherché sur internet ces mêmes renseignements, pourtant facilement accessibles. Les critères permettant un tel placement sont donc absents de l’article. Celui-ci ne mentionne pas non plus le secret médical auquel est tenu le CHUV, ni l’avertissement de ce dernier sur le fait que le déni de la personne internée sur son état pouvait faire partie de sa pathologie. Le Conseil a estimé que ces éléments auraient permis au lecteur de se faire une opinion nuancée. Il a conclu à un défaut d’enquête et à une violation du chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (recherche de la vérité).
Le CHUV reprochait aussi au «Matin» d’avoir dévoilé l’identité de la personne internée, un ancien médecin et politicien vaudois, ainsi que sa pathologie. Le Conseil n’a pas retenu ce reproche dans la mesure où cette personne a donné son accord et était accompagnée de son avocat.
Riassunto
Il segreto professionale dei medici non giustifica gli errori dell’inchiesta
Il Consiglio della stampa ammette che un giornalista possa scegliere tra le informazioni di cui dispone al termine di un’inchiesta, purché quel che omette non contraddica l’obbligo del rispetto della verità. Il Centro Ospedaliero Universitario Romando (CHUV) aveva spiegato a un giornalista di «Le Matin» di non potersi pronunciare sul caso di una persona ricoverata nell’ospedale psichiatrico di Cery, perché vi si oppone il segreto professionale dei medici. L’interessato aveva allertato il giornale dopo il suo ricoverato coatto e «Le Matin» aveva al caso dedicato due articoli. Il CHUV consigliava al giornalista di prendere contatto con la giudice di pace che aveva deciso il ricovero, cui pure chiedere di precisare i criteri che giustificano un’ospedalizzazione forzata.
Il giornalista non aveva dato seguito alla raccomandazione, né consultato su Internet – benché facilmente accessibili – alcune informazioni di base, per cui nei due articoli tali criteri non venivano evocati, né si faceva menzione del segreto professionale cui sono tenuti i medici del CHUV, e neppure si citava la messa in guardia formulata dall’istituto medesimo: che la patologia di cui la persona soffriva poteva influire sul suo rifiuto dell’internamento. Il Consiglio della stampa ritiene che la menzione di questi aspetti avrebbe consentito al lettore di farsi un’idea più sfumata del caso. Da parte del quotidiano c’è stato dunque un difetto d’inchiesta, e perciò una violazione del dovere/diritto del giornalista di ricercare la verità (Cifra 1 della «Dichiarazione dei doveri e dei diritti del giornalista»).
Nel suo reclamo, il CHUV rimproverava pure a «Le Matin» di aver fatto il nome della persona internata – un anziano medico e uomo politico vodese – e di avere menzionato la patologia di cui soffre. Questo secondo appunto non è stato preso in considerazione dal Consiglio della stampa, in quanto la persona (che era accompagnata dal suo avvocato) aveva dato il suo consenso.
I. En fait
A. Le 17 septembre 2016, le quotidien «Le Matin» publie un article signé Benjamin Pillard consacré à un septuagénaire qui affirme être interné contre son gré à l’hôpital psychiatrique de Cery, près de Lausanne. L’article donne son nom complet et publie une photo prise dans sa chambre d’hôpital, à visage découvert. Il précise ses qualités passées de médecin et de politicien vaudois.
L’ex médecin de 71 ans explique avoir été arrêté à Lausanne dans sa chambre d’hôtel par deux agents de police, alors qu’il était «en pleine forme et en pleine possession de [ses] moyens, tant physiques qu’intellectuels». Il affirme aussi ne pas savoir qui est à l’origine de l’ordonnance de mesure provisionnelle édictée par la justice de paix en vue d’un placement provisoire à des fins d’assistance. L’avocat, rencontré par le journaliste, «révèle que c’est un signalement d’une médecin du Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (SUPAA) qui a déclenché l’engrenage». La raison de l’internement résiderait dans le refus de son client d’un suivi en consultation alors qu’il présente un risque de «raptus anxieux», ce qui se traduit par «de violentes crises comportementales» précise le journaliste. Pour l’avocat, cette raison paraît «un peu faible». Approché, l’hôpital de Cery «estime qu’il est contre-indiqué de s’exprimer publiquement avant la décision judiciaire».
B. Le 24 septembre, «Le Matin» revient sur cette affaire à l’occasion de l’audition à huis clos du septuagénaire par la juge de paix, qui doit statuer sur le maintien de son internement. Une photo le montre à visage découvert à son arrivée à la justice de paix. Interrogé, l’avocat souligne que l’origine de la procédure de placement à des fins d’assistance (PLAFA) n’a pas été évoquée, tout en réaffirmant que son client n’est pas dangereux. Le journaliste cite ce dernier, qui répète ne pas comprendre son internement car «il n’y a jamais eu de problème» lié à son comportement. Il critique sévèrement le rapport rendu par Cery à son sujet. «On ne peut qu’y déceler une volonté de nuire qui est évidente.» Il annonce vouloir entamer une grève de la faim.
C. Le 22 décembre 2016, le CHUV (dont dépend l’hôpital de Cery) dépose plainte contre «Le Matin» au Conseil suisse de la presse (ci-dessous le Conseil), à propos de ces deux articles. Il invoque «en particulier» l’article 7 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-dessous la «Déclaration»), estimant que la vie privée du patient hospitalisé n’a pas été respectée, cela sans qu’il y ait un intérêt public prépondérant. Le CHUV reproche au quotidien d’avoir dévoilé non seulement l’identité du patient, mais aussi des détails sur sa pathologie, ce qui relève de la protection de la personnalité. Le fait que l’ancien médecin se soit adressé de lui-même à la rédaction, puis ait donné son accord à la publication de ces informations, «n’affranchit pas le journaliste de l’obligation de réfléchir aux conséquences d’une publication», notamment en ce qui concerne les troubles psychiques du patient. «Le service de communication du CHUV a (…) attiré plusieurs fois l’attention du journaliste sur le fait que la réaction du patient de contester son internement pouvait faire partie de la pathologie qui a conduit à un placement à fin d’assistance.»
Le CHUV dit avoir expliqué au journaliste qu’il était lié par le secret médical et ne pouvait répondre à ses questions, notamment quant à savoir si le centre ambulatoire du SUPAA avait statué sur la seule base du dossier médical adressé par le service psychiatrique de liaison. Le service de communication conseille au journaliste de s’adresser à la Justice de paix, instance compétente qui a prononcé le placement. Le même service explique qu’une décharge signée par le patient et son avocat «pourrait permettre aux médecins de s’exprimer sur le cas». La capacité de discernement du patient est à ce stade présumée, relève le CHUV. Peu après, le journaliste fournit cette décharge, mais les médecins traitants constatent que le patient se souvenait de la visite du journaliste, mais pas du document qu’il avait signé. Ils concluent qu’il n’a à ce moment plus sa capacité de discernement, que la décharge est caduque et que le secret médical perdure. Le premier article du «Matin» paraît le lendemain. Le CHUV constate dans sa plainte que «l’article se base uniquement sur les citations du patient. (…) Le journaliste n’a manifestement pas cherché à obtenir la prise de position de la Justice de paix», qui aurait pu expliquer les conditions amenant à une ordonnance d’internement, ce qui renforce «l’impression d’une mesure arbitraire décidée par les psychiatres du CHUV sur la base d’examens incomplets».
D. Dans sa réplique adressée au Conseil le 9 mars 2017, «Le Matin» réfute avoir publié un point de vue unilatéral, disant avoir «parlé du rôle et des compétences de chaque organe étatique qui est intervenu dans ce dossier». Il en veut pour preuve d’avoir mentionné à quatre reprises la Justice de paix.
Concernant l’objet principal de la plainte, «Le Matin» conteste avoir violé le chiffre 7 de la «Déclaration». Il affirme n’avoir pas abusé de l’état de l’ex médecin interné, ni porté atteinte à sa personnalité ou à sa sphère privée. L’identification est admissible si la personne «occupe une position sociale et influente», ce qui serait le cas pour le Dr. X «en raison des différentes fonctions professionnelles et politiques qu’il a occupées» selon le quotidien. Il ajoute que l’avocat du patient «avait la possibilité de conseiller à son client de se taire si nos articles risquaient de nuire à ses intérêts». L’ancien médecin et politicien «n’a pas seulement consenti à ce que nous le citions dans notre article, il a expressément demandé à notre journaliste de rédiger un article sur cette affaire». Enfin, «Le Matin» réfute avoir porté préjudice au patient interné en divulguant des détails sur sa pathologie. Cela se justifiait, dit-il, car ils «ont été portés à la connaissance de notre journaliste par le Dr. X et son avocat. (…) Par ailleurs, faire état de la pathologie du Dr. X était justement l’enjeu du débat que le CHUV ne semble pas comprendre».
Quant à la capacité de discernement du patient, le journal constate que les médecins n’ont pas apporté «la preuve» qu’elle n’était plus présente après qu’il ait signé sa décharge – sans préciser à quel type de preuve il pense. Il maintient que le Dr. X avait toutes ses capacités lors de la signature de la décharge. «Le Matin» conclut au rejet de la plainte.
E. La présidence du Conseil suisse de la presse a confié le traitement de la plainte à sa 2ème Chambre, composée de Sonia Arnal, Michel Bührer, Annik Dubied, Denis Masmejan, François Mauron et Dominique von Burg (présidence).
F. La 2ème Chambre a traité la plainte dans sa séance du 11 mai 2017 et par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Le Conseil de la presse ne dispose d’aucun élément démontrant un abus de faiblesse de la part du journaliste, comme le soutient le CHUV. Sans entrer dans le débat sur l’état psychique de l’ancien médecin, le Conseil constate que ce dernier était accompagné de son avocat, qui n’a objecté ni à l’entretien ni à la publication, au contraire.
2. A partir de là, l’identification de l’ancien médecin et politicien était-elle néanmoins admissible? On peut douter de l’intérêt public prépondérant dans la mesure où la notoriété et les postes occupés jadis par le patient, arguments invoqués par «Le Matin», ne sont pas liés à l’objet de l’article et sont anciens. Par contre, la directive 7.2 précise que l’identification est admissible si la personne concernée «donne son accord à la publication», ce qui est le cas ici: ledit patient, présumé capable de discernement, a contacté le quotidien spontanément, il a accepté d’être photographié et identifié, avec l’accord de son avocat. Il n’y a donc sur ce plan pas de violation du chiffre 7 de la «Déclaration».
3. Les précisions sur la pathologie du patient empiètent sur sa sphère privée. Le Conseil a toujours penché pour une extrême prudence dans la publication de ce type d’informations. De toute évidence ces indications ont été fournies par le patient et/ou son avocat. Le Conseil rappelle toutefois que cela n’exonère pas les journalistes de se poser la question des conséquences d’une telle publication, au nom de la protection des victimes, surtout en cas de fragilité psychique. En l’occurrence, la publication du nom exact de la maladie est discutable, mais on peut admettre que la mention de ses effets sur le malade (violentes crises comportementales) constitue un élément d’information utile au lecteur dans le cas d’un tel internement. Là non plus, le chiffre 7 n’a pas été violé.
4. Le CHUV accuse le quotidien d’avoir écrit un article sur la seule base des témoignages du patient interné et de son avocat. «Le Matin» rétorque qu’il est «piquant de voir le CHUV soulever ce grief alors qu’il a refusé, à plusieurs reprises, de donner son avis sur cette affaire». Mais ce qui est piquant aux yeux du Conseil, c’est que l’article ne mentionne à aucun moment que le CHUV l’a informé qu’il était tenu par le secret médical. Ni qu’il a suggéré au journaliste de s’adresser à la Justice de paix, l’instance qui avait prononcé l’ordonnance d’internement, pour en savoir plus, ce que le journaliste n’a pas fait. Le CHUV estime que l’article, de ce fait, «n’a pas permis au public de se faire une opinion sur le bien-fondé de ce placement à fin d’assistance, puisqu’il ne cite pas l’autorité chargée de prononcer cette mesure», ce qui touche au chiffre 1 de la «Déclaration» (recherche de la vérité) selon le Conseil. Le quotidien se défend en signalant que l’article «mentionne la Justice de paix et sa compétence à quatre reprises». Ce qui est différent de l’entendre et de la citer, alors qu’elle aurait pu répondre à sa question centrale (exprimée par «Le Matin» dans sa réplique à la plainte, mais pas dans son article) de savoir si l’internement a été décidé «à partir du seul dossier médical adressé par le service de psychiatrie de liaison». Le Conseil y voit un défaut d’enquête, d’autant plus que les conditions strictes d’un placement à des fins d’assistance sont facilement accessibles sur internet. L’article n’a pas non plus repris l’avertissement du CHUV indiquant que le déni du patient pouvait faire partie de sa pathologie. Certes, le journaliste est libre du choix des informations qu’il utilise, mais en l’occurrence celles qui sont omises constituent des éléments de compréhension importants pour le lecteur. Pour le Conseil, «Le Matin» a contrevenu au chiffre 1 de la «Déclaration» (recherche de la vérité) pour n’avoir pas pris en compte «des données disponibles et accessibles» (directive 1.1).
III. Conclusions
1. La plainte est partiellement acceptée.
2. Dans ses articles «C’est une atteinte à ma liberté» du 17 septembre 2016 et «Il s’apprête à faire une grève de la faim» du 24 septembre 2016, «Le Matin» n’a pas pris en compte toutes les données disponibles et a violé le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».
3. En dévoilant l’identité et la pathologie du patient qui fait l’objet des articles, «Le Matin» n’a pas violé le chiffre 7 de la «Déclaration».