Nr. 58/2003
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(X. c. «L'Illustré») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 12 décembre 2003

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I. En fait

A. Le 30 avril 2003 «L’Illustré» a publié » un article de Carole Pellouchoud sous le titre «Les dessous d’un livre maudit». L’article traitait du conflit autour du livre «Couleurs de Sarvient» du sociologue et historien valaisan, Gabriel Bender: «Mandaté par Ayent pour réaliser un ouvrage sur la commune, (…) Gabriel Bender a vu son texte refusé pour d’obscures raisons. Les autorités locales vont jusqu’à s’opposer à la diffusion de ce livre, pourtant expurgé de toute référence officielle à Ayent.» Finalement la commune aurait refusé de verser l’honoraire pour le travail effectué et aurait fait interdire la parution du livre par une requête des mesures provisionnelles «en invoquant l’atteinte illicite à l’image de la commune, un conflit de droits d’auteur et le devoir de fidélité».

B. Le 26 juillet 2003 X. s’est adressé au Conseil de la presse pour se plaindre que l’article du 30 avril 2003 «bafoue en effet Ðles principes généraux de l’équitéð (…) L’auteur ne s’attache à aucun moment à Ðrechercher la véritéð (…) mais s’emploie bien plutôt à Ðsupprimer des informations ou des éléments d’informations essentielsð (…) pour donner à ses lecteurs une version totalement partisane de l’affaire.»

C. Dans un courrier du 28 août 2003 adressé au plaignant avec copie au Conseil suisse de la presse, Gabriel Bender conteste la version des faits présentée par X.

D. Le même 28 août 2003 Federico Camponovo, rédacteur en chef de «L’Illustré», se référant au courrier de Gabriel Bender, rejette la plainte de X. comme dénuée de fondement.

E. Conformément à l’art.10 al. 7 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence peut se prononcer définitivement sur des plaintes qui, dans leurs traits essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui de toute façon paraissent d’une importance mineure.

F. Le 3 septembre 2003 le Conseil suisse de la presse déclarait la correspondance des parties comme terminée et il informait les parties que la plainte serait traitée par la présidence du Conseil de la presse, composée par Peter Studer (président), Daniel Cornu et Esther Diener-Morscher (vice-présidents).

G. Dans un courrier du 5 septembre 2003 adressé à Gabriel Bender avec copie au Conseil suisse de la presse, X. fait valoir que «la plainte que j’ai déposée auprès du Conseil suisse de la presse (…) ne concerne nullement votre différend avec la Commune d’Ayent (…) Ma plainte concerne uniquement la couverture qu’en a fait ÐL’Illustréð (…) Votre argumentation est donc hors de propos.»

H. La présidence du Conseil suisse de la presse a liquidé la présente prise de position le 12 décembre 2003 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. La plainte se réfère au chiffres 1 (rechercher la vérité) et 3 (ne pas supprimer des informations essentielles) de la «Déclaration des devoirs et des droits du / de la journaliste». Le plaignant reproche en premier lieu le fait que l’article relate surtout la version des faits de Gabriel Bender et serait donc «totalement partisan».

2. Il ne découle de la «Déclaration» aucune obligation à rendre compte de manière objective et, dès lors, une relation unilatérale est admissible de la part d’un média (prises de position 27/2003, 47/2002, 32/2002, 17/2000, 27/2000). Néanmoins, lorsque des personnes font l’objet de reproches graves, celles-ci doivent être confrontées aux grief formulés à leur encontre. Et lorsque ces reproches sont contestés, cela doit ressortir de la contribution médiatique (directive 3.8 relative à la «Déclaration»).

3. a) Le grief du plaignant, que le compte rendu donné par «L’Illustré» serait unilatéral est donc – sous l’angle de la «Déclaration» – évidemment sans objet. Par contre, le Conseil suisse de la presse doit examiner, si «L’Illustré» a pris en compte de manière adéquate le principe de l’audition lors de reproches graves («audiatur et altera pars»).

b) L’article du 30 avril 2003 contient plusieurs accusations formulées explicitement ou au moins implicitement à l’encontre de la Commune d’Ayent dont celles de censurer un œuvre littéraire qui montrant «des réalités historiques» par moyen de mesures provisionnelles et de ne pas avoir payé l’auteur «pour le travail réalisé» semblent les plus graves. En vue de ces accusations un contact préalable de la journaliste avec les responsables de la Commune était donc nécessaire.

c) Il n’est pas contesté par le plaignant que la journaliste a contacté le président de la Commune d’Ayent, Martial Aymon et l’avocat chargé du dossier avant la publication de l’article. Concernant l’accusation de la censure, «L’Illustré» résume la prise de position de M. Aymon comme suit: «Alors pourquoi vouloir interdire la sortie de cet ouvrage? Au téléphone, M. Aymon nous a affirmé s’y opposer Ðparce qu’il est basé sur les recherches effectuées, et payées, par la commune d’Ayent. Mais encore une fois, que ce bouquin paraisse, je m’en fiche. Je ne veux simplement pas qu’il vienne heurter de front le livre que la commune d’Ayent sortira bientôt. Au final, le juge tranchera, et nous nous soumettrons. Probablement qu’on n’a pas tout juste, j’espère qu’on n’ait pas tout faux.ð» L’avocat de la commune est cité indirectement: «Selon l’avocat de la commune, cet ouvrage porte un grave préjudice aux habitants d’Ayent et au familles touchées par les drames (meurtres, suicides) vécus par leurs ancêtres et relatés dans le texte.»

d) Le plaignant ne prétend pas non plus que ces deux représentants de la commune ne se seraient pas exprimés ainsi que cités en haut, mais il fait valoir que la commune d’Ayent a publié un communiqué de presse le 24 avril 2003, qui aurait dû être pris en compte par «L’Illustré». En outre, toujours selon le plaignant, la journaliste aurait ignoré l’invitation de l’avocat de prendre contact avec le plaignant, désigné comme porte-parole de la commune par les autorités locales. Néanmoins on ne peut pas déduire du principe de l’audition lors de reproches graves une obligation des journalistes de procéder à des recherches complètes , mais de confronter les personnes responsables avec les reproches graves. En prenant contact avec le président et avec l’avocat de la commune d’Ayent et en reproduisant leur prise de position quant aux reproches graves contenus dans l’article – signalant que la commune avait eu des raisons objectives de s’opposer à la publication du livre et que les recherches de l’auteur auraient été payées par la commune – la journaliste a rempli les exigences minimales demandées par la directive 3.8 relative à la «Déclaration».

III. Conclusion

La plainte est rejetée.