Nr. 42/2007
Lettres des lecteurs

(X. c. «La Liberté») Prise de Position du Conseil suisse de la presse du 21 septembre 2007

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I. En fait

A. Dans son édition du 17 avril 2007, «La Liberté» a publié un texte de Pascal Bertschy sur Paul Wolfowitz. Ce dernier, alors président de la Banque Mondiale, avait augmenté de manière disproportionnée le salaire de sa maîtresse et collaboratrice. Intitulé «Encore un homme perdu par ses sentiments», l’article se terminait sur ces mots: «Aujourd’hui, au fond le malheur de Paul Wolfowitz est d’être un citoyen américain. Car s’il était Italien, Français, Espagnol ou Romand, inutile de dire qu’il aurait le soutien de la plupart de ses compatriotes. Même que dans le coin où on aime bien les dirigeants sensibles au beau sexe, il battrait déjà des records de popularité.»

B. Le 19 mai 2007, au cadre de sa collaboration avec «Libération», «La Liberté» a publié un portrait intitulé «La porte pour Paul Wolfowitz». Le journaliste Thomas Dévry y commente la démission du président de la Banque Mondiale: «Enfin, lui qui se veut un apôtre de la ‹bonne gouvernance›, il trébuche lamentablement sur le rôle de sa compagne, une fonctionnaire de longue date de la banque. Désireux de l’écarter pour éviter tout conflit d’intérêt, il la promeut avec une augmentation hors norme (+ 46%), tout en cherchant à camoufler ce geste. C’est l’étincelle qui allume l’essence répandue par ses soins depuis deux ans.»

C. Le 20 mai 2007, sous le titre «Désinformation et information sur Wolfowitz», X. a adressé un courrier de lecteur par e-mail à la «Liberté». Selon lui, «pour comprendre les énormes différences» entre les deux articles du 17 avril et 19 Mai 2007 «il faux savoir que le premier est de P. Bertschy qui offre si souvent son opinion à la place d’informations dûment recherchées. Le deuxième article est celui d’un autre journal: ‹Libération›. Si le lecteur ne veut pas laisser se tromper par ‹La Liberté›, ni attendre un mois pour lire ‹Libération›, il aurait pu acheter le 21 avril 2007 le journal ‹24 heures› pour lire beaucoup plus de détails que ‹Libération› relate un mois plus tard.»

D. Le 21 mai 2007, Louis Ruffieux, rédacteur en chef de «La Liberté», lui a répondu: «Je vous informe que je ne publierai pas votre lettre. Vous amalgamez un papier d’humeur de Pascal Bertschy (…) et un article de ‹libération› qui revelait de l’information factuelle. Et vous ignorez d’autres ‹papiers› sur M. Wolfowitz publiés par ‹La Liberté›, que vous accusez de tromper ses lecteurs. Quel drôle de procès!»

E. Après une échange d’e-mail ultérieur, le rédacteur en chef de «La Liberté» a maintenu son refus.

F. Par courrier du 29 mai 2007, X. s’est adressé au Conseil suisse de la presse. Selon le plaignant Louis Ruffieux a refusé à tort de publier sa lettre de lecteur car l’argumentation du rédacteur en chef de «La Liberté» reposerait sur des faits inexacts et sur des jugements de valeur inadmissibles.

G. Conformément à l’art. 9 al. 3 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence doit refuser les plaintes manifestement infondées, ainsi que celles qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil.

H. La présidence du Conseil suisse de la presse composée par Peter Studer (président), Sylvie Arsever et Esther Diener-Morscher (vice-présidentes) a traité la présente prise de position le 21 septembre 2007 par voie de correspondance.

II. Considérant

Le Conseil suisse de la presse à régulièrement souligné que la publication des lettres des lecteurs relève de la liberté rédactionnelle. Cela signifie aussi que, pas plus qu’un journaliste de la rédaction, un lecteur ne peut revendiquer un droit individuel à une publication (voir p. ex. les prises de position 19/1999, 5/2001, 31/2003, 40/2004, 33/2006, 7/2007). Du point de vue de la déontologie, «La Liberté» était donc libre de publier ou non la lettre du plaignant. Il ne relève pas du compétence du Conseil suisse de la presse de contrôler ni le choix des textes et des lettres de lecteurs publiés par un média ni l’argumentation avancée par la rédaction pour motiver sa décision.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. «La Liberté» n’a pas violé les chiffres 2 (liberté du commentaire et de la critique) et 5 (lettres de lecteurs) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».