I. En fait
A. En date du 11 et 12 octobre 2012 «Le Temps» publie deux articles concernant une affaire de blanchiment d’argent intitulés «Le parquet genevois frappe au cœur d’un réseau de blanchiment» et «La chute brutale de deux financiers genevois». Les articles indiquent ainsi l’origine de suspects: «deux hommes appartenant à une même famille d’origine marocaine» et «les deux frères, citoyens suisses d’origine marocaine, bien implantés dans la communauté israélite de Genève».
B. Le 15 octobre 2012, RTS Info, le portail web de la Radiotélévision Suisse, relate la même affaire. Selon l’avocate du principal suspect, celui-ci ignorait l’existence d’un trafic de drogue. «L’avocate (…) a affirmé au journal ‹Le Temps› que son client ‹soutient que l’argent remis en liquide à ses clients parisiens a été récolté auprès des communautés israélites de France› pour des dons. Ces communautés ‹souhaitent faire des dons à diverses personnes ou écoles religieuses› a affirmé le gestionnaire de fortune, un Suisse d’origine marocaine.»
C. Le 16 octobre 2012 «Le Matin en ligne» et «Tribune de Genève en ligne», qui font partie du newsnet de Tamedia, publient de même un article sur l’affaire de blanchiment («Un gros bonnet du cannabis en fuite au Maroc»). Se référant également au «Temps» ils écrivent qu’«un responsable à Paris du trafic de drogue lié au vaste réseau franco-suisse de blanchiment démantelé en fin de semaine dernière est parti au Maroc juste avant de se faire pincer (…) Cet homme d’origine marocaine a été présenté comme un ami d’enfance par le gestionnaire de fortune, principal suspect en Suisse (…) Il aurait expliqué que cet ami lui avait proposé un arrangement permettant à ses clients de disposer en toute discrétion de liquidités en France contre des virements de leur compte suisse vers des ‹donateurs cherchant à fournir de l’argent en toute discrétion à des personnes ou des institutions en Israël ou ailleurs›.»
D. Le 19 octobre et 16 novembre 2012, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme – Genève (Licra) saisit le Conseil suisse de la presse. Selon la plaignante, en mentionnant l’appartenance religieuse et nationale des personnes impliquées «Le Temps»/RTS Info/«Tribune de Genève»/«Le Matin» violent le chiffre 8 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».
E. Selon l’art. 12, alinéa 1 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière.
F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 15 mars 2013 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Selon l’article 10, alinéa 1 de son règlement, le Conseil suisse n’entre pas en matière si une plainte est manifestement infondée.
2. Le chiffre 8 de la «Déclaration» dit: «Respecter la dignité humaine; le/la journaliste doit éviter toute allusion, par le texte, l’image et le son, à l’appartenance ethnique ou nationale d’une personne, à sa religion, à son sexe ou à l’orientation de ses mœurs sexuelles, ainsi qu’à toute maladie ou handicap d’ordre physique ou mental, qui aurait un caractère discriminatoire.» Selon la Directive 8.2 relative à la «Déclaration» «la désignation de l’appartenance ethnique ou nationale, de l’origine, de la religion, de l’orientation sexuelle et/ou de la couleur de peau peut avoir un effet discriminatoire, en particulier lorsqu’elle généralise des jugements de valeur négatifs et qu’elle renforce ainsi des préjugés à l’encontre de minorités. C’est pourquoi les journalistes font une pesée des intérêts entre la valeur informative et le danger d’une discrimination. Ils respectent le principe de la proportionnalité.»
Dans ses prises de position sur l’interdiction de la discrimination et sur la dignité humaine (voir par exemple la prise de position 32/2006) le Conseil de la presse a constamment rappelé qu’une déclaration dépréciative à l’égard d’un groupe ou d’un individu devait atteindre une intensité certaine pour être considérée comme avilissante ou discriminatoire.
3. En l’occurrence «Le Temps», RTS-Info, «Le Matin» et la «Tribune de Genève» mentionnent certes la nationalité voir l’origine de personnes suspects d’un délit et ils indiquent qu’ils sont «bien implantées dans la communauté israélite de Genève» ainsi que le principal suspect «soutient que l’argent (…)a été récolté auprès des communautés israélites de France». Pour le Conseil de la presse ni la mention de l’origine marocaine, ni celle de la communauté israélite ne font référence à des valeurs négatives en les généralisant. De même, il ne saurait être question de déclarations dépréciatives à l’égard de ces groupes. Dès lors, la plainte est manifestement infondée.
III. Conclusion
L’entrée en matière est refusée.