I. En fait
A. Le 23 mars 2023, le journal «La Liberté» a publié un article intitulé «L’école tient la ferme à distance», concernant un conflit entre le cycle d’orientation de Riaz et un paysan voisin. Quelques jours après, le plaignant envoie un «projet d’une lettre de lecteur» à la rédaction d’un autre journal, «La Gruyère», à ce sujet. Le 30 mars 2023, François Pharisa, rédacteur en chef de «La Gruyère», lui fait part de sa décision de ne pas publier la lettre et l’invite à envoyer son courrier de lecteur directement à «La Liberté». En plusieurs courriels au rédacteur en chef de «La Gruyère» le plaignant formule des contre-propositions sur l’encadrement de son courrier des lecteurs, en se référant toujours à l’article dans «La Liberté». Le même jour, mais quelques heures plus tard, le plaignant envoie un «projet d’article» à «La Gruyère», qui résume sa discussion avec le rédacteur en chef François Pharisa sur la non-publication de la lettre. Il en demande la publication, ce que le rédacteur en chef refuse en lui écrivant: «Comme vous écrivez régulièrement des courriers des lecteurs, que nous publions, nous préférons privilégier les courriers se rapportant à des papiers parus dans nos colonnes.»
B. Le 6 avril 2023 X. saisit le Conseil suisse de la presse. Il fait valoir une violation de la directive 5.2 (courrier des lecteurs) relative à la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après: «Déclaration»). Selon le plaignant, la «jurisprudence» du Conseil prévoit que les rédactions doivent se montrer larges d’esprit, «notamment quand l’auteur d’une lettre de lecteur s’en prend vivement à la rédaction». Et une rédaction doit se montrer particulièrement généreuse en la matière en situation de monopole ou quasi-monopole. Il fait également valoir une violation des directives 2.1 (liberté d’information) et 2.2 (pluralisme des points de vue) relative à la «Déclaration».
C. Le 15 août 2023, le Conseil de la presse informe le plaignant que sa plainte sera traitée par la présidence du Conseil.
D. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, «la présidence traite les plaintes sur lesquelles le Conseil n’entre pas en matière».
F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Susan Boos (présidente), Annik Dubied (vice-présidente), Jan Grüebler (vice-président) et Ursina Wey (directrice), a traité la plainte le 22 décembre 2023 par voie de correspondance.
II. Considérant
L’article 11 du règlement du Conseil suisse de la presse stipule qu’une des raisons de ne pas entrer en matière sur une plainte est qu’elle est manifestement infondée. Ce qui est le cas en l’espèce. Le plaignant demande en effet le droit de faire publier un «article de lecteur» dans le journal qu’il a choisi, parce qu’il estime que la question qu’il soulève est d’intérêt régional. Il ne s’agit pourtant pas d’un droit listé dans la «Déclaration», les rédactions décidant librement de publier ou non les lettres de lecteurs.
La directive 5.2 (courrier des lecteurs et commentaires en ligne) stipule qu’il convient accorder la plus large place possible à la liberté d’expression dans le courrier des lecteurs. Les médias à prédominance locale devraient en particulier se montrer aussi généreux que possible. Mais selon la pratique du Conseil suisse de la presse, eux non plus n’ont pas l’obligation de publier chaque courrier.
La liberté d’information (directive 2.1), pour sa part, condition première de la recherche de la vérité, n’est pas applicable dans ce cas, puisqu’elle concerne les journalistes.
La directive 2.2 (pluralisme des points de vue), enfin, est effective lorsqu’un média est en situation de monopole. Ceci ne s’applique pas non plus dans le cas présent: «La Gruyère» n’est pas en situation de monopole. La preuve en est que l’article critiqué a été publié dans un autre journal régional.
Pour conclure, l’argument de la «mise en cause de la rédaction», qui donnerait « droit » à une publication d’une lettre du lecteur, n’est pas pertinente. En effet dans le cas présent le plaignant ne critique pas la rédaction de «La Gruyère», mais bien celle de «La Liberté».
III. Conclusion
Le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière sur la plainte.