I. En fait
A. 1) Le 3 septembre 2018, «RTS info» publie un article intitulé «Renforcement de l’autonomie catalane promis par Pedro Sanchez». L’article est accompagné d’un secondaire, sous le titre «La Catalogne en crise depuis 2017». Un rappel qui fait remonter la crise au 1er octobre 2017, «quand l’ancien président indépendantiste Carles Puigdemont a organisé un référendum d’autodétermination, malgré l’interdiction proclamée par le gouvernement central».
A. 2) Le 5 septembre 2018, un autre article de «RTS info», basé sur une dépêche ATS, est intitulé «Les indépendantistes catalans reprennent l’offensive politique». L’article se conclut par la phrase suivante: «A son arrivée au pouvoir en juin, Pedro Sanchez avait adopté un ton plus modéré que son prédécesseur Mariano Rajoy envers les séparatistes, et avait levé la tutelle.»
A. 3) Le 2 octobre 2018, nouvel article de «RTS info» basé sur une dépêche ATS: «Heurts à Barcelone un an après le référendum d’autodétermination». L’article décrit plusieurs incidents: des barrières protégeant l’entrée du parlement régional renversées par des manifestants, provoquant une réplique des policiers régionaux; des actions coups de poing de groupes indépendantistes radicaux qui se sont multipliées à travers la Catalogne. Cela à l’occasion du 1er anniversaire du référendum d’autodétermination voulu par l’exécutif catalan et «interdit par Madrid». Un article secondaire ajoute que «le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a vertement rappelé à l’ordre (…) le président indépendantiste catalan Quim Torra, (…) accusé d’‹encourager les radicaux›.»
B. Le 10 octobre 2018, X. saisit le Conseil de la presse à propos de ces trois articles. Pour elle, en ce qui concerne la publication du 3 septembre (ci-dessus A. 1), le secondaire de «RTS info» a violé le devoir de respecter la vérité en parlant d’une interdiction de référendum «proclamée par le gouvernement espagnol». Or fait-elle remarquer, l’Espagne est un Etat de droit et c’est le Tribunal constitutionnel espagnol qui a annulé la «loi du référendum».
Concernant la publication du 5 septembre (ci-dessus A. 2), la plaignante estime que «RTS info» a une nouvelle fois violé le devoir de respecter la vérité. En effet, ce n’est pas le nouveau président du gouvernement espagnol qui a levé la tutelle. Il s’agirait simplement d’un hasard du calendrier, puisque cette tutelle devait être levée à l’entrée en fonction du nouveau gouvernement catalan.
Pour ce qui est enfin de la publication du 2 octobre, la plaignante relève trois violations de la Charte déontologique. Une «information incomplète», parce que l’article n’a de loin pas énuméré tous les incidents qui se sont déroulés. L’«omission d’une information essentielle» parce que le secondaire, qui parle du rappel à l’ordre du chef du gouvernement espagnol au leader catalan, aurait en revanche omis de mentionner que tels encouragements à la violence avaient bel et bien été proférés par M. Torra. Enfin, dans l’article principal, «RTS info» aurait donné à nouveau une «information inexacte» en parlant du référendum d’autodétermination «interdit par Madrid» – alors qu’il l’a été par le Tribunal constitutionnel.
C. «RTS info» prend position sur la plainte le 21 janvier 2019, sous la plume de Nicolas Roulin, rédacteur en chef, et Anaïs Fontaine, du Service juridique.
Concernant la publication du 3 septembre (ci-dessus A. 1) «RTS info» donne raison à la plaignante. C’est bien le Tribunal constitutionnel espagnol qui a interdit le référendum. Il ne s’agit toutefois que d’une «imprécision dans le texte», qui depuis a été rectifiée.
Pour ce qui est de l’article du 5 septembre (ci-dessus A. 2), «RTS info» rappelle que selon sa pratique constante, le Conseil de la presse admet qu’une information donnée par une agence de presse ne doit pas être revérifiée, pour autant que la source soit indiquée. Or cette source est indiquée au bas de l’article, et l’original de la dépêche d’agence disait ce qui suit: «Dès son arrivée au pouvoir (…) le socialiste Pedro Sanchez (…) a levé la tutelle que Madrid exerçait sur la Catalogne.» Là encore, «RTS info» a rectifié sa dépêche comme suit: «Cette tutelle a été levée suite à l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement en Catalogne.»
Concernant enfin la publication du 2 octobre (ci-dessus A. 3), «RTS info» qu’il relève de sa liberté rédactionnelle de ne pas énumérer tous les événements violents survenus lors de cet anniversaire. Pour ce qui est des «appels à la violence» du leader autonomiste catalan, l’article a choisi de l’évoquer à travers l’avertissement du chef du gouvernement espagnol. Quant au référendum «interdit par Madrid», «RTS info» a repris là encore l’expression de la dépêche ATS, mais l’a rectifiée par la suite.
En conclusion, la RTS constate qu’aucune demande de rectification ne lui a été adressée avant le dépôt de la plainte, et que c’est dans le cadre de l’examen de cette dernière que la rédaction a pris les mesures nécessaires afin de corriger les imprécisions contenues dans les articles visés.
D. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.
E. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le 26 août 2019 par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Sur le plan formel, la plainte n’est pas tout à fait correcte, dans la mesure où elle se réfère à la déclaration des devoirs de la Charte de Munich, et non à la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (ci-après «Déclaration») qui seule constitue la base des appréciations du Conseil suisse de la presse. Cependant, il est évident que la Déclaration helvétique descend en droite ligne de la Charte de Munich, et que les principes déontologiques évoqués dans la plainte concordent quasiment au mot prêt dans les deux chartes déontologiques. Le Conseil de la presse peut donc sans autre entrer en matière sur la plainte, d’autant plus que la partie défenderesse elle-même ne tire pas argument de cette erreur formelle.
2. La plaignante met le doigt sur plusieurs imprécisions incontestables, et d’ailleurs reconnues par la partie défenderesse. Mais d’une part le Conseil de la presse reconnaît effectivement qu’il n’y a pas d’obligation de revérifier une information donnée par une agence de presse, pour autant que cette source soit citée. D’autre part le Conseil considère que ces imprécisions («Madrid» au lieu de «Tribunal constitutionnel» par exemple) n’ont pas le poids de violations de la «Déclaration des devoirs et des droits». Il en irait autrement si «RTS info» en avait tiré argument pour mettre en doute la qualité d’Etat de droit de l’Espagne, comme la plaignante le sous-entend. Mais force est de reconnaître que telle intention ne transparaît nullement dans les articles disputés. Le chiffre 1 (Rechercher la vérité) de la «Déclaration» n’a donc pas été violé.
2. Le respect par «RTS info» de son devoir de rectification est encore plus évident. En effet, les imprécisions relevées par la plainte ont été corrigées dès que la rédaction en a eu connaissance. Certes, «RTS info» n’a pas rendu attentif le public à ses erreurs, comme le demande en principe le Conseil de la presse, mais s’agissant d’imprécisions relativement mineures, le Conseil considère que le chiffre 5 de la «Déclaration» n’a pas non plus été violé.
3. «RTS info» enfin a-t-elle contrevenu à la «Déclaration» en son chiffre 3, en omettant d’énumérer tous les incidents survenus lors de l’anniversaire du référendum, et en omettant de mentionner comment le leader autonomiste tancé par le Chef du gouvernement espagnol a appelé à la violence? Le Conseil de la presse répond par la négative. Les rédactions sont libres de choisir les informations qu’elles publient, et les omissions relevées par la plaignante n’étaient pas essentielles et leur omission n’a pas dénaturé l’information donnée.
III. Conclusions
1. La plainte est rejetée.
2. En publiant «Renforcement de l’autonomie catalane promis par Pedro Sanchez», «Les indépendantistes catalans reprennent l’offensive politique», et «Heurts à Barcelone un an après le référendum d’autodétermination», «RTS info» n’a violé ni le chiffre 1 (recherche de la vérité), ni le chiffre 3 (omission d’éléments d’information essentiels), ni le chiffre 5 (rectification) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».