Zusammenfassung
Unter dem Titel «Die seltsamen Verrenkungen von Christian Lüscher» wies die Zeitschrift «L’Hebdo» am 19. März 2015 auf einen eventuellen «Interessenkonflikt» Lüschers in seiner Funktion als freisinniger Genfer Nationalrat hin. Zum einen verteidige er als Anwalt die Interessen seines Klienten, des Sohns von General Abacha, welcher angeklagt ist, seinem Vater in den 90er Jahren bei der Veruntreuung von Millionen geholfen zu haben. Andererseits war er als Parlamentarier und Mitglied der Kommission für Rechtsfragen dazu aufgerufen, darüber zu befinden, wie diese Gelder der übervorteilten Bevölkerung am Besten zurückerstattet werden können.
«L’Hebdo» zitiert einen sich kritisch äussernden sozialdemokratischen Parlamentarier, welcher erklärte, Lüscher habe seinen «Interessenkonflikt» nicht offengelegt. Hingegen verschweigt das Magazin die Aussage eines christlichdemokratischen Nationalrats, welcher angab, Christian Lüscher habe während der Beratung der Gesetzesvorlage über Potentatengelder in der Rechtskommission spontan auf sein Anwaltsmandat hingewiesen, ohne jedoch das Datum dieser Aussage näher benennen zu können. «L’Hebdo» stützte sich dabei auf ein Protokoll der Kommission, von dem das Magazin Kenntnis hatte. Dieses erwähnte keine entsprechende Intervention Lüschers während der Sitzung.
Der Schweizer Presserat sieht in diesem Vorgehen eine Verletzung von Ziffer 3 der «Erklärung der Pflichten und Rechte der Journalistinnen und Journalisten» begründet. Sie verlangt von Journalisten, keine wichtigen Elemente von Informationen zu unterschlagen. Der Presserat ruft in Erinnerung, dass Medien nicht verpflichtet sind, alle Informationen, die sie im Rahmen einer Recherche zusammen getragen haben, zu veröffentlichen. Vorliegend lagen zwei gegensätzliche Aussagen vor. Gerechterweise hätte deshalb die Lüscher entlastende Aussage des christlichdemokratischen Parlamentariers erwähnt werden müssen, auch wenn das Datum der Intervention Lüschers in der Kommission unklar blieb.
Résumé
Dans un article titré «L’étrange gymnastique de Christian Lüscher», publié le 19 mars 2015, le magazine «L’Hebdo» mettait le doigt sur un possible «conflit d’intérêt» que connaîtrait le libéral-radical genevois dans sa fonction de conseiller national. D’une part, comme avocat, il devait défendre les intérêts de son client, le fils du général Abacha, accusé d’avoir aidé son père à détourner des millions dans les années 1990. D’autre part, comme parlementaire, il était appelé à débattre de la meilleure manière de rendre les millions volés aux populations lésées, dans le cadre de la Commission des affaires juridiques du Conseil national.
«L’Hebdo» cite un député socialiste très critique, selon lequel Christian Lüscher n’aurait pas annoncé son «conflit d’intérêt». Il écarte en revanche l’avis d’un démocrate-chrétien, qui prétend que Christian Lüscher avait annoncé spontanément, lors du traitement du projet de loi sur les «potentats», ses liens d’intérêts comme avocat, sans toutefois pouvoir préciser la date de cette intervention. Pour faire ce choix, «L’Hebdo» se base, sans le citer, sur un procès-verbal dont il a eu connaissance, et qui ne mentionnait pas cette intervention en séance.
Le Conseil suisse de la presse a estimé que le chiffre 3 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste», qui impose aux journalistes de «ne pas supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels», a été violé. Il est bien clair, rappelle le Conseil, que les médias ne sont pas tenus de publier toutes les informations glanées sur un sujet. Toutefois, dans ce cas de figure, alors qu’il n’existait que deux avis contradictoires, le témoignage à décharge du conseiller national démocrate-chrétien aurait dû figurer dans l’article par souci d’équité, même s’il reste flou concernant la date d’intervention de Christian Lüscher devant la Commission des affaires juridiques du Conseil national.
Riassunto
In un articolo intitolato «Le strane acrobazie di Christian Lüscher», il settimanale «L’Hebdo» del 19 marzo 2015 segnalava un possibile «conflitto di interessi» riguardante il consigliere nazionale liberale radicale ginevrino Christian Lüscher. Il quale, in quanto avvocato, aveva certamente il diritto di difendere gli interessi di un suo cliente, figlio del generale Abacha, accusato di aver aiutato suo padre a nascondere all’estero i milioni trafugati quando era al potere in Nigeria negli anni Cinquanta, ma come parlamentare membro della Commissione degli affari giuridici del Consiglio nazionale doveva partecipare al dibattito sulla restituzione dei fondi depositati illegalmente in Svizzera.
«L’Hebdo» menziona il parere critico di un deputato socialista, secondo il quale Lüscher avrebbe taciuto il suo «conflitto di interessi». Tralascia invece di citare quello di un deputato democristiano il quale, pur non ricordando la data dell’intervento, si diceva sicuro che Lüscher avesse spontaneamente rivelato quel suo rapporto professionale durante la discussione del disegno di legge sugli averi dei potentati depositati all’estero. Il periodico dice di basarsi su un verbale di cui ha avuto conoscenza, in cui tale intervento non sarebbe citato.
Il Consiglio svizzero della stampa ha ravvisato nella pubblicazione una violazione della cifra 3 della «Dichiarazione dei doveri e dei diritti del giornalista»: non è lecito «sopprimere elementi d’informazione essenziali». È evidente che i media non sono tenuti a citare tutti i particolari – sottolinea il Consiglio – ma nel caso specifico, poiché i pareri espressi sul caso erano due e in contrasto tra loro, la testimonianza del deputato democristiano avrebbe dovuto essere menzionata, anche se mancava l’indicazione circa la data dell’intervento di Christian Lüscher in commissione.
I. En fait
A. En date du 19 mars 2015, le magazine «L’Hebdo» publie un dossier intitulé «La justice genevoise clôt l’affaire Abacha en catimini», sous la double signature de Marie Maurisse et François Pilet. L’enquête comporte un second article titré «L’étrange gymnastique de Christian Lüscher» et illustré par une photo-portrait de l’avocat genevois. Ce texte est introduit ainsi: «Comme avocat, il [Christian Lüscher] défend les intérêts de son client, le fils du général Abacha, accusé d’avoir aidé son père à détourner des milliards dans les années 90. Comme parlementaire, il débat de la meilleure manière de rendre les millions volés aux populations lésées. Pour certains élus, la double vie du conseiller national libéral-radical genevois Christian Lüscher s’apparente à un conflit d’intérêts.» Pour démontrer l’existence de ce «conflit d’intérêts», les auteurs affirment que Christian Lüscher n’a pas formellement informé ses collègues de la Commission des affaires juridiques du Conseil national de son mandat dans l’affaire Abacha, alors qu’il l’a fait lors de la séance de la Commission de politique extérieure. L’accusation est également martelée par le socialiste Jean Christophe Schwaab: «La moindre des choses, ce serait que Christian Lüscher mette sur la table son mandat devant la Commission des affaires juridiques et fasse preuve de retenue sur le sujet de la restitution des avoirs. Il y a un risque de conflit d’intérêts assez évident!»
B. Le 7 mai 2015, Christian Lüscher porte plainte contre «L’Hebdo» et le journaliste François Pilet devant le Conseil suisse de la presse. Il invoque le ch
iffre 3 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (plus loin «Déclaration») estimant que l’image qui a été publiée de lui a été dénaturée: «Le visage que j’ai normalement a été dénaturé par le recours à une photographie choisie avec soin pour donner de moi la représentation la plus défavorable possible.»
Le plaignant affirme d’autre part que le chiffre 1 de la «Déclaration» sur le devoir de recherche de la vérité a été violé. En effet, estime-t-il, les auteurs ont «sciemment occulté» une information qui leur a été fournie par un membre de la Commission des affaires juridiques. Le démocrate-chrétien Guillaume Barazzone aurait affirmé au journaliste que Christian Lüscher avait annoncé spontanément, lors du traitement du projet de loi sur les «potentats», ses liens d’intérêts comme avocat «dans un dossier en lien avec la thématique traitée en Commission et le Nigeria», sans toutefois pouvoir préciser la date de cette intervention.
Concernant le témoignage du conseiller national Guillaume Barazzone, Christian Lüscher invoque également le chiffre 3 de la «Déclaration», qui impose aux journalistes de «ne pas supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels».
Enfin, le plaignant estime que M. Pilet a violé le chiffre 5 de la «Déclaration», qui oblige à «rectifier toute information publiée qui se révèle matériellement inexacte». Selon lui, le journaliste a en effet omis de citer les déclarations du conseiller national Guillaume Barazzone dans un article publié dans le numéro suivant de «L’Hebdo online» et intitulé «L’embarrassant profil de Christian Lüscher».
C. Le 2 juillet 2015, «L’Hebdo» fait parvenir sa réponse au Conseil suisse de la presse. Le magazine rejette tous les griefs du plaignant. Concernant l’illustration, il assure qu’il s’agit d’une photographie livrée par une agence, Fotoagentur Ex-Press AG, pour laquelle le conseiller national avait lui-même posé devant le photographe au Palais fédéral. Cette photo n’a subi aucune retouche. La même photo a d’ailleurs été publiée dans un autre média, avance le journal.
Concernant la «prétendue déclaration» de M. Lüscher à la Commission des affaires juridiques, «L’Hebdo» estime que les griefs portant sur les chiffres 1, 3 et 5 de la «Déclaration» sont «dénués de tout fondement». Le journaliste François Pilet «a conduit une enquête rigoureuse pour établir en fait si l’assertion de M. Lüscher selon laquelle celui-ci aurait déclaré l’existence de son mandat lors de la séance de la Commission des affaires juridiques de février 2015 était ou non exacte. Confronté à deux témoignages dans une certaine mesure contradictoires, il a tranché sur la base du procès-verbal officiel de cette séance. Il a expressément mentionné la thèse de M. Lüscher dans son article puis y a indiqué que l’enquête qu’il avait menée ne confirmait pas cette thèse.» Le journaliste souligne qu’étant donné que ce procès-verbal était secret, il ne pouvait publier qu’il y avait eu accès sans risquer de mettre en danger la personne qui le lui avait communiqué.
D. Le plaignant Christian Lüscher demande la récusation de Michel Zendali qu’il suspecte de parti pris. Le présidium rejette cette requête, les divergences de vue entre le plaignant et M. Zendali concernant la fiscalité des entreprises ne constituant pas un motif de récusation en l’espèce. M. Zendali décide pour sa part de ne pas se récuser.
E. Le 22 juillet, le présidium du Conseil suisse de la presse décide de transmettre la plainte à la deuxième Chambre. Cette Chambre est composée de Dominique von Burg (président), Michel Bührer, Annik Dubied, Pascal Fleury, Anne Seydoux, Françoise Weilhammer et Michel Zendali.
F. La deuxième Chambre du Conseil suisse de la presse traite la plainte lors de ses séances du 28 août et du 6 novembre 2015 ainsi que par voie de correspondance.
II. Considérants
1. Le Conseil de la presse constate d’abord que les griefs du plaignant concernant la publication de son portrait pour illustrer un sujet qui le concerne directement ne résistent pas à l’analyse. La photographie utilisée a été livrée par une agence, elle a été faite au Palais fédéral avec l’accord du plaignant qui a posé devant le photographe, elle a été utilisée par un autre média, et n’a aucunement été modifiée, ni même recadrée. Qu’elle ait été choisie plutôt qu’une autre par la rédaction était du strict droit journalistique du média. Une photographie non modifiée ne peut pas «dénaturer» son modèle. Pour «dénaturer» une image, au sens du chiffre 3 de la «Déclaration», il faudrait au moins qu’elle soit retouchée. Ici, cela n’a visiblement pas été le cas. Le chiffre 3, sous cet aspect, n’a donc pas été violé.
2. Concernant le chiffre 1 de la «Déclaration», le Conseil suisse de la presse observe que la recherche de la vérité a été respectée. Les journalistes ont eu accès à diverses sources, dont une qu’ils ne pouvaient pas citer. Il aurait certes été souhaitable qu’ils interrogent davantage de membres de la Commission des affaires juridiques du Conseil national pour être sûrs que le plaignant n’a jamais déclaré son conflit d’intérêt. Toutefois, après discussion, le Conseil de la presse estime qu’il n’y a pas là violation du chiffre 1.
3. En revanche, affirme le Conseil suisse de la presse, le chiffre 3 de la «Déclaration», qui impose aux journalistes de «ne pas supprimer des informations ou des éléments d’information essentiels», a été violé. Il est bien clair, rappelle-t-il, que les médias ne sont pas tenus de publier toutes les informations glanées sur un sujet. C’est un choix qu’ils peuvent assumer. Toutefois, dans ce cas de figure, alors qu’il n’existait que deux avis contradictoires, le témoignage du conseiller national Guillaume Barazzone aurait dû figurer dans l’article par souci d’équité, même s’il reste flou concernant la date d’intervention de Christian Lüscher devant la commission. Ce témoignage aurait aussi permis de nuancer le propos. En privilégiant, par la seule mention, un avis sans tenir compte de l’avis opposé, «L’Hebdo» a violé le chiffre 3.
4. Quant au chiffre 5 de la «Déclaration», invoqué par le plaignant, il est non avenu dans ce cas de figure. «Rectifier toute information publiée qui se révèle matériellement inexacte» n’est en effet possible que dans le cas où il peut y avoir démonstration de l’inexactitude de l’information. En l’occurrence, il n’existe que deux sources contradictoires pour s’assurer de la vérité.
III. Conclusions
1. La plainte est partiellement acceptée.
2. En publiant les articles «La justice genevoise clôt l’affaire Abacha en catimini» et «L’étrange gymnastique de Christian Lüscher» le 19 mars 2015 «L’Hebdo» a violé le chiffre 3 (suppression d’éléments d’information) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».
3. Pour le reste, la plainte est rejetée. «L’Hebdo» n’a pas violé les chiffres 1 (recherche de la vérité), 3 (sous l’aspect de la dénaturation d’images) et 5 (rectification) de la «Déclaration des devoirs et droits du/de la journaliste».