Nr. 76/2019
Accusations anonymes et gratuites / Discrimination

(Opre Rrom c. «24 heures»)

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I. En fait

A. Le 22 janvier 2019, «24 heures» publie en page 1 un article intitulé «La barbarie d’un réseau de prostitution rom à Lausanne», et en page 5 un article plus détaillé, sous le titre «La police démantèle un réseau rom de proxénètes actifs à Lausanne». Puis, dans un article publié le 8 avril et intitulé «Le destin douloureux des victimes des réseaux», «24 heures» mentionne à nouveau «le démantèlement d’un réseau rom».

B. Le 11 avril 2019, «Opre Rrom», association lausannoise d’action et de solidarité avec les Roms, saisit le Conseil suisse de la presse. Le réseau dont il est question dans les articles susmentionnés serait à tort qualifié de «rom», puisqu’il s’agit d’un réseau de prostitution roumain, «jamais qualifié de ‹rom› – définition ethnique – ni par la police ni dans d’autres journaux». «Cette dénomination, précisent les plaignants, était à ce moment susceptible de provoquer des amalgames évidents vu que l’interdiction de la mendicité venait d’être décidée, ciblant particulièrement les Roms, identifiés, souvent faussement, à des réseaux.» Concrètement, les plaignants estiment que «24 heures», dans les titres des deux premiers articles et dans le rappel du troisième, a violé les chiffres 7 (accusations anonymes et gratuites) et 8 (discrimination) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».

C. Le 28 mai 2019, le rédacteur en chef de «24 heures», Claude Ansermoz, prend position et demande au Conseil de la presse de rejeter la plainte. D’une part, fait valoir le rédacteur en chef, l’usage du terme «rom» n’est pas hasardeux, puisque le procureur en charge de l’affaire a confirmé au journaliste qu’il s’agissait effectivement d’un réseau composé de roms. De plus, contrairement à ce qu’affirment les plaignants, d’autres journaux ainsi que la dépêche de l’Agence télégraphique suisse (ATS) ont fait état d’un réseau rom, preuves à l’appui. Quant à la violation alléguée de l’interdiction de discriminer, Claude Ansermoz relève que «24 heures» n’a à aucun moment généralisé l’existence de ce réseau à l’ensemble des roms.

D. Selon l’art. 13 alinéa 1 du règlement du Conseil suisse la presse, la présidence traite les plaintes qui, dans leurs éléments essentiels, concordent avec des cas déjà traités par le Conseil de la presse ou qui revêtent une importance mineure.

F. La présidence du Conseil suisse de la presse, composée de Dominique von Burg (président), Francesca Snider (vice-présidente) et de Max Trossmann (vice-président), a traité la présente prise de position le x décembre 2019 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. En ce qui concerne les allégations d’«accusations anonymes et gratuites», le Conseil de la presse juge convaincantes les explications de «24 heures». La confirmation du procureur en charge de l’enquête ainsi que le fait que d’autres médias ont qualifié de réseau de «rom» réduisent à néant les accusations des plaignants.

2. Pour ce qui est de la violation présumée du chiffre 8 (discrimination) de la «Déclaration», le Conseil de la presse rappelle que pour que l’interdiction de discriminer soit établie d’un point de vue déontologique, il faut qu’il y ait généralisation de préjugés négatifs sur l’ensemble d’une population. Désigner un réseau de prostitution de «rom» n’implique nullement que tous les roms se rendraient coupables de tels actes délictueux. Le chiffre 8 de la «Déclaration» n’est pas violé.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée.

2. En publiant trois articles évoquant le démantèlement d’un réseau de prostitution rom à Lausanne, «24 heures» n’a pas violé les chiffres 7 (accusations anonymes et gratuites) et 8 (discrimination) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».