Nr. 17/2012
Vérité / Loyauté de la recherche / Compte-rendu judiciaire

(Poncet c. «Tribune de Genève») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 20 avril 2012

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Zusammenfassung

Gerichtsberichterstattung: persönliche Anwesenheit nicht erforderlich
Medien dürfen auch über Ereignisse berichten, bei denen sie nicht vor Ort dabei sind. Dies hält der Presserat in einer Stellungnahme zu einer Beschwerde über eine Gerichtsberichterstattung fest.

Im Dezember 2011 berichtete die «Tribune de Genève» über den Strafprozess in der Affäre Aranda. Charles Poncet, einer der Verteidiger des Angeklagten beschwerte sich beim Presserat über die Autorin des Berichts, welche darin vortäusche, sie sei an der Gerichtsverhandlung anwesend gewesen, obwohl dies nicht zutreffe. Und er stellte generell infrage, ob ein Medium über eine Gerichtsverhandlung berichten dürfe, ohne vor Ort anwesend zu sein.

Der Presserat weist in seiner Stellungnahme 17/2012 darauf hin, dass Medien häufig über Ereignisse – auch über Gerichtsentscheide – berichten, bei denen sie nicht unmittelbar dabei sind. Beim beanstandeten Bericht deutet einzig die Formulierung «en regardant le juge» auf eine Anwesenheit der Journalistin hin. Insgesamt wird die Leserschaft aber nach Auffassung des Presserats keineswegs dahingehend in die Irre geführt, die Gerichtsberichterstatterin sei an der Gerichtsverhandlung anwesend gewesen.

Résumé

Compte rendu judiciaire: présence personnelle non exigée
Les médias peuvent rendre compte d’événements même s’ils n’y assistent pas sur place. Le Conseil suisse de la presse le précise dans une prise de position concernant une plainte portant sur un compte rendu judiciaire.

En décembre 2011, la «Tribune de Genève» rendait compte d’un procès pénal concernant l’affaire Aranda. Charles Poncet, l’un des défenseurs de l’accusé a porté plainte contre le quotidien, estimant que l’auteure du compte rendu avait fait croire qu’elle avait assisté au procès, alors que ce n’était pas le cas. Sur le principe, le plaignant s’est demandé, si un média pouvait rendre compte d’un procès sans avoir assisté aux débats.

Dans sa prise de position 17/2012, le Conseil suisse de la presse souligne que les médias rendent fréquemment compte d’événements – dont des décisions judiciaires – sans y assister directement. Dans le compte rendu contesté seule la formulation «en regardant le juge» laisse entendre que la journaliste était présente. De l’avis du Conseil de la presse, les lecteurs ne sont pas induits en erreur de façon générale au point de faire croire que l’auteur du compte rendu aurait assisté aux débats du tribunal.

Riassunto

Non occorre che il giornalista assista a un processo per poterne riferire
Non occorre che il giornalista sia stato presente a un fatto perché il giornale ne possa riferire. Lo ricorda il Consiglio della stampa rispondendo a un reclamo contro un resoconto giudiziario.

La «Tribune de Genève» aveva pubblicato nel dicembre 2011 il resoconto di un processo penale sul «caso Aranda». Uno dei difensori, l’avvocato Charles Poncet, si è rivolto al Consiglio della stampa osservando che l’autrice del servizio dava l’impressione di essere stata presente al processo, il che non era vero. La questione generale sollevata nel reclamo era se un giornale può riferire su un procedimento giudiziario senza avervi mandato un suo giornalista.

Il Consiglio della stampa, nella sua risposta al reclamo, rimanda alla Presa di posizione 17/2012, in cui si constatava che i media riferiscono spesso su avvenimenti – compresi i processi – ai quali non hanno direttamente assistito. Nell’articolo contestato, unicamente la frase: «guardando il giudice» può alludere a una presenza della giornalista al processo. Ma è troppo poco per concluderne che il lettore è tratto in inganno circa il fatto che la giornalista vi avesse assistito.


I. En fait

A. Le 16 décembre 2011, sous la signature de Catherine Focas, la «Tribune de Genève» publie un article titré «L’archange Gabriel condamné en appel». L’article relate l’audience tenue quelques jours auparavant devant la Cour correctionnelle de la République et Canton de Genève sur l’affaire Gabriel Aranda, accusé de contrainte sexuelle à l’endroit de sa fille. Condamné une première fois pour viol et contrainte sexuelle, ce dernier a été acquitté en appel de la première accusation mais pas de la seconde pour laquelle il comparaissait donc à nouveau devant la justice. Au terme de cette audience, M. Aranda est condamné pour le seul grief de contrainte sexuelle à 3 ans de prison.

B. Le 22 décembre 2012, Me Charles Poncet, Genève, défenseur avec Me Marc Bonnant de Gabriel Aranda, saisit le Conseil suisse de la presse d’une plainte contre l’article susmentionné. Constatant l’absence de son auteure à l’audience, Me Poncet estime que cette dernière a violé le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» et la Directive 1.1 (recherche de la vérité) y relative au motif que l’article laisserait entendre qu’elle était présente. Me Poncet estime qu’est également violé le chiffre 4 de la «Déclaration» qui prescrit au journaliste de ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations et le chiffre 7.4 des Directives qui fixe les règles du compte-rendu judiciaire, concernant notamment la mention, la présomption d’innocence et la protection de l’entourage de la personne condamnée.

Le plaignant demande au Conseil de trancher plus généralement les questions de principe suivantes: un journaliste peut-il rendre compte d’une audience judiciaire sans y avoir assisté? D’autre part, s’il n’a pas assisté à l’audience, un journaliste doit-il recueillir le point de vue de toutes les parties au procès?

C. Le 13 février 2012, le rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», Pierre Ruetschi, et la journaliste auteure de l’article font parvenir leur réplique au Conseil. Ils rappellent d’abord que le plaignant a entrepris trois actions judiciaires ou déontologiques à l’égard de la journaliste ces deux dernières années. Sur le fond, s’ils admettent que la journaliste n’a en effet pas assisté à l’audience, ils jugent que pour autant le lecteur n’est pas trompé: aucun élément n’indique cette présence et l’illustration de l’article (un dessin du visage de l’accusé) est expressément daté de 2009.

Les informations contenues dans l’article ont été recueillies à plusieurs sources, expliquent-ils, et ne l’ont pas été de manière déloyale. Par ailleurs, arguent-ils, l’article dont il est question ici n’est pas un compte-rendu judiciaire classique. Il ne traite pas de l’affaire au fond mais se contente de rapporter des incidents d’audience. D’ailleurs, le plaignant ne conteste en rien le contenu de l’article. Enfin, rien dans ce compte-rendu ne leur semble porter atteinte à la vie privée de l’accusé ou de ses proches. Ils concluent donc au rejet de la plainte.

D. La plainte est traitée le 20 avril 2012 ainsi que par correspondance par la deuxième Chambre du Conseil suisse de la presse, composée de Michel Bührer, Annik Dubied, Pascal Fleury, Anne Seydoux, Françoise Weilhammer et Michel Zendali. Dominique von Burg, ancien rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», se récuse.

II. Considérants

1. Le plaignant pose d’abord deux questions de principe: un journaliste peut-il faire le compte-rendu d’un
e audience de tribunal à laquelle il n’a pas assisté? Au cas où il n’aurait pas assisté à une audience de tribunal, a-t-il l’obligation de prendre l’avis de toutes les parties concernées? Le Conseil suisse de la presse rappelle que le journaliste a le choix de ses sources d’information et de la manière dont il les obtient dans les limites des règles de la «Déclaration». Il est courant que des journalistes écrivent sur ou à propos d’événements auxquels ils n’ont pas assisté. Dans le cas des procès à huis-clos par exemple, les journalistes ne s’abstiennent pas d’en rendre compte. De même, les règles sont claires en qui concerne l’audition des parties. L’audition avant publication est obligatoire si un journaliste publie un reproche grave (voir la Directive 3.8 relative à la «Déclaration»). Néanmoins, si ce reproche grave émane d’une source officielle – par exemple d’une audience d’un tribunal, la publication ne requiert exceptionnellement pas d’audition (prise de position 57/2010).

2. La plainte porte sur un seul élément véritablement matériel: le lecteur est-il induit à penser que Mme Focas a assisté à l’audience dont elle rend compte et par conséquent serait-il trompé sur ce point? Seuls quelques mots de l’article – rédigé sans citations entre guillemets dans un style factuel – peuvent le laisser penser, ceux où la journaliste écrit: «(…) Gabriel Aranda s’est souvenu mercredi, jour de l’audience, en regardant le juge, que ce dernier avait, en tant qu’avocat, défendu sa fille voici quinze ans (…)». Si ces termes peuvent prêter à confusion, le Conseil suisse de la presse estime qu’ils sont en l’occurrence une figure de style propre à imager la scène dont il est question mais certainement pas à induire que la journaliste était présente. Certes, les informations dont l’article rend compte ne sont pas sourcées et auraient pu l’être, mais cette lacune n’est pas en soi pendable. Le plaignant n’indique d’ailleurs pas en quoi ces informations seraient contraires à la vérité.

Enfin l’illustration de l’article – un dessin du visage de l’accusé – est explicitement datée de 2009, date du premier procès. Le chiffre 1 de la «Déclaration» n’est donc pas violé.

3. Les méthodes déloyales visées par le chiffre 4 de la «Déclaration» visent notamment la dissimulation de la qualité de journaliste ou le paiement d’informations mais pas la rédaction d’un compte-rendu d’audience judiciaire à laquelle l’auteur n’aurait pas assisté. En l’absence d’arguments du plaignant sur une hypothétique violation de la «Déclaration», le Conseil suisse de la presse n’entre pas en matière sur ce grief.

4. La Directive 7.4 traite des compte-rendus judiciaires, de la manière dont sont désignés ou nommés les accusés et l’effet que pourrait avoir cette désignation pour leur entourage. En l’occurrence, M. Aranda est un personnage public dont la notoriété restreint le champ de sa vie privée. Pour autant, le plaignant n’indique pas là encore en quoi l’entourage de l’accusé ou ce dernier auraient été touchés par l’article. Sur ce point, le Conseil n’entre donc également pas en matière.

III. Conclusions

1. La plainte est rejetée dans la mesure où le Conseil suisse de la presse entre en matière.

2. En publiant l’article «L’archange Gabriel condamné en appel» (édition du 16 décembre 2011) la «Tribune de Genève» n’a pas violé les chiffres 1 (vérité), 4 (méthodes déloyales) et 7 (compte rendu judiciaire) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».