Nr. 53/2012
Vérité / Dénaturation des informations

(Baur c. RTS/«Tango») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 31 août 2012

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Zusammenfassung

Eine Fernsehsendung, die sich dem Infotainment, der Unterhaltung und der Provokation verschrieben hat, darf sich auf die Satirefreiheit berufen. Die Satire als Absicht sollte für die Fernsehzuschauer erkennbar sein. Zu diesen Schlüssen ist der Presserat in seiner Stellungnahme zu einer Beschwerde der Gleichstellungsbeauftragten des Kantons Neuenburg, Nicole Baur, gegen die Sendung «Tango» der Radio Télévision Suisse gelangt.

Nicole Baur wurde in einer Sendung zum Thema «Beziehungen zwischen den Geschlechtern und Macht» auf einem Einblender wiederholt als «Chienne de garde» vorgestellt. Auch wenn sie die radikal-feministische Vereinigung mit dem gleichen Namen respektiere, gehöre sie dieser nicht an. Die falsche Zuordnung entstelle zudem ihre Äusserungen.

Der Presserat anerkennt in seiner Stellungnahme, dass die Etikettierung «Chienne de garde» unglücklich und zweideutig ist. Er verneint aber eine Verletzung des Wahrheitspflicht. Der Beschwerdeführerin sei der augenzwinkernde Charakter der Sendung bei ihrer Zusage bekannt gewesen. Ebenso gelte dies für die Fernsehzuschauer.

Résumé

Comme tout autre média, une émission de télévision qui pratique le mélange entre information, divertissement et provocation a droit à la caricature. Il faut évidemment que le contexte soit clair pour le téléspectateur. C’est la conclusion du Conseil de la presse, saisi d’une plainte contre l’émission «Tango» de la RTS par la déléguée à l’égalité du canton de Neuchâtel, Nicole Baur.

Cette dernière avait été qualifiée – à son insu – de «chienne de garde» dans une émission consacrée aux relations entre les hommes, les femmes et le pouvoir. Bien que respectant l’association «Chiennes de garde», qui défend des positions féministes radicales, elle n’en fait pas partie. Elle estimait que l’étiquette qu’on lui collait visait à caricaturer ses propos.

Le Conseil de la presse reconnaît que l’usage de ce qualificatif est malheureux et ambigu, en raison de l’existence d’une organisation portant le même nom, mais estime qu’il ne va pas jusqu’à constituer une violation. En effet, l’invitée était consciente que cette émission ne fait pas dans la nuance, et ce caractère est clairement identifiable par le téléspectateur.

Riassunto

Il diritto alla caricatura, alla televisione come pure su ogni altro mezzo d’informazione, appartiene alle trasmissioni in cui si mescolano informazione, svago e provocazione. Ciò purché il contesto sia chiaro al telespettatore. È la conclusione cui è giunto il Consiglio della stampa rispondendo a un reclamo presentato, contro la trasmissione «Tango» della Radiotelevisione romanda, dalla delegata alle pari opportunità del Canton Neuchâtel, che era stata definita «cane da guardia» in un servizio sui rapporti tra donne, uomini e poteri.

La reclamante faceva valere la sua non-appartenenza all’associazione «Cani da guardia» – che difende  posizioni femministe radicali – sostenendo che tale definizione deformava le sue prese di posizione.

Il Consiglio della stampa riconosce che il termine usato è poco felice e ambiguo, a causa dell’esistenza di un’organizzazione di questo nome, ma il limite della violazione del codice deontologico non è raggiunto. L’invitata alla trasmissione doveva sapere che il tipo di programma è di quelli poco attenti alle sfumature, e che il pubblico la conosce e la interpreta come tale.

I. En fait
A. Le 15 février 2012, la Télévision Suisse Romande (TSR, devenue Radio Télévision Suisse, RTS, depuis) diffuse la deuxième édition de sa nouvelle émission intitulée «Tango». Celle-ci a pour thème général les relations entre hommes et femmes. L’édition du 15 février se focalise sur le pouvoir. Selon le principe de l’émission, les deux animateurs, Sofia Pekmez et Michel Zendali, présentent leurs invités sur un plateau flanqué de gradins accueillant du public, hommes d’un côté, femmes de l’autre.

L’émission est de type «info-tainment», qui mélange information et divertissement. Elle n’est pas signalée comme telle dans le générique, mais le ton et les propos des animateurs-journalistes, ainsi que la disposition du plateau, permettent au spectateur de s’en rendre compte. Chaque invité(e) est identifié(e) par son nom et sa profession, suivis d’un qualificatif censé résumer son caractère, et qui se veut humoristique ou provocateur. Ces indications apparaissent en sous-titre de son image chaque fois qu’un invité prend la parole.

B. Le 23 février 2012, Nicole Baur, déléguée à l’égalité du canton de Neuchâtel, dépose une plainte auprès du Conseil suisse de la presse. Invitée à l’émission du 15 février, elle a été qualifiée de «chienne de garde» dans le sous-titre. Elle précise qu’à aucun moment les responsables de l’émission ne l’ont informée de ce qualificatif. Selon elle, celui-ci est «suffisamment connoté (indépendamment de l’association qui a mon respect) pour qu’on me demande mon avis».

Dans un deuxième courrier daté du 19 mars 2012, Nicole Baur précise que sa plainte porte soit sur le chiffre 1 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» (vérité), soit, si le chiffre 1 ne s’applique pas, sur le chiffre 4 (loyauté de la recherche). Elle estime en effet que le sous-titre «chienne de garde» est soit mensonger (puisqu’elle ne fait pas partie de cette association), soit manipulateur, avec la conséquence de caricaturer ses propos.

C.
Dans sa réplique du 7 juin 2012, la RTS souligne que l’émission Tango est «un talk show» qui, dès son premier numéro «a adopté un ton qui se veut gai, léger, impertinent, parfois polémique et aussi informatif que possible». Ce style est «parfaitement reconnaissable par le public». La RTS précise aussi que les responsables de l’émission ont longuement rencontré Nicole Baur avant l’émission et que cette dernière a été informée de l’objectif de l’émission et de son ton. De plus, elle avait visionné la première édition.

Concernant le qualificatif «chienne de garde», la RTS explique que c’était une allusion aux positions féministes radicales de l’association du même nom. «Nous savions évidemment que Mme Baur n’était pas membre de cette association et il ne s’agissait nullement de la présenter comme telle». Ces termes visaient à caractériser ses positions «qui sont celles d’un féminisme plus classique et déterminé». La RTS conclut qu’il n’y a rien de mensonger ou de manipulateur à utiliser dans cette allusion à une association «respectable et subventionnée» et qu’il y a lieu de rejeter la plainte.

D.
La plainte est traitée en date du 31 août 2012 par la 2ème chambre du Conseil de la presse. Elle se compose de Dominique von Burg (président), Michel Bührer, Annik Dubied, Pascal Fleury, Anne Seydoux, Françoise Weilhammer, Michel Zendali. Françoise Weilhammer et Michel Zendali, salariés de la RTS, se sont récusés. Michel Zendali est aussi journaliste et animateur de l’émission «Tango».

II. Considérants

1. La question est de savoir si, en affublant Nicole Baur, invitée de son émission, du qualificatif «chienne de garde», l’émission «Tango» a violé
soit le chiffre 1 (rechercher la vérité), soit le chiffre 4 (loyauté de la recherche) et plus précisément sa deuxième injonction: «ne pas manipuler ou faire manipuler des images par des tiers en vue de les falsifier». La plaignante indique elle-même, dans sa plainte, avoir été «un peu empruntée» pour trouver dans la «Déclaration» un chiffre qui couvre l’objet de sa plainte, «à savoir attribuer à la personne interviewée un qualificatif mensonger visant à caricaturer ses propos». De l’avis du Conseil, au lieu du chiffre 4 c’est plutôt le chiffre 3 qui est en jeu («ne dénaturer aucun texte, document, image et son, ni l’opinion d’autrui»).

2.
Il n’appartient pas au Conseil de la presse de se déterminer sur la qualité de l’émission «Tango». Il estime cela dit que son caractère d’info-divertissement «léger, impertinent, parfois polémique», selon les termes de la RTS, est perceptible sans équivoque par le public. La plaignante était elle-même avertie de ce caractère. Le Conseil remarque aussi que tous les intervenants sont affublés d’un qualificatif visiblement créé par l’émission, ce qui les met d’une certaine manière à égalité devant la caricature.

3. Le terme «chienne de garde» fait toutefois plus problème, car il se réfère à une organisation existante (contrairement à «chien de garde» dont est affublé un autre invité). Cela peut entraîner une ambiguïté, d’autant plus délicate que cette association véhicule une image de radicalité qui peut colorer les propos de l’invitée, et cela à son insu. Dans sa réplique, la RTS donne pour sa part une explication qui paraît contradictoire en avouant avoir voulu faire allusion à l’association «connue pour ses positions féministes radicales», afin de caractériser les positions de la plaignante «qui sont celles d’un féminisme plus classique et déterminé».

4.
Le Conseil admet que le qualificatif de «chienne de garde» est susceptible de donner une orientation aux propos de la plaignante, à son insu. Il estime toutefois que si le choix de ce qualificatif peut être jugé malheureux, il ne constitue pas une violation de la «Déclaration». En effet, à aucun moment il n’est suggéré directement que Nicole Baur est membre de l’association «Chiennes de garde». Et même si on ne peut pas exclure que quelques spectateurs sont induits en erreur, compte tenu du cadre de l’émission – on se trouve ici clairement dans un contexte de caricature et d’ironie – il serait disproportionné d’en déduire que «Tango» a transgressé soit le chiffre 1 (vérité), soit le chiffre 3 (dénaturation des informations) de la «Déclaration».

III. Conclusions

1.
La plainte est rejetée.

2. En ajoutant le qualificatif «chienne de garde» au nom et à la fonction de son invitée lors de son émission «Tango» du 15 février 2012, la RTS n’a pas violé les chiffres 1 (vérité) et 3 (dénaturation d’informations) de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste».