Nr. 43/2004
Comptes rendus unilateraux / Liberté de commenter

(Burdet c. «24 Heures» / «Le Matin» / «La Presse Nord vaudois») Prise de position du Conseil suisse de la presse du 20 août 2004

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I. En Fait

A. En automne 2003 «24 Heures» a rendu compte dans divers articles de la candidature de l’indépendant et fondateur du «Défi Vaudois», Marc-Etienne Burdet, Yverdon-les-bains, pour l’élection du successeur du conseiller d’Etat vaudois Philippe Biéler. Au premier tour, le 9 novembre 2003, Marc-Etienne Burdet a reçu 2.6% des suffrages. Le candidat le mieux élu, François Marthaler, a obtenu 42.3% des voix. Les autres candidats se sont retirés pour le second tour. Marc-Etienne Burdet a d’abord annoncé son intention de maintenir sa candidature puis y a renoncé pour des raison familiales. Un autre outsider, François de Siebenthal, Lausanne, appartenant lui aussi au «Défi Vaudois», s’est toutefois présenté à sa place. Un second tour a en conséquence eu lieu le 30 novembre 2003, coûtant la somme d’environ CHF 500’000.00 au Canton de Vaud. François Marthaler a été élu pour succéder à Philippe Biéler. Marc-Etienne Burdet (1er tour) et François de Siebenthal (2e) ont fait recours contre les résultats des 9 et 30 novembre 2003, et ont demandé l’annulation des deux scrutins.

B. Le 21 novembre 2003 Marc Etienne Burdet et François de Siebenthal se sont adressés au Juge d’Instruction Cantonal du Canton de Vaud et au Conseil suisse de la presse et ont déposé une «Demande de Mesures provisionnelles d’extrême urgence / Plainte pénale contre Edipresse, «24 Heures» et les journalistes François Othenin-Girard et Burki, pour diffamation, injure et calomnie».

C. Par courrier du 26 novembre 2003, le secrétariat du Conseil suisse de la presse a informé les demandeurs que le Conseil suisse de la presse est un organe de droit privé qui n’a pas de moyens de sanction et ne peut donc imposer aucune mesure provisionnelle aux rédactions. En revanche, il a précisé que les demandeurs étaient libres de déposer une plainte selon l’article 6 alinéa 1 du règlement du Conseil.

D. Le 9 janvier 2004 Marc-Etienne Burdet a déposé une «Plainte pénale contre Edipresse et d’autre part contre les journalistes François Othenin-Girard et Burki, pour diffamation, injure, calomnie et violation de la ÐDéclaration des devoirs et des droits du / de la journalisteð». «Durant toute la campagne électorale, fait-il valoir, Edipresse et ses journalistes ont procédé à la discrimination des candidats hors parti faisant abstraction des règles élémentaires régies par la ÐDéclaration des devoirs et des droits du / de la journalisteð et du règlement y relatif.» Dans sa plainte de cinq pages le plaignant conteste 12 articles et deux caricatures parues dans «24 Heures», «Le Matin» et «Presse Nord Vaudois» et fait valoir en particulier la violation des directives 1.1 (rechercher la vérité), 2.2 (pluralisme des points de vue) 2.3 (Distinction entre l’information et les appréciations) des directives relatives à la «Déclaration» et dénonce plusieurs cas de calomnie et diffamation.

E. Conformément à l’art. 9 al. 3 du règlement du Conseil suisse de la presse, la présidence doit refuser des plaintes manifestement infondées.

F. La présidence du Conseil suisse de la presse composée par Peter Studer (président), Sylvie Arsever et Esther Diener-Morscher (vice-présidentes) a liquidé la présente prise de position le 20 août 2004 par voie de correspondance.

II. Considérants

1. Dans une prise de position non publiée du 19 août 1997 le Conseil de la presse n’est pas entré en matière concernant une plainte de l’Eglise de Scientologie de Zurich qui visait 19 articles rédigés par le journaliste du «Tages-Anzeiger», Hugo Stamm, à son sujet. Le Conseil indiquait, qu’il n’est pas de son devoir de donner un jugement global sur une série d’articles et qu’il ne dispose pas – comme organe de milice – des moyens nécessaires pour une étude si vaste. En l’occurrence le plaignant conteste une série de 12 articles et deux caricatures parues dans trois journaux concernant la campagne électorale pour la succession du conseiller d’Etat vaudois Philippe Biéler. Au vu de cette large quantité des griefs présentés de manière globale, le Conseil de la presse n’est pas en mesure de traiter tous les aspects de la plainte.

2. Dans la mesure où Jean-Marc Burdet prétend que les journaux visés – en premier lieu «24 heures» – ont publié des faits erronés, des calomnies et des diffamations en rapport avec sa candidature et celle de François de Siebenthal le Conseil n’entre pas en matière. Comme il l’a répété à plusieurs occasions, le Conseil suisse de la presse n’est pas en mesure d’apprécier les preuves et les contre preuves apportées par l’une au l’autre partie dans une affaire controversée (prises de position 32 et 35/2002, 33/2004). Le plaignant n’étaie aucunement les accusations extrêmement graves qu’il formule contres les autorités vaudoises et les rédactions de «24 Heures», « Le Matin» et «La Presse Nord Vaudois» (p.ex. celui d’avoir falsifié les résultat des élections). Seule exception mineure: Dans un article publié le 24 septembre 2004 «24 Heures» avait annoncé que Marc Etienne Burdet se présentait aussi comme candidat aux élections fédérale. Par la suite, Jacques Poget, rédacteur en chef de « 24 Heures» a offert la publication d’une rectification restreinte à ce point précis, ce qui a manifestement été refusé par le plaignant.

3. Concernant l’aspect du pluralisme des points de vue (directive 2.2) il convient de rappeler qu’il ne découle de la «Déclaration» et des directives y relatives aucune obligation éthique de rendre compte de manière objective. Dès lors, une relation unilatérale et partisane est admissible de la part d’un média (prises de position 17/1998; 20/2000, 8/2002, 37/2003, 1/2004). Dans le cas présent, on ne saurait d’ailleurs parler de comptes rendus unilatéraux: un traitement inégal des candidats semble entièrement justifié par les circonstances objectives. Dans une telle élection les candidats hors partis ont dans la règle effectivement des chances quasi-nulles et il est légitime d’informer le public de façon plus complète sur ceux qui sont effectivement en mesure de l’emporter (prise de position 26/2000). En dépit de ces considérations le Conseil de la presse constate que les candidatures de Marc-Etienne Burdet et de François de Siebenthal ont eu un écho médiatique important.

4. De manière constante, le Conseil suisse de la Presse a souligné l’importance qu’il attache à la liberté du commentaire (chiffre 2 de la «Déclaration), précisant que celui-ci «doit jouir d’une large liberté quant au ton adopté» (prises de position 4/92). Selon la directive 2.3 les journalistes doivent veiller à rendre perceptible la distinction entre l’information proprement dite – soit l’énoncé des faits – et les appréciations relevant du commentaire ou de la critique. Dans ses prises de position 16/1999, 30 et 44/2001, le Conseil a précisé qu’un «commentaire ne peut remplir son rôle d’éclairage du public que dans la mesure où ce dernier connaît les faits qui justifient l’opinion exprimée».

En l’occurrence, les faits – les circonstances des candidatures de Marc-Etienne Burdet et de François de Siebenthal – sont connus et rappelés dans les articles contestés. La description du plaignant comme un «trublion», un «citoyen borné», un «quérulent» etc., de même que la critique de son comportement et de sa candidature («danger pour la démocratie», «Ubu conseiller d’Etat»), ainsi que les deux caricatures de Burki publiées dans «24 Heures» – un fou sur le toit du château du gouvernement; le premier «Don Quijote» (Burdet) remplacé par le deuxième (de Siebenthal) – sont clairement reconnaissables comme des appréciations, certaines certes dures, mais qui reposent sur des faits avérés.

III. Conclusion

La plainte est rejetée dans la mesure où l
e Conseil suisse de la presse entre en matière.